Cannes 2025 | L’Engloutie de Louise Hémon ensorcelle la Quinzaine des Cinéastes

Cannes 2025 | L’Engloutie de Louise Hémon ensorcelle la Quinzaine des Cinéastes

Pour son premier long métrage présenté à la Quinzaine des Cinéastes, Louise Hémon met en scène des histoires racontées par ses ancêtres. Le résultat est un film ambitieux, sensuel et réussi.

« La fenêtre doit rester ouverte pour que s’échappe l’âme du marin »

En 1899, en pleine tempête, Aimée, jeune institutrice républicaine, arrive dans un hameau enneigé des Hautes-Alpes. Malgré la réticence des habitants, elle montre sa détermination à partager son savoir avec eux, quitte à se confronter à leurs croyances obscures. Mais alors qu’elle s’intègre à cette communauté, un désir grandissant semble s’emparer d’elle.

Dire que l’on a aimé L’Engloutie serait un euphémisme tant le film de Louise Hémon, en lice pour la Caméra d’or, jouit d’un dosage idéal entre mysticisme et drame romantique. En effet, prenez une institutrice venue de la ville, envoyez-là aux confins des montagnes et attendez qu’elle découvre les habitudes atypiques des villageois. Saupoudrez le tout d’histoires comiques et/ou sordides racontées autour du feu et des premiers émois de jeunes adultes. Et attendez que la sauce prenne ! Voilà le petit miracle scénaristique que réussissent ici Louise Hémon et Anaïs Tellenne, en collaboration avec Maxence Stamatiadis.

Des croûtes laissées dans les cheveux des enfants « pour protéger leur crâne » au cercueil d’un mort installé sur le toit de la maison de l’institutrice « pour éviter que le corps ne se fasse dévorer par les charognards », c’est tout un folklore que le public découvre avec joie. Mais au-delà des rires que ces histoires déclenchent, c’est la confrontation de deux mondes qui capte toute notre attention. Ainsi que cette envie d’Aimée (Galatea Bellugi), jamais condescendante dans son approche, d’aider ses nouveaux voisins « à s’émanciper ».

« C’est un cadeau de la montagne »

Le film endosse, dans un premier temps, un registre de film d’époque romantique : Aimée semble intéressée par Enoch (Matthieu Lucci) mais il passe du temps à découvrir des plaisirs sensuels dans une caverne aux côtés de Pépin (Samuel Kircher), lui-même poussé par son père à séduire Aimée… Ce triangle amoureux, aussi improbable qu’attachant, captive le spectateur, qui n’a rapidement qu’une idée en tête : savoir qui gagnera finalement le cœur d’Aimée. Mais le scénario déjoue constamment nos attentes, car à peine pense-t-on avoir parié sur le bon prétendant que celui-ci s’avère introuvable le matin venu. Et le film de basculer dans un thriller mystique des plus plaisants.

Aimée est-elle responsable ? Quelqu’un les aurait-il vus et s’en serait pris au jeune homme ? Si pas, faut-il voir en Aimée une meurtrière ou une sorcière ? Autant de questions avec lesquelles la réalisatrice joue, elle qui a déjà présenté son film comme une œuvre sensuelle où la chair est reine et noble à la fois. Pas besoin d’être cru pour montrer des jeunes découvrant leur sexualité ou le corps de l’autre. C’est parfois maladroit, parfois un peu étrange, mais il y a ici dans l’approche de la sexualité une volonté d’être universel. Louise Hémon présente le plaisir masculin et féminin sur un pied d’égalité grâce à des gros plans subtils et des actions et des sons hors-champs particulièrement prenants.

Le trio d’acteurs principaux est redoutable, mais c’est sans surprise Galatéa Bellugi qui nous happe. Depuis Keeper de Guillaume Senez, elle ne cesse de se montrer versatile et passionnante. Voilà un film particulièrement froid qui vous tiendra chaud !

L'Engloutie.
Cannes 2025. Quinzaine des Cinéastes.
Durée : 1h38
Réalisation : Louise Hémon
Scénario : Louise Hémon et Anaïs Tellenne, en collaboration avec Maxence Stamatiadis
Son : Elton Rabineau, Margot Testemale, Clément Laforce
Musique : Emile Sornin
Photographie : Marine Atlan
Montage : Carole Borne
Décors : Anna Le Mouël
Avec Galatea Bellugi, Matthieu Lucci, Samuel Kircher, Oscar Pons
En salle le 24 décembre 2025