Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24



Il faut bien l’avouer : lorsque l’on voit Panique au village, on envie ses deux réalisateurs, Vincent Patar et Stéphane Aubier, d’avoir su trouver un métier qui leur permette de garder un pied dans l’enfance et de faire rire (et rêver) tous ceux qui comme eux ont toujours les yeux qui brillent à l’évocation d’un cheval qui conduit une voiture ou d’une tartine de Nutella géante. D’autant plus que leur univers déjanté et loufoque a fait le tour de la planète sous forme de série télévisée avant de revenir sur le tapis rouge cannois en format long métrage. Et si, à première vue, les deux auteurs semblent plus réservés et pondérés que leurs œuvres pourraient le laisser croire, il suffit de les écouter parler avec gourmandise de leurs personnages et de leurs inventions pour déceler, dans leur attitude, toute la passion et l’enthousiasme qui les animent.


EN : Comment travaillez-vous concrètement pour trouver toutes ces idées ? Vous vous asseyez autour d’une table en bavardant ?

VP : On dessine beaucoup et on imagine des situations à partir de ces croquis. Parfois, ça part dans tous les sens.

SA : Par exemple, dans une autre version du scénario, on avait imaginé que les animaux prennent le pouvoir. Ils installaient une sorte de Las Vegas à côté de la ferme. Mais on s’est rendu compte qu’il fallait remettre l’accent sur Cowboy, Indien et Cheval, donc on a tout changé. Globalement, beaucoup d’idées ont été mises de côté… C’est Vincent Tavier qui nous a aidés à trouver une certaine cohérence. Au début, on partait dans tous les sens. Beaucoup de choses sont parties à la poubelle. On pensait mettre six mois à faire le scénario… et ça a pris trois ans !

EN : Quelles sont vos références, les choses qui vous plaisent ?

VP : Un peu tout ce qui nous entoure… Des films, des livres, des BD…

SA : Les films de Jacques Tati, par exemple, ce fut un découverte. Et bien sûr la BD, notamment quand on était plus jeune. Ou encore les situations stupides inventées par les frères Coen dans film comme Fargo ou The big Lebowski. Il y a aussi un film qu’on adore, c’est Le bon, la brute et le truand, à cause du personnage d’Eli Wallach. Il est capable d’être copain avec tout le monde et de se comporter comme un gros salaud trois secondes après. Ca nous fait bien rire. Et puis Louis de Funès dans certains films. D’ailleurs, lui, c’est un film à lui tout seul.

EN : Lorsque vous travaillez sur un film, comment vous répartissez-vous les tâches ?

VP : On ne se les partage pas avant mais ça se fait assez naturellement au fur et à mesure. Stéphane dessine le storyboard et met beaucoup de choses en place à ce stade-là. Moi je me concentre plus facilement sur la caméra. Mais dans tous les cas, on parle beaucoup ensemble avant.

SA : Et puis il y a toutes les étapes entre les deux : le design, les décors, le positionnement des figurines… Par exemple, Vincent dessine toutes les attitudes dont on aura besoin pour un personnage. Ensuite, quelqu’un les réalise en fonction de ces dessins.

EN: Et au final, cela correspond à combien de figurines ?

VP : Pour tout le film, 1500 figurines. A lui seul, Cheval en avait environ 200, et Cowboy et Indien 100 ou 120. Ca m’a pris 4 mois rien que pour dessiner toutes ces attitudes. Et encore, on aurait pu en faire plus… On avait toute une banque d’attitudes dans laquelle piocher.

SA : Certaines ont servis plein de fois. Par exemple, pour obtenir le cycle de marche de Cheval, il fallait huit figurines différentes, qui ont été utilisée à de nombreuses reprises.

VP : Ce qui était drôle, c’était d’imaginer les attitudes les plus improbables. Par exemple, des positions assez humaines pour Cheval. Comme lorsqu’il fait de la grimpette sur les rochers.

SA : Ou simplement quand il se couche sur le canapé pour lire le journal ! Un cheval couché, ça n’existe pas, impossible de trouver une figurine avec cette attitude !

VP : Ou même un cheval qui conduit une bagnole… (Ils éclatent de rire tous les deux devant la longue liste de toutes les attitudes qui, dans la réalité, n’existent pas.)

EN : Tous les objets utilisés par les personnages ont été crées spécialement pour le film ?

SA : Oui, tout a été dessiné. Par exemple le piano adapté à Cheval. Ca nous a fait rire de l’imaginer en vrai. C’est comme le piano en forme de haricot du conservatoire. (S’adressant à Vincent Patar) C’est toi qui l’a imaginé, celui-là ?

VP : Tu l’avais dessiné en mettant les touches à l’extérieur, et je l’ai juste modifié. C’est ça qui est gai : Stéphane fait un dessin et ensuite je vais rajouter un élément, c’est un échange. C’est aussi un plaisir de faire fabriquer les objets qu’on a imaginés ! Le concept de récupération, c’est juste pour les figurines : parfois on les utilise telles quelles, parfois on les modifie. Cheval, on n’aimait pas la tête qu’il avait dans la série, donc on lui a coupé la tête, on en a mis une autre et on a fait un moulage.
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