Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24


gebeka  

Production : Les armateurs
Distribution : Gébéka films
Réalisation : Michel Ocelot, Bénédicte Galup
Scénario : Michel Ocelot, Bénédicte Galup, Philippe Andrieux, Marie Locatelli
Montage : Dominique Lefever
Son : Bruno Seznec, David Tripeau
Musique : Youssou N'Dour, Manu Dibango
Directeur artistique : François Bernard
Durée : 75 mn
 

Pierre-Ndoffé Sarr : Kirikou
Awa Sène Sarr : Karaba
Robert Liensol : La grand père
Marie-Philomène Nga : La mère
 

storyboard de Kirikou 2 (Télérama)
site officiel
Kirikou à Cannes, 2005
Kirikou, 1er (Kirikou et la sorcière)
 
 
Kirikou et les bêtes sauvages


France / 2005

07.12.05
 

Tout commence avec ce grand père assis en tailleur, au milieu de sa grotte bleue : "L'histoire de Kirikou et la sorcière était trop courte. On n'a pas eu le temps de rapporter tout ce que l'enfant Kirikou avait accompli. (...) Je vous les raconte." Voilà comment débute Kirikou et les bêtes sauvages : par une justification. En fallait-il une après le succès inattendu de Kirikou et la Sorcière, en 1998? 1,5 millions de spectateurs. Le plus grand succès de l'animation française en salles depuis Le Roi et l'Oiseau en 1980 (1,7 millions de spectateurs). Kirikou marquait la renaissance du cinéma d'animation hexagonale, confirmé, depuis par les succès des Triplettes de Belleville et La Prophétie des grenouilles. Le triomphe du 2D en plein air de synthèse.





Le roi Kirikou
Michel Ocelot, le papa du petit africain, est très fier de l'aspect traditionnel de sa création, "dessinée au crayon sur du papier". Mais il avoue aussitôt : "après, tout le reste est numérique." Du trait noir créé par l'homme à Photoshop (bibliothèque de plantes). 62 ans aux prunes, né sur la Riviera bleue, ayant grandit dans la Guinée noire, passant son adolescence dans le vert Anjou, Michel Ocelot a signé la série des Gédéon dans les années 70, puis différents courts métrages (Les 3 inventeurs, British Award du film court d'animation, Les filles de l'Egalité, La légende du Pauvre Bossu, César du film d'animation, Les 4 voeux) entre 79 et 87. Avec La Fabrique, il réalisera un cycle de courts métrages pour la TV (La reine cruelle, Princes et Princesses, La sorcière...). Kirikou et la Sorcière son premier long métrage sort en 1998 sera produit avec Les Armateurs. Grand Prix à Annecy, il récolte des lauriers à Londres, au Caire, à Chicago, à Montréal... Succès mondial tout juste gâché par une censure aux Etats Unis (pensez : un zizi d'enfant et des seins de mamans!). Ocelot, en 2000, reprendra son conte Princes et Princesses, pour en faire une succession de courts assemblés en un seul long, utilisant la technique du théâtre d'ombres.
Pour en arriver au titre de roi de l'animation française, dégommant Grimault, Ocelot a galéré. Dans Télérama, il avouait récemment : "J'ai eu une vie un peu pathétique d'artiste qui n'arrive pas à trouver du travail et à vivre de son art. Au fond de ma cour, j'étais connu parce que mes courts métrages recevaient des prix dans les festivals. J'avais envie de me tuer au travail, mais je n'avais ni argent, ni matériel. Je me suis souvent posé la question : puisque personne ne veut de moi, dois-je continuer ? Mais je n'ai toujours fait que ce que je voulais. J'ai refusé d'animer la série Pif le chien , en me disant : je ne suis pas sur terre pour faire Pif le chien . Voilà : j'ai une vie d'artiste obstiné, qui n'est pas tombé sur des mécènes." Il faut dire que tout n'est pas rose : les producteurs et diffuseurs croient tout savoir sur les enfants, refusent la liberté artistique que les auteurs réclament. Pour Kirikou, Ocelot a eu des décisions lourdes à prendre. Les "décideurs" voulaient absolument recouvrir les seins des femmes africaines. Le chantage a faillit se transformer en sanction fatale pour le projet.

