Cannes 2025 | Militantropos, l’Ukraine à l’heure de la guerre avec la Russie

Cannes 2025 | Militantropos, l’Ukraine à l’heure de la guerre avec la Russie

Présenté à la Quinzaine des Cinéastes, Militantropos de Yelizaveta Smith, Alina Gorlova et Simon Mozgovyi aura mis tout le monde d’accord sur un point : cela doit cesser.

A travers les réalités fracturées de l’invasion russe en Ukraine, le film reconstitue des vies quotidiennes bouleversées par la guerre, retraçant à la fois l’instinct de survie et le besoin de proximité. Au cœur de la dévastation et des atrocités, l’humain est absorbé par la guerre – et la guerre, à son tour, devient un part de l’humain.

La guerre pour les nuls

Unique documentaire présenté à la Quinzaine des Cinéastes cette année, Militantropos s’avère bien moins orienté politiquement que l’on pourrait le penser. En effet, si ses réalisateurs sont tous les trois d’origine ukrainienne, ils parviennent à proposer des images presque toutes impartiales d’une même réalité : la guerre fait des morts et change les populations.

C’est en tout cas ce que l’on se dit en découvrant la première partie du film, centrée sur ceux qui fuient l’Ukraine – par peur de mourir dans une guerre qu’ils n’ont jamais voulue – et ceux qui restent -par esprit de résistance ou parce qu’ils n’ont nulle part où aller. Car à l’heure où de nombreux pays d’Europe se replient sur eux-mêmes, en raison de discours politiques de plus en plus nationalistes, la population ukrainienne sait qu’elle ne sera jamais autant chez elle… que chez elle !

Le scénario est donc d’une simplicité rare et empêche Militantropos de devenir la tribune d’un pamphlet trop facile à l’égard de Vladimir Poutine – bien que son nom soit mentionné sans détour. L’équipe suit ce qui se passe près de la frontière, dans la capitale et dans les campagnes, et ceux dont le destin a complètement basculé. Entre des plans fixes sur des zones détruites par les obus russes et sur ces cimetières improvisés en urgence, le silence… Un calme qui laisse place aux larmes, à l’incompréhension, au désarroi. A l’image de ces bunkers parfois de fortune, dont les murs sont couverts de dessins d’enfants et du décompte des jours passés à l’intérieur. Ou de ces champs qui continuent d’être cultivés, preuve que la vie doit continuer malgré tout.

« J’adore buter ces enculés »

La deuxième partie de Militantropos s’intéresse légitimement à ceux qui luttent activement contre l’armée russe, sur le front, dans les tranchés ou un peu plus loin, aidés de drones. Et si évidemment, le documentaire ne peut pas se passer d’images de frappes russes, c’est le brouhaha ambiant qui surprend et s’oppose au silence évoqué précédemment. Un brouhaha auquel les militaires, parfois très jeunes, se sont habitués. Mais ce n’est pas tant leur force ou la puissance de la riposte que les quatre scénaristes veulent nous montrer mais plutôt le caractère éclectique des troupes.

Si les drones et les obus sont lancés par de « vrais » militaires, Militantropos fait la part belle à celles et ceux qui se sont enrôlés afin de défendre leur patrie et sans jamais avoir tenu une arme par le passé. On applaudit alors le dénouement de ce projet ambitieux et honnête. Militantropos prend en effet le temps de montrer les visages et les émotions de toutes ces familles qui se disent au revoir sur un quai, sur un parking, au moment où un ou plusieurs de ses membres reprennent la route du front. Car à l’heure d’une guerre sans fin annoncée, qui sait de quoi demain sera fait.

Formellement, Militantropos est un documentaire de bonne facture, légitimement sélectionné à la Quinzaine des Cinéastes mais un chouïa classique. Néanmoins, certains plans marquent et resteront longtemps avec nous.

Militantropos
Cannes 2025. Quinzaine des Cinéastes.
Réalisation : Yelizaveta Smith, Alina Gorlova, Simon Mozgovyi
Scénario : Yelizaveta Smith, Alina Gorlova, Simon Mozgovyi, Maksym Nakonechnyi
Son : Mykhailo Zakutskyi, Peter Kutin
Musique : Peter Kutin
Photographie : Viacheslav Tsvietkov, Khrystyna Lizogub, Denis Melnyk
Montage : Yelizaveta Smith, Simon Mozgovyi, Alina Gorlova