« El cuarto pasajero » : la comédie romantique façon Alex de la Iglesia

« El cuarto pasajero » : la comédie romantique façon Alex de la Iglesia

C’est un des cinéastes espagnols les plus populaires, et il y a quelques années chacun de ses nouveaux films (d’ailleurs certains coproduits avec la France) était un petit évènement : c’est déplorable que ses films les plus récents ne soient pas mieux distribués dans les cinémas (même si son plus récent Veneciafrenia était une déception). Son dernier film pourrait retrouver plus de succès : El cuarto pasajero est une comédie romantique pétaradante.

Alex de la Iglesia est réputé pour ses films ayant une tonalité fantastique comme Le Jour de la bête, Balada triste de trompeta (Lion d’argent au festival de Venise), Les sorcières de Zugarramurdi (Corbeau d’or au BIFFF), Pris au piège (hors-compétition au festival de Berlin), mais aussi pour l’humour noir de ses comédies comme Mes chers voisins, Un jour de chance, Mi gran noche. L’amour était présent en second plan ou s’invitait en guise de final. Cette fois l’amour est au centre de El cuarto pasajero avec tout les clichés qu’on aime : la difficulté de se déclarer, des mensonges, des jalousies, des quiproquos… avec tout de même un brin de folie typique de Alex de la Iglesia.

Julián, un divorcé de 50 ans, utilise une application pour partager sa voiture avec des inconnus et, surtout, avec quelqu'un qui n'est plus un inconnu : Lorena, une jeune femme qui voyage souvent à Madrid. Julián veut profiter du voyage pour s'ouvrir à elle, mais une erreur lors du choix du reste des occupants provoquera un changement radical dans le cours des événements...

L’histoire démarre de manière hyper-basique : un conducteur offre de partager des trajets en voiture (d’ailleurs un titre alternatif du film a été BlaBlaCar), et régulièrement il y a la même jolie jeune femme qu’il aime en secret. Un jour, il se répète comment lui faire sa déclaration d’amour, mais voila que montent un homme insupportablement trop bavard et grand brun ténébreux très séducteur… Beaucoup de séquences se déroulent à l’intérieur de la voiture, tel un road-movie, mais le long trajet est très mouvementé avec de nombreuses haltes : une bagarre dans une station-service, un contrôle de police, une pause dans un hotel, un bagage suspect, une autoroute bloquée. L’homme insupportable énerve tout le monde, le grand brun est trop charmeur, et Julián est de plus en plus ridiculisé aux yeux de la belle Lorena. De plus, certains occupants de la voiture ne sont pas vraiment ce qu’ils disent être, comme ce mystérieux moustachu (Carlos Areces, habitué des films de Alex de la Iglesia) qui a une bonne raison de les suivre. Tout comme la police a un mobile pour les poursuivre…

Hit the road

Alex de la Iglesia et son fidèle co-scénariste Jorge Guerricaechevarría) vont faire de cette voiture une cocotte-minute sous pression avec, au fur et à mesure, des choses improbables et drôles pour que chaque personnage se dispute avec les autres. Pour le spectateur (comme pour le malheureux conducteur), la déclaration d’amour attendue devient de moins probable. Bien que l’action se déplace d’un endroit à un autre, dans ce huis-clos mobile qu’est la voiture, on assiste finalement une comédie de boulevard où chacun cache quelque chose. Et c’est très drôle. Au milieux de ces hommes très différents les uns des autres, il y a donc la jeune femme qui représente l’enjeu du film : le coeur à conquérir. Et c’est la belle Blanca Suárez (plusieurs seconds rôles chez Pedro Almodovar) qui était déjà une héroïne forte dans les films récents de Alex de la Iglesia (Mi gran noche, Prix au piège), qui réussit ce tour de force à exister au milieu de tous ces mâles.

Alex de la Iglesia a développé un grand talent d’inventivité au fil des ans pour à chaque fois équilibrer ses films entre le fantastique débridé et l’humour noir. Avec El cuarto pasajero il propose une folle comédie romantique, sans aucun autre ingrédient lié au ‘cinéma de genre’ (sauf une minime part de ‘film policier’). Ce vaudeville se termine logiquement en un énorme chaos pour tout les personnages, servis par des dialogues irrésistibles. Un quatuor qui pousse le curseur très loin dans la drôlerie…

El cuarto pasajero
Réalisation : Álex de la Iglesia
Scénario : Álex de la Iglesia et Jorge Guerricaechevarría
Durée : 1h40
Avec Blanca Suárez, Alberto San Juan, Ernesto Alterio, Rubén Cortada, Carlos Areces...