Ecran Noir

Jeanne et le garcon formidable




INTERVIEW

Propos recueillis par
bertrand amice

Sommaire de l'entrevue

Vous avez été inspirés par les comédies musicales de Jacques Demy.

Le choix de Mathieu Demy, ça s’est fait comment ?

Virginie Ledoyen est la seule comédienne qui ne chante pas dans le film.

Il y a aussi d’autres thèmes actuels qui sont abordés : l’immigration, le chômage, le crédit des ménages...

On sent très bien qu’il y a une très bonne synchronisation avec les chansons.

Comment vous êtes-vous réparti les tâches pour la réalisation de ce film sur le plan de l’criture, sur le plateau ?

Pourquoi avoir choisi ce titre au film ?

Est-ce que les décors sont importants ?

Le dimanche 5 avril 1998, Virginie Ledoyen a remporté le prix d’interprétation féminine au Festival du Film de Paris.


BIOgraphies

Olivier Ducastel

Jacques Martineau

O.Ducastel & J.Martineau



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BA : “Pourquoi avoir choisi ce titre au film ?”

OD : “Le titre, on l’a trouvé... A l’époque, quand j’ai lu le scénario, le film s’appelait OLIVIER A LE SIDA. Et c’était un titre qui avait l’inconvénient de déplaire assez fortement aux financiers et à l’avance sur recettes, etc... Donc, on était un peu à la recherche d’un autre titre. En même temps, c’était un titre que Jacques aimait beaucoup parce qu’il avait le mérite effectivement de déplacer complètement l’univers de la comédie musicale, enfin si on mettait "OLIVIER A LE SIDA comédie musicale", c’est vrai qu’il y avait un contraste comme ça qui était très marqué. Mais, peut-être un petit peu trop. Donc, on a cherché un titre qui soit effectivement plus de lui-même un titre de comédie musicale. Sans qu’on est besoin d’écrire "une comédie musicale" dessous. Donc, à partir de là, j’ai relu les chansons. Et c’est vrai que j’aimais bien FORMIDABLE, LE GARÇON FORMIDABLE. Disons que voilà, en tournant autour de JEANNE ET LE GARÇON FORMIDABLE avec un tout petit temps d’hésitation où on s’est demandé s’il ne fallait pas mettre JEANNE ET LES GARÇONS FORMIDABLES. Mais, ça faisait un peu sitcom, un peu trop HELENE ET LES GARÇONS... Donc c’était pas possible. En fait, je crois que ce qui nous a plu et autour de nous, c’est qu’il y a un petit désuet, je crois dans la formulation GARÇON FORMIDABLE, qui du coup est contre-balancé par le fait qu’on sait au minimum que les questions soit de séropositivité, soit du SIDA, très vite afin de pouvoir parlé du projet, que ça décale un peu... Après Jacques peut donner des explications étymologiques par rapport à FORMIDABLE.”

JM : “Non, non (rires)”


BA : “Quel est votre meilleur souvenir au niveau du tournage?”

JM : “Il y a plutôt que des bons souvenirs. Le bon souvenir, c’est les neuf semaines de tournage. Après, il y avait des moments très chaud.”

OD : “Effectivement, j’aurais peut-être tendance à dire que les meilleurs souvenirs, c’est effectivement quand on s’est embarqué dans des trucs un peu compliqués comme la chanson de Jacques Bonaffé, le long du canal ou le grand plan de danse entre Virginie et Mathieu quand ils passent devant l’orchestre et qu’ils tournent autour du lampadaire, qui étaient effectivement des plans où vraiment il y avait beaucoup de paramètres qui rentraient en ligne de compte.Et quand on avait l’assurance d’avoir une prise qui était bien, ça, c’était vraiment des moments extrêmement agréables parce qu’on avait l’impression que ça devait être plus difficile à obtenir que d’autres choses. Mais sinon, il y a tous les moments festifs, comme ça autour du tournage. Je trouve que la fabrication du film et la vie du tournage, c’est des choses qui ne se dissocient pas vraiment. Donc, en fait, globalement le souvenir qu’on a maintenant de ces neuf semaines, c’est un peu une espèce de colonie de vacances parce que c’était un été assez réussi.”

JM : “Mais laborieuse.”

OD : “Oui; oui.”


BA : “Sur l’aspect visuel, la couleur est très présente dans les décors. Est-ce que les décors sont importants ?”

OD : “Avec Louis Oubrié (le décorateur), ce qui nous intéressait beaucoup par rapport au fait que c’était une comédie musicale et à des choses que l’on peut aimer dans des univers comme ça, pas nécessairement d’ailleurs cinématographique c’était vraiment de jouer à la fois sur du décor naturel, c’est-à-dire des choses qui existent, qu’on a filmé tel quel pratiquement sans y toucher. Éventuellement, nous avons beaucoup cherché comme l’entreprise Jet Tour, mais c’est vrai que c’est pas un décor sur lequel on est intervenu. Et des choses qu’on a vraiment fabriquées de toute pièce, comme les appartements des personnages. Et trouver dans cette démarche des choses très différentes, d’essayer de construire une harmonie. Je ne connaissais pas Louis Oubrié avant de faire le film. On s’ est rencontré parce que la productrice et son assistante avait déjà travaillé avec lui. Quand, j’ai su qu’il avait travaillé sur AOUT d’Henri Erre, je me suis dis que c’était sûrement une bonne piste pour nous, parce que dans AOUT il y a cette chose de très réussie, à la fois de filmer la Défense qui est un lieu qui existe, mais comme si c’était un décor, comme si cela avait été construit pour le film et en même temps de fabriquer des lieux intimes des appartements, des boîtes de nuit, des choses comme ça que Louis a vraiment dessiné pour le film. Mais, qui sont complètement dans l’esprit de l’architecture de la Défense. Bon nous, c’est une autre démarche, c’était un peu le même genre d’état d’esprit effectivement qu'il fallait avoir par rapport au décor.”


