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Les trilogies sont en vogue. Surtout quand elles ont l’aspect de sagas mythologiques. Dès le triomphe inattendu et culte du premier Matrix (Matrice pour les québécois), l’idée d’une suite fut envisagée. Mais les frères Wachowski avaient un projet bien plus ambitieux à l’esprit. Les premières rumeurs d’une " trilogique " se répandirent au début 2000. Entre temps The Matrix était devenu une rente pour la Warner, aussi bien en salles qu’en vidéo (premier film à avoir vendu un million de DVD rien qu’aux USA). Autre particularité, la moitié des recettes provenaient du Japon, de France, d’Allemagne et du Royaume Uni.
Codé sous le nom de " The Burly Man ", d’après une scène de combat imaginée (The Burly Fight), les deux originaires de Chicago décidèrent de créer bien plus qu’un ou deux fills : un univers multimédia autour de leur concept.
Cela prendra 4 ans à créer, réaliser et lancer. 4 ans depuis la sortie de l’épisode originel. La Warner (Batman, Lord of the Rings, Harry Potter) et Joel Silver (Lethal Weapon, Die Hard) investirent un paquet de dollars. 40 millions pour une séquence de combat de 17 minutes. 2 millions et demi pour une autoroute de presque 4 kilomètres construite spécifiquement pour une séquence. 4 millions de $ pour le spot publicitaire diffusé au Superbowl. Sans parler des salaires.
Ce ne fut d’ailleurs pas gagné d’avance. La plupart des sociétés chargées des effets spéciaux - budgétés à 100 millions de $ - ont fait banqueroute avec l’explosion de la bulle financière. D’une part, cela a retardé la production du film (initialement prévu pour Mai 2002), d’autre part cela a obligé Keanu Reeves à renégocier son immense contrat : les producteurs avaient peu de ne pas rentrer dans leurs frais. Reeves aurait abandonné quelques 40 millions de $ de revenus potentiels.
Le film sortira finalement le 15 mai 2003. Soit une année après sa date prévue, mais une semaine avant le Memorial Day. Comme pour gagner de l’avanceŠ Un gros pari : ce sera la première fois que la Warner sortira un film le jeudi aux USA. La combinaison de salles devrait approcher les 4000 exploitants. Le même jour, le film sera présenté au Festival International du Film à Cannes, en guise d’avant-première mondiale, prestigieuse. Si Joël Silver rêvait de l’avoir en Compétition Officielle, le studio a privilégié une visibilité sans enjeux, tout en profitant de la présence de 3000 journalistes internationaux.
Il faut reconnaître que, depuis deux trois ans, le Festival de Cannes n’est plus un problème marketing pour les studios hollywoodiens. Shrek, en compétition, avait bénéficié d’une reconnaissance critique. Quant à Star Wars l’an dernier, sa présence à Cannes n’a pas empêché le film de cartonner dans les salles. Un an après l’apparition de la bande-annonce de The Matrix Reloaded (La Matrice Rechargée en québécois) juste avant l’épisode II de Star Wars, nous aurons déjà le droit à la bande-annonce de The Matrix Revolutions (le troisième de la série). Le film sortira à peine six mois plus tard. "Une fois que les gens seront réveillés et que le vrai monde leur sera révélé", comme l’explique Morpheus. Le producteur Silver va plus loin : ce ne sont pas deux films séparés mais un seul coupé en son milieu, l’attaque du siège de Zion (ça rappelle une autre trilogie). Le tout se déroulerait sur une journée de 24 heures.
Le générique de fin du second épisode (long de 8 minutes) sera par conséquent la bande-annonce du troisième feuilleton, qui sortira mondialement au même instant en novembre prochain. Cette bande-annonce comportera des scènes de Reloaded. Mieux vaut l’avoir vu avant.
Le marketing est à la hauteur du projet. Les 50 000 visites quotidiennes du site internet, aussi bien soit-il, ne suffisent pas à reussir le lancement. Les affiches sont disposées aux meilleurs endroits de la planète. Certaines, dans le métro parisien, utilise un principe d’hologrammes. Et depuis Noël 2002, le studio nous révèle les silhouettes (sans les visages) costumées des héros de la deuxième partie. Il faut garantir le succès financier de l’entreprise. AOL Time Warner, propriétaire de la Warner, a annoncé 100 milliards de $ de pertes pour l Śexercice 2002. Maintenant, la série n’a pas besoin de publicité massive. Le public sait que le film va sortir. Aussi le marketing préfère miser sur l’extraordinaire ou l’événementiel. Car tout le monde se persuade que les scores seront à la hauteur des attentes. Il le faut, auquel cas la conclusion de la trilogie échoueraient. Rappelez-vous la trilogie de Retour vers le futur, qui utilisa à peu près le même calendrier. Zemeckis du affronter les critiques sur l’épisode II (scénario trop confus) et l’échec public du troisième (conséquence logique).

- Vincy