Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24





A l'occasion de la sortie de Ulzhan, film de Volker Schlöndorff présenté en Séances spéciales à Cannes, Ecran Noir a rencontré son acteur principal, Philippe Torreton. Dans une chambre d'hôtel, place des Vosges, l'acteur, récemment élu conseiller de Paris, nous parle avec talent, gentillesse et passion de ce rôle, de ce film, de cette aventure si particulière.
EN : C’est ce qui est remarquablement bien vu, car rien n’est expliqué, légitimé, surajouté.
PT : Cela me fait plaisir. Car de mon point de vue la difficulté réside justement sur ce que vous venez de dire. Ne pas déranger le personnage par ma volonté d’acteur qui se doit, malgré tout, de trouver des « choses » en prenant le risque d’en faire trop. C’est pour cela que je crois de moins en moins à la composition. On ne compose pas un personnage.

EN : Même dans la technique de l’Actor’s studio ?
PT : Non, on ne peut pas réduire l’Actor’s studio uniquement à cela. Il y a bien des méthodes d’acteur qui donnent l’impression que ceux-ci s’oublient afin que le spectateur se dise que c’est formidable un acteur qui arrive à s’oublier dans un rôle. Et en fait non, c’est la forme suprême de l’orgueil. C’est le contraire du type : regarde comme je suis brillant, j’arrive à changer ma voix, à me faire pousser la barbe et (il baisse la voix) à parler comme cela. Tout ceci est volontaire, on ne peut s’oublier et l’on ne décline que soi. Shakespeare n’a écrit que « lui ». Un acteur ne joue que lui. On donne juste une impression de quelqu’un d’autre.

EN : Vous êtes un homme d’engagement. Comprenez vous le cheminement intérieur de Charles et n’y voyez vous pas là une autre forme d’engagement ?
PT : C’est bizarre, car je ne crois pas qu’il s’engage.

EN : Néanmoins n’est-ce pas une forme d’engagement que de vouloir disparaître. Au sens philosophique du terme. Aller jusqu’au bout de sa démarche...
PT : Il ne sait même pas ce qu’il veut. Combien de fois avec Volker nous nous sommes dit qu’il s’agissait d’une quête de mort, pour se poser la question inverse juste après.

EN : Pour vous, il reste malgré tout indécis ?
PT : Moi, je crois que c’est plutôt cela. C’est à prendre avec des pincettes et toute interprétation serait mal venue. Il y a un mystère et il fallait respecter ce mystère. Mais il en est peut être la première victime. Je l’ai défini en disant que c’est quelqu’un qui ne veut plus vivre mais qui n’a pas la force de mourir. Donc, comment fait-on lorsque l’on a vécu un tel drame, que la vie est absurde, tout est absurde, son métier, ce qu’il est, sa santé, ses parents, ses amis…Tout cela n’a plus de sens. Il n’y a plus de raison d’être et en même temps il se retrouve avec sa boîte de pilule qu’il n’arrive pas à avaler.

EN : Alors que votre personnage est venu chercher la paix dans l’abandon, il trouve, au cœur de la steppe amitié et amour. Ce qui rend son cheminement personnel compliqué voir paradoxal. Ce dilemme, nous semble t-il, n’a pas été aussi réussi depuis Paris Texas.
PT : Franchement cela fait plaisir. Quand on a projeté le film à Berlin, j’ai vu un grand monsieur arriver vers moi (je ne l’ai pas reconnu tout de suite) qui m’a dit dans plusieurs langues que le personnage aurait pu être dans l’un de ses films. Et c’était Wim Wenders ! Pour moi c’est comme si j’avais reçu la légion d’honneur.
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