Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Drums along the Mohawk


USA / 1939


 



NAISSANCE D'UNE NATION





John Ford est à mi-chemin de sa carrière - 20 ans qu'il tourne, plus de la moitié de ses films déjà en boîte - avec ce premier essai en couleurs. Si on commence depuis quelques années à lui reconnaître un grand talent, ses films majeurs sont encore à venir. Pourtant, ce film frontière, entre drame et western, entre Histoire et aventure, porte déjà les fondations de son classicisme et les éléments de ses plus importantes oeuvres, dont il était, ironiquement, rarement l'auteur. Il enchaînait les commandes et malgré tout cela, il y a une cohérence. La virilité des hommes est mise en exergue mais aussi en ridicule. L'hystérie des femmes est constructive du couple. Cette misogynie, certes datée, on la retrouve aussi dans Mogambo ou L'Homme tranquille, pour ne parler que de ses films les plus populaires hors Western.
Sur la piste des Mohawks a cependant ses particularités, qui lui donnent un intérêt particulier. Tout d'abord il appartient à ces films où, justement, les femmes sont au coeur de l'histoire. Dans cet éloge de la construction de l'Amérique, s'achevant sur le nouveau drapeau de cette fédération, symbole loin d'être innocent et prouvant bien le motif principal de ce scénario, la séquence finale expose quelques visages du film : servante afro-américaine, indien convertit, femmes, hommes... le peuple de ce pays est déjà cosmopolite. Personne n'est oublié, il y a parité. Et si l'on est attentif, l'anglais est primitif mais commun, et se parle avec de forts accents. La volonté naturaliste de coller à la vérité de historique contraste avec l'aspect très romancé du film. Dans cette guerre contre les Anglais et les Indiens, les Républicains sont évidemment les héros : libre entrepreneurs, soldats solidaires, paysans et croyants. Quoique : l'église est ici malmenée. le prêche fait davantage penser à une compilation de petites annonces et le prêtre en est à tuer un malheureux condamné.
Ford, et c'est aussi une des raisons de la force de son cinéma, même avec un scénario convenu comme celui-ci, parvient à nous faire palpiter pour cette communauté, tout en nous divertissant ou en retraçant la précarité de l'époque. Rien n'est certain, mais il faut espérer. Tel seraient les moteurs qui donneront le courage à ces êtres quittant les paisibles rivages bourgeois de la Côte Est pour les contreforts des Appalaches. Cela donne des chapitres inégaux, collés par des fondus au noir, faisant ainsi défiler le temps. Aux côtés des gueules fidèles de l'univers fordien, nous retrouvons l'un de ses acteurs fétiches du moment, Henry Fonda, star en émergence. Visage lisse, silhouette adolescente, il incarne la pureté et la jeunesse de ce pays auquel il croit. Son épouse, Claudette Colbert, qui semble presque plus vieille, a le charme et la détermination qu'il faut pour que l'on croit à son caractère de femme décidée. Ce couple, qui s'inscrit dans les films de "famille" du cinéaste, traversera tous les pans du mélo : fausse couche, destruction de la maison, pauvreté... Un véritable soap opéra! Là encore c'est un peu simpliste. Un peu rustre, mais ne l'étaient-ils pas ces pionniers?
A l'image de cette vieille pas bigote, plein d'argots, une Edna May Oliver qui a bien mérité sa nomination à l'Oscar en fin de carrière. Son côté plouc et son caractère farouche, pour ne pas dire indépendant, en font le personnage le plus coloré du film. Veuve et protectrice, riche et sans peur, elle est ce gêne rebelle à l'autorité de quiconque, qui traverse l'Histoire de ce pays jusqu'à nos jours. Ce sont ces visages qui nous intéressent, bien plus que l'action. Souvent celle-ci est en arrière plan, cachée, et parfois jamais montrée. Ford préfère l'horreur des récits, la transmission orale à l'exhibition visuelle. Cette pudeur sert magnifiquement le film, autant qu'elle l'obsolète pour les habitués aux grands fracas d'effets spéciaux.
Cependant, pour être tout à fait honnête, c'est bien cet effet spécial - la couleur - qui nous émerveille. La photo est somptueuse. Quelques plans révèlent une beauté visuelle insoupçonnable. La lumière est domptée comme par magie. Nous sommes parfois immergés dans de véritables tableaux, sensation accrue par certains cadres de belle facture. Cela rend Sur la piste des Mohawks un brin exceptionnel pour sa génération. Bien sûr il y a surcharge des couleurs parfois, parce qu'il fallait bien en mettre plein les yeux et vanter le Technicolor. Mais la simplicité de certaines séquences immobiles ou la maîtrise des ombres et lumières ou encore des clairs obscurs nous rendent ce faux Western très attachant.
 
vincy

 
 
 
 

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