Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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Alors que deux de ses plus grands films font l’objet d’une ressortie en salles (Excalibur le 19 novembre et Zardoz le 3 décembre), le réalisateur britannique John Boorman était l’invité d’honneur du Festival L’autre cinéma d’Arras en novembre dernier. Avec simplicité et gentillesse, il a longuement parlé de son travail au cours d’une leçon de cinéma passionnante. L’occasion pour ce cinéaste que beaucoup considèrent comme culte de prouver que son œuvre, loin d’être datée, semble plus actuelle que jamais. Visionnaire, John Boorman ? Le terme le fait rire, mais il ne le nie pas. Du coup, on attend avec encore plus d’impatience de découvrir un jour ses deux derniers films (The tiger’s tail et In my country), restés inédits en France, ainsi que ses deux prochains projets : une adaptation du roman de Marguerite Yourcenar Les mémoires d’Hadrien et une version animée du Magicien d’Oz.
EN : Vous comparez souvent les films et les rêves. Comment est-ce qu’ils interagissent ou s’influencent l’un l’autre ?

JB : Quand le cinéma a débuté, c’était en noir et blanc. Or, il est probablement vrai que la plupart des gens rêvent en noir et blanc. Le langage des films est proche du langage des rêves parce que c’est un langage qu’on peut travailler avec une caméra : on va d’un endroit à un autre en un seul mouvement, ou alors on est tantôt proche, tantôt loin d’une personne. Quand je préparais le tournage de La forêt d’émeraude, je vivais dans une tribu qui n’avait jamais vu de télévision ni de cinéma. J’ai essayé d’expliquer au shaman ce que je faisais, ce qu’est un film. C’est difficile de se représenter pour quelqu’un qui n’en a jamais vu ! Je lui explique la manière de déplacer la caméra dans l’espace. Et il me répond : "ah mais c’est exactement ce que je fais quand je suis en transe, aller d’un endroit à un autre, plus vite ou plus lentement…"
D’après Scott Fitzgerald, "les films nous ont volé nos rêves, ce qui est la plus grande trahison du monde". Et dans un sens, c’est vrai. Le cinéma remplace nos rêves. Quelle que soit l’expérience qu’on a dans la vie, en fait on l’a déjà vue dans un film, et en réalité on la vit comme pour la deuxième fois.

EN : Presque toujours dans vos films, les personnages sont confrontés à une quête à accomplir. Quelle serait la vôtre ?

JB : Chaque vie est un voyage, quelque part. Quoique vous cherchiez, c’est le voyage qui importe au final… Au fond, on cherche la vérité. Quand je fais un film, je ne sais pas de quoi il parle tant qu’il n’est pas terminé, car si je le savais, je ne le ferais pas ! Ca doit être un voyage de la découverte. Par exemple la quête du Saint Graal, c’est une quête pour l’harmonie, la vérité… des choses que nous cherchons tous, mais qui prennent longtemps.

EN : Dans Excalibur, Merlin répète à plusieurs reprises que le temps des Hommes est arrivé, et que celui de la magie et des éléments naturels est terminé. Est-ce à cause de cet avènement, de cette "succession" si l’on peut dire, qu’il y a un tel antagonisme dans vos films entre l’homme et la nature ? Comme si l’homme essayait toujours de se rapprocher de la nature, en pensant la dompter, ou revenir à un état antérieur, et s’apercevait finalement que la nature est sauvage et indomptable, voire dangereuse et hostile ?

JB : Hum… je vois ce que vous voulez dire. (il réfléchit quelques instants). La nature, je crois, est indifférente. Elle peut être hostile comme bienveillante. C’est aux hommes de comprendre la nature. On parlait de quête tout à l’heure : moi, voilà ma quête : découvrir l’intelligence derrière la nature. Par exemple, j’ai étudié les arbres. Plus j’en apprends sur eux, plus ils me semblent mystérieux. Ils n’ont pas de cerveau ou de système nerveux, et pourtant ils ont une intelligence qui fonctionne de manière extraordinaire. L’Humanité devrait prendre conscience de cela, faire preuve d’un peu d’humilité face à la nature, et réaliser que c’est quelque chose à respecter et non à exploiter.


   MpM

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