BA : “Au niveau des séquences, combien avez-vous fait de prises en moyenne?”

OD : “C’est très variable, ça dépend de la difficulté, c’est-à-dire , les choses dont je parlais tout à l’heure, les plans séquences : au canal, la java et le petit déjeuner au lit. On est arrivé à monter jusqu’à 15 et 16 prises ! C’est-à-dire, en général, ça se passe comme ça : il y en a deux ou trois pour se mettre en jambe, puis vers la quatrième et la cinquième c’est pas mal, voir presque bien, mais c’est pas exactement ça ; on pense qu’on peut faire mieux et puis il y a un moment où ça se met à patiner complètement pendant quatre, cinq, six, sept prises !... où il y a des problèmes techniques, ou alors c’est pas ça, on n'est pas content, personne n’est content, ni le cadreur, ni les acteurs. Puis, tout se remet en place et effectivement on obtient ce qu’on voulait.”

JM : “Mais, enfin les quatorze prises, c’était assez exceptionnel !”

OD : “Sinon, dans l’ensemble on a plutôt tourné... il y avait toujours cette fameuse septième prise qu’on foirait. Souvent, on tournait autour de huit prises, c’est-à-dire que dans les cinq ou six premières, il y a en avait une qui était bien, et qu’on doit en faire une autre de bien pour les assurances, c’est vrai que la deuxième on l’obtenait pas toujours juste derrière.”


BA : “Avez-vous enlevé beaucoup de séquences au montage?”

OD : “Non, pratiquement... Il y a des mini-séquences qui ont disparues au montage, des trajets, des déplacements, une toute petite séquence où Jeanne recevait un appel téléphonique de sa mère à Jet Tours. Vraiment des choses comme ça. Puis, effectivement un ou deux extérieurs. Sinon, il n'y a pas de séquences musicales qui ont été coupées au montage. Après, il n'y a que des choses de rythme en fait. Ce qu’on a fait au montage, c’est-à-dire, entre le premier montage qui durait 1 h 50 mn et le film qui fait 1 h 35 mn maintenant, c’est soit des entrées ou fins de scènes, des scènes raccourcies par le milieu, il y a deux mini-coupes dans deux chansons, donc ça peut-être un jeu concours : “Dans quelle chanson il y a une coupe, et où est la coupe?” Mais sinon, en revoyant le film, il y en a une assez facile à trouver et l’autre à peu près indétectable...”


BA : “Le dimanche 5 avril 1998, Virginie Ledoyen a remporté le prix d’interprétation féminine au Festival du Film de Paris. Qu'avez-vous ressenti à ce moment là?”

JM : “On était très fier.”

OD : “Oui, on était très fier, extrèmement content pour elle. Nous, on est très content, on trouve ça très mérité, et c’est vrai que d’une certaine façon, ça nous fait effectivement très plaisir que Virginie ait un prix pour ce film quoi. On espère que ça soit un moment un petit peu important pour elle, on lui souhaite plein de beaux films encore et voilà... et des rencontres. C’est vrai que nous, en tout cas, dans le travail, ça été une rencontre très formidable, je crois, partagée par elle comme par nous. C’est vrai que ça nous a fait super plaisir qu’elle soit récompensée.”

JM : “J’ajoute que ça fait plaisir parce que le fait qu’elle ne chante pas, ça nous faisait un peu peur, c’est-à-dire, on se dit : “Ah! bah les gens vont pas reconnaître son travail”. Alors, qu’en fait, comme on le disait tout à l’heure, travailler sur un play-back et la voix de quelqu’un d’autre et la porter, c’est un travail d’acteur qui est extrêmement difficile. Et que si la voix d’Elise colle si bien à Virginie, c’est parce que Virginie fait coller la voix et là il y a un travail d’acteur vraiment énorme. Le jury s’en ait rendu compte...”


BA : “Quels sont vos projets?”

OD : “On n'en est pas encore au stade de penser vraiment en terme de tournage, on a réfléchi, et Jacques a écrit un scénario à une époque où on n’était pas sûr d’arriver à faire JEANNE ET LE GARCON FORMIDABLE. On doutait vachement parce qu’on avait l’impression que c’était un projet un peu trop cher, on était presque sûr de le faire. On s’est dit : “Au cas où ce film là ne se passe pas, il faut qu’on est quelque chose pour rebondir. Mais en ce moment, nous partons vraiment sur un projet très simple. C’est un projet beaucoup plus modeste, projet que moi j’aime vraiment beaucoup. J’espère vraiment qu’on arrivera à le faire idéalement au printemps prochain, dans un an. Mais, c’est vrai qu’il n’est pas exactement tout à fait fini d’écrire, c’est-à-dire, qu’on est en train vraiment de lui donner une dernière petite couche. Puis, personne ne l’a lu. Il y a tout le travail de lecture, de rencontre, à faire dessus. Donc ça peut être avant un an...”

le filmVirginie Ledoyengaleriemusiques

 

© Ecran Noir 1996-1998 *
CHRIS

Photos Laurence Trémolet & Eve Peterman / Films du Requin