Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Thank You For Smoking


USA / 2005

13.09.06
 



LES CORRUPTIBLES





«- C’est très dégueulasse.
- C’est américain.
»

Dès le générique, Thank You For Smoking attaque le spectateur avec une bonne dose d’ironie : graphiques paquets de clopes, chanson country slogan ("Smoke that cigarette") et couleurs bien accentuées. Nous sommes dans une comédie noire où l’on rit jaune alors qu’on devrait voir rouge. «C’est comme un roman e John Grisham, sans l’espionnage.» Entre l’usage de la voix off, les vignettes et autres flash-backs, le film suit un procédé désormais classique dans la comédie sarcastique. Les raisonnements y sont tordus, et le cynisme assumé. «T’as jamais tort avec les bons arguments. » Avec de tels principes et un vrai don de la tchatche, on se prend à se dilater la rate devant la cruelle logique de notre héros qui mettrait le chocolat au niveau de la nicotine dans les grands ennemis de la santé.
Cinéma et cigarettes. Finalement le mariage est inné. Quelle image de drague, de sensualité, de virilité n’est pas accompagné d’un «Do you want a match» version Bogart et Bacall ? La nostalgie et l’érotisme qui se dégagent de ces images rendent l’inhalation «cool, abordable» et conduisent à une dépendance. Le film n’a rien de l’éloge des Tic-Tac. D’Hollywood au lobby du tabac, il se moque du bien et du mal. L’axe du fric pré-domine.
Le drame est de sauver une industrie en péril. Aaron Eckhart, comme toujours impeccable, joue les avocats du Diable, avec charme et persuasion. Il n’y a bien que Clooney qui aurait pu le faire avec tant de naturel.
La politique est ridiculisée au travers d’un Sénateur au nom grotesque (Ortolan Finistirre, formidable William H. Macy). Les patchs deviennent armes du crime. Chaque vice américain est pointé du doigt sans concession. C’est à qui tuera le plus. Surtout, intelligemment, le film met en scène sa théorie : on est tous responsables de nos actes. Ce n’est pas Ford qui tue, mais un conducteur. Il renvoie ainsi l’accusation du côté des parents et de la pédagogie. Prévenir des dangers vaut mieux que guérir du cancer. Pas touche à la liberté, en revanche, sacro-sainte valeur de cette Nation de moutons.
Vicieux, la comédie est cruelle pour le père et lobbyiste qu’il est, l’obligeant à faire la synthèse au final. L’article qui paraît sur lui n’est qu’un miroir de sa vérité. Il se regarde en face. La triche n’est plus possible. Thank You For Smocking est surtout l’élégie d’une époque, celle où la clope n’était pas considérée comme un poison mais une émancipation. Un Hollywood de Jimmy Stewart, Cary Grant et John Wayne transformé par des Brad Pitt vendus comme des paquets de 20 (millions de dollars). Le mythe a laissé sa place à une forme de transparence soi-disant vraie. Mais manipulée. S’il n’a pas la force et la profondeur de The Insider (de Michael Mann), le film, bourré d’effets visuels ludiques, est un « showtime » permanent pour démontrer les exactions d’une profession sans foi ni loi. Les acteurs s’en donnent à cœur joie, s’amusant à incarner un des rouages caustiques et tranchants de ce système machiavélique.
D’ailleurs ils ont tous la pétoche. Il suffit qu’un citoyen défie l’autorité pour que le système s’ébranle. Dans un pays où fumer est réservé aux «méchants, russes, arabes, européens ou pervers» dans les films, il est regrettable que les personnages principaux ne soient pas tentés par une tige. Le film n’a pas osé défier les lois hollywoodiennes ?
Depuis 1952, le déclin de l’empire est annoncé, amorcé par un article du Reader’s Digest reliant santé et effets du goudron. Mais avec la rhétorique imparable de pros de la communication – «J’ai prouvé que tu avais tort et si tu as tort, j’ai raison» - comment lutter ? Le film est tout aussi malin que son protagoniste. Il s’ingénue à nous séduire avec artifices et astuces pour nous faire adhérer à sa thèse. C’est peut-être là une limite de ce genre de cinéma, entre documentaire décalé (Super Size Me) et film pédagogique. A tout vouloir divertir, Thank You For Smoking balance un écran de fumée sur le réel, ou même une quelconque psychologie ramenée à un jeu de rôles ébouriffant, bluffant mais pas forcément époustouflant.
 
Vincy

 
 
 
 

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