Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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Passionné par le cinéma dès son plus jeune âge, Vincent Grashaw réalise vers l’âge de 14 ans qu’il veut être réalisateur. Encouragé par ses parents à faire ce qu’il aime, il tourne des courts métrages à la sortie du lycée et écrit un scénario inspiré d’une expérience personnelle : vers l’âge de 15 ans, un des membres de son équipe de hockey avait été envoyé dans un camp de redressement pour mineurs. Lorsqu’il l’avait revu trois ans plus tard, son ami avait tellement changé que cela l’avait terriblement marqué. Il décide alors d’écrire sur ce sujet.

Au fil du temps, ce projet adolescent deviendra Coldwater, un film âpre mêlant propos social et ambiance de thriller, sur le quotidien de l’un de ces camps où les brimades, la violence et les humiliations font office de discipline. Une œuvre fictionnelle qui, d’après le principal intéressé, est encore en-dessous de la réalité ultra-violente de ces lieux de non-droit, qui ne sont régis par aucune législation.

EN : Coldwater mixe plusieurs genres : film de prison, d’évasion, thriller… Un vrai challenge !

VG : Bien sûr, c’était compliqué. Mais en réalité, nous avons vécu sur les lieux du tournage, tous ensemble, pendant environ 5 semaines. Nous n’avions ni téléphones portables, ni internet. D’une certaine manière, cela nous a forcé à nous rapprocher les uns des autres. On était là les uns pour les autres. Le film est extrêmement sombre mais on s’est beaucoup amusé à le faire ! Et puis le tournage avait été minutieusement préparé, j’avais tout en tête, même la musique. J’ai un système très personnel pour la musique : je mets des liens youtube dans le script, pour montrer aux compositeurs quel genre d’ambiance je veux. Comme ça, ils savent quand je veux de la musique, et quel style. En plus, nous avions aussi un monteur sur le tournage. Il montait les images au fur et à mesure. Donc deux jours après les prises, nous voyions le résultat, les compositeurs aussi, et ils pouvaient commencer à travailler sur la musique. Très vite, on voyait comment ça avançait. Je trouve ça super important ! Sinon il faut attendre la fin du tournage pour commencer le montage et se rendre compte qu’il manque des prises !

EN : Les plans sont-ils aussi indiqués dans le scénario ?

VG : Non, pas dans le scénario. Mais je fais une liste des plans dont on aura besoin pour le directeur de la photographie. Je passe des semaines, des mois à faire une liste des plans, avant même d’avoir vu les lieux de tournage. Comme ça, quand on a sait où on va tourner, on va visiter les lieux, et on sait déjà les plans qui sont prévus. Si l’endroit est différent de ce qu’on avait imaginé, il suffit d’ajuster ce qui était prévu. C’est plus simple. Etre trop préparé est une bonne chose. On peut plus facilement s’adapter.

EN : La prison est une prison en plein air, avec comme décor des vastes paysages à perte de vue… En quoi cela a-t-il influencé votre mise en scène ?

VG : Je ne voulais pas faire un film de prison classique, tourné dans des cellules. Il y a des moments où l’action se déroule à l’intérieur, mais pour moi c’était important de montrer qu’ils sont au milieu de nulle part. C’est presque magnifique. Et du coup ça crée un contraste avec ce qu’ils sont en train de vivre. Cinématographiquement parlant, c’est joli. Tout est ouvert, mais ils ne peuvent aller nulle part. Les obstacles sont naturels.

EN : Parlez-nous de ces camps.

VG : Tous ne sont pas mauvais. Mais souvent, ils sont pires que ce que je montre dans le film. J’ai voulu faire une œuvre fictionnelle, avec des éléments de suspense, sur les codes du thriller. Donc je ne parle pas des abus sexuels qui se produisent, ou de choses de ce genre. Ces camps sont des établissements privés, ils ne sont soumis à aucune législation fédérale. Les parents payent très cher pour y envoyer leurs enfants, il y a beaucoup d’argent en jeu. Ce que le film essaye de montrer, c’est que les parents devraient se renseigner mieux avant d’envoyer leurs enfants dans ce genre d’endroits.

EN : Etait-ce important pour vous de faire un film qui soit engagé et militant ?

VG : Je ne pense pas que je le formulais comme ça. Au départ, je voulais juste faire un film. Mais avec le temps, au fil de mes recherches, c’est devenu un film militant. Mais si j’avais vraiment voulu faire ça, j’aurais fait un documentaire. Alors que là, je voulais quand même en faire un film de divertissement, un thriller, avec du suspense. Après, c’est aux spectateurs de faire leurs propres recherches ! Mais je pense que ce serait vraiment bien que quelqu’un fasse un documentaire sur le sujet parce que ça reste très peu médiatisé. Le gouvernement sait ce qui se passe, ce n’est pas un secret, mais personne n’en parle car il y a tellement d’argent en jeu ! Des milliards de dollars. Et quand il y a de l’argent en jeu, il y a de la corruption.


   MpM

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