Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24


(c) Pan Européenne  

Production : Wild Bunch Exception, Atrmosphere Entertainment NM
Distribution : Wild Bunch, Pan-Européenne
Réalisation : George A. Romero
Scénario : George A.Romero
Montage : Michael Doherty
Photo : Miroslaw Baszak
Décors : Douglas Slater, Marlene Puritt
Musique : Reinhold Heil, Johnnt Klimek
Effets spéciaux : Jeff Campbell
Costumes : Alex Kavanagh
Maquillage : Greg Nicoreto
Directeur artistique : Arvinder Grewal
Durée : 93 mn
 

Simon Baker : Riley
Asia Argento : Stack
Dennis Hooper : Kaufman
Robert Joy : Charlie
John Legizamo : Chalo
Eugene R.Clark : Big Daddy
 

Site officiel
 
 
Land of the Dead


USA / 2005

10.08.05
 






George A.Romero aura projeté le genre horrifique cinématographique dans sa modernité, tel le fit Arthur Penn avec le western (« Le gaucher ») ou Godard avec le polar et le 7ème art dans son ensemble (« A bout de souffle »). En 1968, le film d’horreur ou d’épouvante n’est plus l’apanage de Hollywood, son âge d’or alors en déclin, et seuls quelques indépendants à l’instar d’un Roger Corman ou des productions Hammer en Angleterre, nourrissent encore les drive-in de productions inégales. Corman bricole des monstres en caoutchouc avant d’adapter Poe, tandis que la Hammer revisite les grands mythes, de Dracula à Frankentein, démons dandy tout en cape et antres de velours rouge baignés d’orgue. Loin des collines de Los Angeles, à Pittsburg, une bande de chevelus rêve de donner un coup de pied dans la fourmilière, à l’image de ce qui se passe au même instant de l’autre côté de l’Atlantique sur les pavés de St Germain. A leur tête, George A.Romero, qui a fondé au début des années 60 Latent Image, petite boîte de production locale qui tient la tête hors de l’eau grâce à de l’argent de paris sportifs, des pubs, des films industriels, voire de propagande électorale. Il s’est déjà frotté au long métrage avec un film à sketches inachevé, « Expostulations » et sous le joug d’un de ses associés, John Russo, compte remettre le couvert s’il se trouvait quelqu’un dans ce trou à rats prêt à investir. Il en trouvera dix, dont George et Marilyn Eastman, président et associée d’une chaîne de télé locale. D’où le nom de leur nouvelle entreprise : Ten Image. Pour l’heure, Romero est conscient qu’il faut attendre un peu pour mettre en concurrence ses velléités à s’inspirer de la Nouvelle Vague (quoique) et opter dans un premier temps pour un produit rentable et à faible risque. Le circuit de la série B, quoique fort concurrentiel, est toujours en demande. Et le film d’horreur depuis trop longtemps empêtré dans l’ellipse, alors qu’on ne cache plus grand-chose, aux infos du soir sur le petit écran, de la débâcle sanguinolente que subissent les p’tits gars au Vietnam. Quand bien même en noir et blanc.

Romero se souvient alors du roman de Richard Matheson, « Je suis une légende » où un survivant de l’apocalypse se cloître dans une ferme tandis qu’au-dehors le monde est à la merci des vampires. Il écrit un scénario en trois parties pour n’en retenir qu’une, presque en huit-clos, avant tout pour des raisons économiques, qu’il intitule dans un premier temps « Anubis », le dieu égyptien de la mort. Ce que sait bien évidemment tout américain qui se respecte ! Non ? Bon alors « La nuit des mangeurs de chair ». C’est plus parlant mais désolé déjà pris. Il opte finalement pour « La nuit des morts-vivants ». Le budget de 114 000 dollars pousse l’équipe à travailler parfois 24h sur 24 ainsi que les week-end. Comme souvent, cette restriction pécuniaire se transforme en donnée artistique et Romero la retourne à son avantage en filmant caméra à l’épaule dans un style documentaire. Dès lors, les scènes de cannibalisme, de matricide à la truelle, de bras humains rongés, de tripaille à l’air, s’apparentent un peu plus aux images qu’offre le spectacle des news et parlent aux consciences. Quand bien même en noir et blanc… Le 4 avril 1968, Martin Luther King se fait assassiner. Sans qu’il n’en soit jamais fait mention dans le film, le héros de « La nuit… » est un noir. Le jour même, copie 0 sous le bras, Romero part à la recherche d’un distributeur. Columbia refuse en raison du noir et blanc ( !) et AIP veut en changer la fin. Le deal est finalement conclu avec Continental Films. La première a lieu à Pittsburg sous un tonnerre d’applaudissement et une standing ovation tandis que la critique le vomit. Mais le film franchit les frontières, là où d’autres savent lire entre les lignes. Et plus encore que les 20 millions de dollars qu’il amasse, c’est l’auteur Romero que le monde cinéphile et protestataire salue bien bas.

