Atteignant plus de 2 milliards de recettes (soit deux fois plus que Minecraft) et battant tous les records au box office pour un film non-hollywoodien, Ne Zha 2 rempli sa promesse de sensationnel. Inspiré du roman chinois du XVIᵉ siècle L’Investiture des dieux de Xu Zhonglin, ce deuxième opus explore la mythologie et le folklore par la fantaisie et fait découvrir au public occidental les codes du genre épique chinois. Bijou de l’animation 3D chinoise, Ne Zha 2 repousse les limites de la technologie et nous fait appréhender tout son potentiel au travers des visuels qui n’ont pas peur du grandiloquent.
Au-delà de la narration complexe, dont on sent qu’on ne saisit pas tous les codes, on est devant la recette classique du blockbuster à gros budget (80 milliards de $). On se raccroche en effet à la quête du héros tentant d’être accepté en sauvant le monde, accompagné dans son apprentissage par un mentor et des « sidekicks ». Tous les ressorts de mise en scène sont cochés sur la liste, des dialogues aux bastons, en passant par les gags. Aussi, la narration autant que la forme du film permettra au public français de s’y retrouver parmi les nombreux personnages, lieux et épisodes intriqués dans un récit au rythme soutenu. Surtout quand ce même public n’a pas pu voir le premier opus.

Obsession pipi
On reste tout de même devant un film éminemment chinois aux codes humoristiques potache voire grivois qui nous échappent un peu, à l’instar du gag récurrent du petit Ne Zha, garçon-démon impoli et nonchalant, qui urine devant les plus nobles héros. Finalement, on se laisse vite prendre au jeu et le ton léger des blagues nous laisse respirer entre les batailles. Ces dernières réemploient habilement les codes des animés aux guerriers surpuissants défiant les lois de la physique. Ici, dans un univers fantaisy, habité par les dieux et les démons, les scènes épiques poussent le gigantisme à l’extrême et nous font sentir la puissance de l’expérience cinématographique.
La séquence de la bataille finale, prenant place dans les airs, regorge de retournements de situation et parvient à maintenir la tension sur une vingtaine de minutes. Souvent, on se cramponne à son siège, suivant les héros dans leurs acrobaties. Le combat moral entre le bien et le mal, joue visuellement sur les contrastes et la démesure. À l’écran, les masses des soldats se mêlent aux éléments surnaturels, tels que les branches divines du vieux Wuliang qui peuvent s’étendre pour prendre n’importe quelle forme. La fluidité de la 3D restitue alors parfaitement la sensation de monumentalité des décors et de la superbe des personnages, leurs cheveux ou leurs vêtements formant d’élégantes arabesques au moindre mouvement. À cela, s’accompagne une bande son ancrée dans la culture asiatique qui rajoute parfois une couche de solennité et de prestige au film. Sans aucune économie de mouvements de caméra, d’effets spéciaux ou de décors, Ne Zha 2 rend totalement hommage au genre épique.

Soft power déguisé
Bien que certaines relations gageraient à être approfondies, certains personnages ont des évolutions intéressantes qui permettent de dynamiser la narration par des revirements de situations inattendus, parfois un peu tirés par les cheveux. De même, on apprécie la place importante donnée au personnage de la mère, guerrière au même titre que les personnages masculins, si ce n’est plus importante encore…
Répondant aux attentes d’une nouvelle génération, l’histoire réécrit le schéma de la quête d’identité et promeut des valeurs dans l’air du temps. « Tu dois suivre ton propre chemin », plutôt que les traditions. Cette perspective morale du film affirme alors un besoin de renversement de l’ordre. On peut y voir là une stratégie nouvelle du pays qui vise à renforcer son hégémonie par le soft power, là où les États-Unis, même si leur place à l’international demeure incontestable, tendent à perdre du terrain. Ne Zha 2 a malgré tout commencé à grignoter des parts de marché, obtenant de jolis succès en Australie, au Royaume-Uni, et même aux USA (20M$).
Et tandis que le premier opus n’est pas sorti en France en 2019, le phénomène Ne Zha 2, arrivé en salle le 24 avril 2025, révèle un positionnement significatif de l’industrie cinématographique chinoise dans le jeu des influences culturelles à l’échelle mondiale.
Alice Dollon
Fiche technique
Ne Zha 2 par Yu Yang (2025)
Sortie française : 23 avril 2025
Distribution : Trinity CineAsia