L'empire de Kirikou
Pour le second opus, les portes étaient grandes ouvertes. Et lui redouble d'idées. Du pur cinéma : "une course-poursuite endiablée, un monstre sur la pleine lune, une musique extraordinaire et un héros qui sait se tirer de situations désespérées!" Pourtant Ocelot n'avait pas prévu de faire un second Kirikou. Mais le personnage, tel Pinocchio, s'est mis à bouger sans son maître : nom d'associations pour enfants, demandes de merchandising à profusion, sollicitations par la télévision... 20 millions de produits portent la marque Kirikou (pourtant select : aucun fast food par exemple). Très vite, il s'agit de raconter d'autres histoires avec le petit bonhomme astucieux, et non de le faire grandir. Ni "sequel" ni "prequel", le second Kirikou s'intercale dans le premier film. La sorcière est moins présente. L'ennemi est plus varié. Surtout il le fait sortir de son village et montre les splendeurs de l'Afrique. Aux chansons aériennes de Youssou N'Dour (comme dans le premier épisode) qui ponctuent chacune des aventures en révélant un aspect de la personnalité de notre Kirikou transnational, s'est ajouté la rythmique de Manu Dibango. Excusez du peu. Mais pas de stars vocales : "Les voix connues, je trouve cela pathétique. Ce sont les commerçants qui imposent cette hybridation. Pour Kirikou , j'ai obtenu gain de cause : je voulais des voix africaines francophones, que je suis allé enregistrer à Dakar."
Aidé de Bénédicte Galup (directrice du studio infographique pour Kirikou et Les triplettes de Belleville) pour la réalisation, Ocelot parvient à faire le lien (merci TGV, web et portables) entre Angoulême, usine kirikouienne, et Paris, siège social des financiers et du créateur. Une partie des dessins est quand même délocalisée de son studio "spécifique" dans les Charentes pour être fabriquée en Lettonie et au Vietnam. Le film gagne aussi en qualité visuelle, flirtant parfois avec le Douanier Rousseau : "L'animation est plus riche, évidemment ! En animation, il n'y a pas de limites. Techniquement, d'abord : si je veux remplir Notre-Dame d'eau, je peux. Je ferme les portes, je l'inonde, je mets un bateau au niveau de la grande rosace, ça ne me coûte rien. Psychologiquement, aussi : l'animation fait avaler des choses qui ne passeraient pas en vues réelles. L'animation offre une liberté totale. C'est très riche, c'est divin" explique l'auteur.

Le résistant Kirikou
Alors Kirikou s'aventure loin, rencontre d'étranges animaux, continue de danser, chanter, et manger de la papaye, mais il fait aussi des choses simples comme de la poterie ou planter un végétal. Le budget n'a pas évolué, les équipes, elles, ont changé. La pression médiatique aussi. Un phénomène qui est anticipé depuis plus d'un an. Entre deux Disney et un Harry Potter, il fallait mettre les bouchées doubles pour séduire les spectateurs. "Je crois qu'on vit un âge d'or en termes de public. Il faut remercier l'animation japonaise, et notamment les séries type Goldorak . Les enfants qui les regardaient ont bien sûr grandi, et forment un public de jeunes adultes intéressés par l'animation. Les Japonais - Miyazaki et Takahata en tête - ont été les premiers à concevoir des films pour tous les âges. Côté français, le premier Kirikou a prouvé qu'un dessin animé francophone pouvait s'exporter dans le monde entier." Des extraits du film Kirikou et les bêtes sauvages ont été présentés, en plus d'une leçon de cinéma aux enfants par Michel Ocelot, au dernier Festival de Cannes : 1800 gamins ont applaudi. Des livres, du roman au scolaire, des albums à l'essai psychanalytique autour de cet enfant qui a toujours raison, alimentent la notoriété, les conversations, le désir. Le DVD du premier opus est un best seller inusable. Le jeu vidéo cartonne. Sans oublier les CD musicaux. La musique de Dibango donc, précurseur de l'Afro-beat, mais aussi les chansons de Youssou N'dour le Sénégalais et de Rokia Traoré la Malienne. "Kirikou l'enfant nu, l'enfant noir. Enfant mais pas naïf, petit mais pas craintif, il pense à chaque fois, puis il fonce dans le tas."
Lancement bien pensé par conséquent. 300 copies sans honte. Et l'ambassadeur de France pour l'Unicef, c'est qui? En ces temps de beaux discours sur les relations avec l'Afrique et ses peuples, entre propagande intolérante (avec des charters remplis venus d'Europe) et constat d'échec sur l'insertion des populations africaines en France (mais aussi aux USA), Kirikou pourrait réussir l'exploit ultime : un héros noir (déjà une denrée rare du 7ème Art) réconciliant tous les publics autour de sa mission pacificatrice. En attendant Azur et Asmar, prochain film de Michel Ocelot, ayant pour cadre les rapports au Moyen Âge entre le Maghreb et l'Andalousie, entre Islam et Catholicisme. Le genre de films que les Américains ne sont pas capables d'imaginer.
 
 
 
 
 

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