Pour autant, il faudra attendre une décennie pour que Romero boucle le second volet de ce qu’il envisage dorénavant comme une trilogie. Sans néanmoins avoir planqué sa caméra sous le paillasson, il fuit le système des grands studios , y préférant son amour pour les petites productions quasi familiales et la parabole fantastique. En 1973, « The Crazies », « Season of the Witch » et en 1975 le très beau « Martin » apportent peu d’eau à sa réputation de rentabilité commerciale, ce dont il souffrira tout au long de sa carrière jusqu’à aujourd’hui. Le concept d’une suite séduit depuis longtemps les pontes de Hollywood, mais Romero tiens à son indépendance et préfère attendre. Il trouve cette opportunité en rencontrant Mark Mason, homme d’affaire avisé sans aucune appréhension artistique. Il fait visiter à Romero son énorme centre commercial, antre de la consommation et du rêve capitaliste, lui lançant à la volée que tout être humain pourrait y vivre en autarcie jusqu’à la fin de ses jours. Le roi George vient de trouver son sujet, son décor et une partie de son budget !
Ce dernier se monte à I M 5 dollars. Irvin Shapiro, l’agent de Romero, envoie une esquisse du script en Italie où il ne tarde pas à tomber entre les mains d’un certain Dario Argento, maître de l’horreur gothique transalpin et du giallo. Les deux hommes se rencontrent. Et le duo vérifie rapidement l’adage que seul un lit sépare l’amour de l’amitié. Argento complète le budget (avec les économies personnelles de Romero, de sa famille et une fois encore des copains) lui offrant une liberté sans borne en échange des droits internationaux hors USA.
« Dawn of the Dead » sort en 1978 et fait aussitôt l’effet d’une bombe, relançant le débat sur la censure. Le MPAA, conscient que couper les scènes gores revient à ne plus montrer qu’un court-métrage, opte finalement pour une simple interdiction aux mineurs à la place du X qu’il mérite. Argento réduit le film de 5 minutes et en accentue le rythme pour une sortie européenne. Sous le titre de « Zombie », il amasse en un mois un million de dollars en Italie pour finir à 40 millions d’exploitation mondiale. Il est à noter au passage que le terme de « Zombie » associé au nom de Romero n’est prononcé qu’une seule fois, et ce de façon peu à propos par un scientifique du « Jour des morts », le troisième opus. Et qu’au grand jamais le réalisateur n’a voulu confondre cette pratique vaudou haïtienne avec l’état de ses créatures. On s’en conviendra en voyant le magnifique « Vaudou » de Jacques Tourneur ou le plus récent « L’emprise des ténèbres » de Wes Craven. Dès lors, il faut attribuer au titre européen tous ses dérivés mercantiles, des plus heureuses (Lucio Fulci) aux plus discutables (Rugerro Deodato).

Fort de son succès, chacun s’attend à ce que Romero se dorent sous les cocotiers de la Californie en acceptant des budgets conséquents pour mettre en œuvre ses rêves les plus fous. C’est sans compter sur l’originalité du bonhomme qui préfère tourner une version bickers et beat-nick des Chevaliers de la Table Ronde intitulé « Knightriders ». On ne lui pardonnera pas. Et il a beau s’amouracher de Stephen King qui le lui rend bien, les adaptations de ses bouquins lui passent une à une sous le nez, de « Simetierre » au « Fléau », comme des « Vampires de Salem ». Les deux créateurs concrétisent leur amour du E.C comics en 1982 avec « Creepshow », un film à sketches, mais il faudra attendre 1993 et « La part des ténèbres » pour que les noms de King et de Romero soient associés à un long-métrage. Entretemps, Romero a déjà achevé, et ce dès avant « Creepshow », un scénario du troisième volet des morts-vivants… . Le premier script évoque une station balnéaire envahie, trop ambitieux pour le budget de 3,5 millions de dollars qu’on lui accorde. Non sans avoir évoqué l’idée de le tourner en 3D, Romero fait volte-face en réécrivant tout à zéro pour faire entrer l’histoire dans son budget C’est l’ère Reagan, et il reprend la dernière partie abandonnée de « La nuit… » pour situer désormais l’action en sous-sol, l’homme étant devenu un verre de terre. Militaire, mais verre de terre ! Les morts-vivant commencent à faire preuve d’intelligence pendant que l’humanité est réduite à des scientifiques, des GI’s et des nantis prisonniers de leur bunker… Mais Hollywood ne l’attend plus, se venge presque en le mettant directement en concurrence avec le parodique « Le retour des morts-vivants » de Dan O’Bannon à grands renfort de promotion. Les deux films sortent au même moment. Le premier triomphe tandis que « Le jour… » récolte avec difficulté 6 millions.de dollars de recette en 1986. Mais le bonhomme est bien placé pour savoir qu’il ne faut jamais enterrer les morts un peu trop vite…

