Dragons : un auto plagiat réussi ?

Dragons : un auto plagiat réussi ?

Sur l’île escarpée de Beurk, où depuis des générations Vikings et dragons s’affrontent sans merci, Harold fait figure d’exception. Effacé, écrasé par la stature de son père, le chef de la tribu, Stoïk, ce jeune rêveur défie des siècles de tradition en se liant d’amitié avec un dragon nommé Krokmou. Leur lien improbable va révéler la vraie nature des dragons et remettre en question les fondements mêmes de la société viking.

Dragons de Dean DeBlois fait partie de la désormais longue liste d’adaptations de films d’animation en live action. Il sort peu de temps après le live action Lilo et Stitch de Chris Sanders avec qui DeBlois avait co-réalisé le premier film du même nom, et six ans après le dernier opus de la trilogie Dragons, sans doute la meilleure issue des écuries de DreamWorks. Une question demeure : pourquoi réadapter ces films d’animation en prises de vues réelles (hormis le confort rassurant de générer du cash avec une franchise familière) ? 

Il est impossible de parler de Dragons de Dean DeBlois sans avoir envie de le comparer à… Dragons de Dean DeBlois, sorti en 2010. Alors que ces adaptations prennent souvent pour origine des films d’animation en 2D, ici, Dragons (2025) réutilise le même médium, l’animation 3D.

Bien que les designs des créatures restent similaires, on remarque tout de suite une nette différence de texture sur les créatures, avec des effets spéciaux plus proches du réel. On peut également saluer les qualités techniques de la section animation du film, qui nous offre des beaux paysages qu’on découvre grâce aux nombreuses envolées à dos de Krokmou – quitte à donner parfois le sentiment d’un clip pour l’office du tourisme local.

Un changement visuel

Cependant, ce n’est pas la première fois que la saga Dragons fait preuve d’une modernisation technologique puisque entre le premier et le dernier film de la trilogie, Dragons 3 : Le monde caché (2019), il y a déjà un grand écart visuel explorant les nombreuses possibilités de la 3D. Néanmoins, à l’inverse de ce dernier opus dans lequel régnait une véritable harmonie visuelle, ici, on déplore un contraste fort entre les décors de studio, les costumes et la CGI, souligné par un éclairage manquant cruellement de caractère et qui accentue la perte en crédibilité de l’univers.

Si le choix de proposer un remake en live action et en 3D était probablement lié à une volonté de “réalisme”, dans le but d’atteindre un public plus âgé, plus séduit par les effets spéciaux que par l’animation, le jeu d’acteur, les décors, le design du plus fort des dragons (qui est aussi le plus mignon) et la mise en scène ne cessent de faire le grand écart pour s’adresser également à la cible originale : le jeune public.

Des nouveautés maladroites

D’ailleurs, malgré ce renouveau visuel, le film tente à tout prix de se raccrocher aux caractéristiques du dessin animé original, ce qui laisse place à un jeu d’acteur caricatural, surjoué, qui finit par manquer de dynamisme et d’expressivité. Il en est de même pour l’incessante musique écrasante et peu subtile qui nous donne le mode d’emploi des émotions à ressentir à chaque scène. On assiste à une tentative classique et grotesque de simplification d’un film déjà abordable et compris du jeune public qui, une fois de plus, est considéré comme un sous-public qui n’est pas pris au sérieux. 

Ce Dragons 2025 ne s’attache pas seulement à reproduire les particularités théâtrales du film original, mais en copie aussi le scénario, qui est identique, ainsi que la mise en scène, qui est presque plans par plans celle de 2010. Si on aurait pu imaginer que cette intrigue hollywoodienne classique soit revisitée en questionnant de nouveaux sujets contemporains comme cela avait été le cas pour certaines réadaptations de franchise, il n’en est rien ici. Un nouveau regard aurait pu être proposé sur l’impact des humains sur la faune et la flore, par exemple. Or, s’il y a une guerre ancestrale entre les vikings et les dragons, la résolution en reporte la faute sur une créature annexe qui n’existe que pour servir de coupable idéal – et permettre aux humains de se dédouaner.

Il faut noter, malgré tout, une tentative (ratée) d’accorder plus d’indépendance au personnage de la guerrière Astrid, notamment dans certains de ses dialogues, afin de montrer une envie de pouvoir plus forte. Las : son destin de faire-valoir l’emportera et la ramènera finalement à redevenir une admiratrice du personnage masculin principal, Harold. Même dans Thor, on a fait mieux en matière de féminisme chez les ancêtres nordiques. Nous pouvons tout de même saluer l’inclusivité des vikings qui sont maintenant entourés d’une armée venue du monde entier pour les soutenir dans leur combat. Une scène met notamment l’accent sur cette présence internationale, sans toutefois que cela contribue au développement de l’histoire.

Un déjà vu questionnable

Ce manque de contraste avec le film original interroge donc sur sa plus-value mais également sur la vision des studios et producteurs sur l’animation et même plus largement sur le cinéma. A l’inverse d’autres médiums, comme la peinture, ou la sculpture par exemple, les œuvres cinématographiques sont faites et souvent refaites en parallèle des avancées technologiques. Cela laisse penser que les films ne sont pas une finalité artistique mais plutôt une étape qui continuerait d’évoluer seulement du point de vue technique et dans lequel le scénario et la mise en scène n’ont pas la même importance que l’image, qui doit être à la fois la plus moderne et la plus attractive possible. Les films n’auraient donc pas ou peu de valeurs en tant qu’art mais plutôt comme démonstration et deviendraient ainsi des produits consommables, jetables. Chaque génération est destinée à avoir sa version d’une même histoire, en espérant une transmission d’un public à l’autre. Prochaine étape, Dragons par une IA?

Il y a de quoi s’interroger sur la pertinence de ce remake (comme sur les autres : Le Roi Lion, La petite sirène, Le livre de la jungle, La belle et la bête, Mulan, Aladdin, etc.), et sur le choix d’être resté si proche de l’opus originel. La justification la plus évidente semble purement économique : faire un film original coûte cher, réutiliser un scénario et des designs sans grands changements, beaucoup moins. Le public sait ce qu’il va voir, sans surprises ou déceptions. Si vous avez vu le film Dragons sorti en 2010 et la bande-annonce de Dragons de 2025, vous avez donc vu le meilleur du film. 

Fiche technique
Dragons
Réalisation et scénario : Dean DeBlois, d'après le film d'animation Dragons lui-même inspiré des romans Harold et les Dragons de Cressida Cowell.
2h05
Musique : John Powell
Avec Mason Thames, Gerard Butler, Nico Parker, Nick Frost
Société de distribution : Universal Pictures
Sortie française : 11 juin 2025