Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



Ailleurs
Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary
Effacer l'historique
Ema
Enorme
La daronne
Lux Æterna
Peninsula
Petit pays
Rocks
Tenet
Un pays qui se tient sage



J'ai perdu mon corps
Les misérables
The Irishman
Marriage Story
Les filles du Docteur March
L'extraordinaire voyage de Marona
1917
Jojo Rabbit
L'odyssée de Choum
La dernière vie de Simon
Notre-Dame du Nil
Uncut Gems
Un divan à Tunis
Le cas Richard Jewell
Dark Waters
La communion



Les deux papes
Les siffleurs
Les enfants du temps
Je ne rêve que de vous
La Llorana
Scandale
Bad Boys For Life
Cuban Network
La Voie de la justice
Les traducteurs
Revenir
Un jour si blanc
Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn
La fille au bracelet
Jinpa, un conte tibétain
L'appel de la forêt
Lettre à Franco
Wet Season
Judy
Lara Jenkins
En avant
De Gaulle






 (c) Ecran Noir 96 - 24


(c) CIC  



Donnez votre avis...


Nombre de votes : 22

 
Parfum de femme


Italie / 1974

DVD 08.09.05
 



LE GARS DE LA NARINE

Le livre Bye Bye Bahia



Une paire de seins, des fesses sublimes… La voilà la seule religion, la seule et unique politique, la seule et unique patrie de l’homme…

Dino Risi à la mise en scène et au scénario, Armando Trovaioli pour la musique, Vittorio Gassman dans le rôle principal : c’est un des trios magiques de l’âge d’or du cinéma italien des années 70 que l’on trouve concentré dans ce film magistral. Histoire étouffante d’un ancien militaire (Fausto) devenu aveugle exerçant une illusoire domination sur ce qu’il croit plus faible que lui. Risi signe ici sans aucun doute son long métrage le plus abouti. Nous sommes en présence d’un chef d’œuvre du cinéma mondial, un de ces classiques intemporels que l’on peut voir et revoir sans perdre une once de plaisir, et ce n’est pas pour rien que Gassman obtint le grand prix d’interprétation au festival de Cannes 75. Inquiétant personnage, à la limite parfois de la folie, pervers jusque dans la démesure et ramenant tout à son infirmité il s’identifie totalement à son rôle. Authentique et grandiose performance d’un comédien hors normes, on sent tout le désarroi de cet homme pour qui la vie n’a plus de sens si ce n’est de pouvoir rire de tout même de sujets désespérés (une des caractéristiques de la comédie italienne de cette période). Risi domine et maîtrise son art, nous donne à voir les silences qui en disent longs à base de très gros plans, pénétrants l’esprit du spectateur comme des couteaux bien affûtés ; tandis que les plans séquences induisent la lenteur de la vie de cet homme, une vie morne faite de vides. Gassman joue juste, tout en finesse, laissant passer toutes les facettes de son personnage qu’il distille subtilement tout au long du film. Le jeune Alessandro Momo, dans le rôle du bidasse Ciccio qui l’accompagne, est lui aussi étonnant de vérité, franchement irrité au début par la perversité de Fausto il est gagné ensuite par une sorte de compassion, de pitié envers lui en devenant son ange gardien ; on a ainsi quelques scènes d’anthologie tant par l’émotion intense qu’elles dégagent que par l’interprétation et la réalisation. Celle par exemple quand les deux protagonistes sont dans les rues de Gênes, Fausto étant à la recherche d’une prostituée «aux hanches larges et cheveux noirs » : Ciccio lui dira en avoir repéré une alors qu’il s’agit d’une vulgaire blonde ; tout cela par compassion. Ce mini road movie dans les artères de la ville italienne est un modèle de mise en scène (montage haché, pas de musique, très gros plans appropriés sur les visages, amorces judicieusement utilisées) et jeu puissant des acteurs tout en laissant transpirer toutes leurs faiblesses en emmenant le spectateur dans cette quête coquine comme s’il y était.
Le film repose sur quatre personnages : Fausto devenu aveugle et qui ne semble voir que la méchanceté, le profit qu’il peut tirer des autres ; Ciccio son jeune ordonnance dont la voix off intérieure dit tout bas ce que le spectateur ressent face aux agissements de l’ancien militaire ; la fraîche Sarah jouée par Agostina Belli, éprise de Fausto et qui devient le symbole de l’amour impossible tant il la refuse et l’humilie ; et enfin un ami aveugle qui habite Naples dans lequel se cristallisera tout le dégoût du monde que peut avoir Gassman. Risi finit tout de même par une note d’espoir, certes très ténue : non seulement l’amour existe, mais en plus il peut être la rédemption de toute une vie.
Ce n’était pas gagné d’avance tant le film déroule, à travers les « yeux » de Fausto une image des femmes on ne peut plus machiste et dénuée de tout sentiment. Le militaire lors de son accident qui l’a rendu aveugle a raté son rendez vous avec la mort…Mais cette mort rôde ensuite dans son obscurité, elle la magnifie en lui rendant une certaine lumière. Les femmes n’ont plus de rondeurs, plus d’éclats dans le regard et de sensualité dans les gestes ; leurs beautés est sans visages mais Gassman a apprivoisé les effluves de leurs corps. C’est précisément quand enfin il répond aux avances de Sarah qu’elle lui offre sa nudité en réveillant le regard qui s’était alangui. Fausto dénigre les femmes en les traitant comme une marchandise pour une raison simple : il a peur que leur éventuelle attirance soit dictée par la pitié. Et être pris en pitié il le redoute plus que tout.
Considéré comme l’emblème vivant de ce genre disparu qu’est la comédie italienne, Dino Risi jette avec ce film un regard cruel, drôle mais lucide sur l’Italie contemporaine de 1975, un regard toujours valable aujourd’hui, ce qui fait la force de ce cinéma. Monument du septième art, cette œuvre est à (re) découvrir d’urgence tant le paysage du cinéma italien de notre époque est aride….
 
Olivier

 
 
 
 

haut