Pourtant, la porte du caveau est lourde. Et on ne compte plus les projets évoqués puis abandonnés, les échecs, les batailles perdues, les promesses non tenues, les frustrations et le temps qui passe qui clouent un peu plus son cercueil.
L’excellent, trop méconnu et hitchcockien « Accident de parcours » en 1988 est ignoré par le public, ses retrouvailles avec Argento en 1990 pour « Deux yeux maléfiques » est un échec artistique et « Bruiser », en 2000, entièrement financé par Canal +, les deux.
Il passe à côté du regain pour le film d’horreur amorcé par « Scream » et, comble du comble, se voit rejeté de l’adaptation du jeu vidéo « Résident Evil », ouvertement inspiré de sa trilogie, pour signer… la formidable bande promo japonaise du troisième opus videoludique !
Idem de « La guerre des mondes », d’une nouvelle adaptation du « Tour d’écrou », d’une comédie rock’n roll et lycanthrope intitulée « Sho Be Doo The Moon », d’un thriller politique, « The assassination » avec Ed Harris et du premier scénario des frères Wachowski, « Carnivore », avec lesquels il ne parvient pas à s’entendre. Il faut dire que son projet le plus ambitieux et le plus avancé, « Diamond Dead », une comédie musicale avec Marilyn Manson dans le rôle de Dieu, n’a pas non plus le profil politiquement correct censé rassurer les investisseurs…

Pourtant, voilà déjà un bon moment que Romero a une nouvelle fois peaufiné une quatrième partie sur papier de sa saga. Il l’a soumis aux producteurs quelques jours… avant les attentats du 11 septembre ! La guigne… Mais c’est néanmoins cet événement et ses dérivées – l’invasion américaine en Irak – qui va l’inciter une fois de plus à tout réécrire. Pas dans l’espoir de faciliter le financement du film, non (rires). Mais pour à son habitude illustrer ses convictions. Et aux Etats-Unis comme ailleurs, l’argent n’a ni d’odeur, ni de parti pris politique. Dès lors, lorsqu’en 2004 Universal remplit son tiroir caisse avec le remake de « Zombie », « L’armée des mort » réalisé par Jack Snyder, on se souvient du petit vieux qui avait initié la pompe à fric. « Qu’est ce qu’il fait ? Il est vivant ? Il a des projets ?… ».
Du jour au lendemain, Romero est sollicité comme il ne l’a jamais été pour rendre sa copie l’été suivant ( un an sépare l’annonce officielle du projet de sa sortie sur les écrans !). Il reçoit 15 M de $ de budget, peu au regard des productions traditionnelles, mais plus que Romero n’en a jamais vu sur l’un de ses tournages. Vigilant comme à l’accoutumée quant à sa liberté créative, il déménage cette fois son équipe au Canada où les taxes sont moindres : autant d’argent économisé et reversé dans la qualité du film. Dés l’écriture, il avait envisagé le rôle de Slack sous les traits de la petite fille qu’il tenait sur les genoux sur le tournage de « Zombie ». La fillette est devenue une jolie brune, et c’est une Asia Argento ravie qui perpétue ici l’esprit familial et paternel de la saga. Romero, plus adepte du casting d’inconnus, met cette fois de l’eau dans son vin en confiant le rôle de l’éternel salopard à un tenant du titre, Dennis Hooper, à un Robert Joy déjà utilisé dans « La part des ténèbres » et au toujours surprenant John Leguizamo, coutumié de la petite frappe porto-ricaine. 42 jours de tournage, généralement la nuit, et seule 8 en intérieur viendront à bout de l’aventure. Le film sort sur les écrans ricains coincé entre « Miss et Mr Smith », « Batman Begins » et « Ma sorcière Bien-Aimée », engendre moins de bénéfice que « L’armée des morts », mais convainc néanmoins les professionnels que Big John est de retour au point de lui demander aussitôt une suite avec cette fois Dennis Hooper en zombie... Intelligent, Romero fait patienter et savoure la revanche en annonçant la concrétisation prochaine de « Big Diamond » et l’adaptation de « La petite fille qui aimait Tom Gordon ».
Bien fait !
 
Arnaud
 
 
 
 

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