
À 81 ans, ils sont peu à être encore en tête d’affiche, auréolés d’un label « Star », et légende du 7e art de leur vivant. Robert de Niro, en naissant avec le Nouvel Hollywood des années 1970, en attirant les plus grands cinéastes, et en compagnon de Scorsese durant plus de cinquante ans, est de ceux-là. En 2025, de l’Hollywood pré-blockbusters et pré-Reagan des années 1980, il reste qui? Robert Redford, Jane Fonda, Meryl Streep, Jodie Foster, Al Pacino, Dustin Hoffman, Clint Eastwood, Mel Brooks, Julie Andrews… et quelques uns/quelques unes sont à la retraite.
De Niro est bel et bien toujours en activité. 60 ans après ses débuts, il reçoit une Palme d’or d’honneur amplement méritée au 78e Festival de Cannes. Du drame à la comédie, des personnages violents à des rôles profondément attachants, du mélo au polar, il a traversé le cinéma américain avec un jeu qui a évolué au fil des ans. Un jeu excessif, presque maniéré, à ses débuts, pour aboutir à la quête d’un minimalisme à la « japonaise ». Tel un Samouraï, sa présence suffit à l’écran pour prendre sa place dans un récit.
S’il n’a réalisé que deux films (A Bronx Tale, The Good Shepherd), il s’aventure désormais dans la série TV (en ex-président des Etats-Unis dans Zero Day, sur Netflix, continue de produire films et téléfilms (avec sa société Tribeca productions) et de gérer le Festival du film de Tribeca à New York (qu’il a cofondé).
8 nominations aux Oscars (et deux statuettes en poche), un Lion d’or pour sa carrière à Venise (en 1993), De Niro a été président du jury à Cannes en 2011, couronnant Terrence Malick pour The Tree of Life. Ses liens avec la France sont anciens. Il a été figurant dans deux films crépusculaires de Marcel Carné, a été révélé à la Quinzaine en 1973 avec Mean Streets avant de triompher à Cannes avec la Palme d’or de Taxi Driver trois ans plus tard. Il a donné la réplique à Gérard Depardieu (1900), Catherine Deneuve (Les Cent et une nuits de Simon Cinéma d’Agnès Varda) et Jean Reno (dans Ronin, tourné en France), et il a travaillé avec Éric Bergeron (Gang de requins) et Luc Besson (Malavita). La dernière fois qu’on l’a vu sur la Croisette, c’était il y a deux ans, pour ses grandes retrouvailles avec Scorsese (Killers of the Flower Moon).
Johnny Boy – Mean Streets (1973, Martin Scorsese)
C’est le rôle qui lance sa collaboration avec Scorsese. Fou, explosif, magnétique. Au point de marquer durablement l’esprit des cinéphiles en pensant que De Niro n’est l’homme que d’un seul type de personnages.
Vito Corleone – The Godfather Part II (1974, Francis Ford Coppola)
Une performance toute en retenue et charisme. Comme Brando dans le premier film, il donne une couleur particulière et un ton singulier à cet opéra cinématographique. Un oscar du Meilleur second rôle amplement justifié.
Travis Bickle – Taxi Driver (1976, Martin Scorsese)
L’un de ses rôles les plus phénoménales. Un monologue légendaire. Solitude, folie, colère urbaine en un personnage aussi taré que dangereux. Palme d’or à Cannes. Il devient incontournable.
Michael Vronsky – Voyage au bout de l’enfer (1978, Michael Cimino)
Le rôle intense d’un homme brisé par la guerre du Vietnam. Dramatique et bouleversant, il continue d’explorer les limites de la folie et prouve une fois de plus qu’il peut transfigurer chaque scène.
Jake LaMotta – Raging Bull (1980, Scorsese)
Il y a évidemment la transformation physique extrême, mais aussi cette rage animale qui vampirise le film. L’Oscar du Meilleur acteur ne pouvait pas lui échapper tant le comédien semble habiter par son personnage.
Rupert Pupkin – La valse des pantins (1982, Scorsese)
Pathétique, hilarant, glaçant. Il change de registre dans ce film mal-aimé et installe l’idée qu’il peut-être drôle dans cette critique de la célébrité moderne.
David « Noodles » Aaronson – Il était une fois en Amérique (1984, Sergio Leone)
Dur, mélancolique, complexe. Encore un rôle de gangster (mais juif cette fois-ci). Impeccable dans une fresque nostalgique qui permet à l’acteur de traverser les époques avec maestria.
Al Capone – Les incorruptibles (1987, Brian De Palma)
En incarnant le légendaire mafieux, avec un style théâtral et brutal, De Niro, impose sa présence écrasante même en second-rôle dans un de ses gros succès au box office.
Jack Walsh – Midnight Run (1988, Martin Brest)
Entre thriller, road-trip, comédie et buddy movie. Cela permet à De Niro d’étendre son registre avec un personnage presque parodique. Et ça marche tellement l’acteur semble s’amuser.
Jimmy Conway – Goodfellas (1990, Scorsese)
Une de ses plus grandes performances dans un de ses plus grands films. En mafieux charismatique, cruel, ultra-stylé, il épate de bout en bout et on peut parler d’un show De Niro.
Sam « Ace » Rothstein – Casino (1995, Scorsese)
Peut-être la quintessence de sa collaboration avec Scorsese. Du début à la fin, avec Sharon Stone et Joe Pesci pour un brelan d’as splendide, il varie son interprétation de mafieux. Finesse, obsession, chute d’un géant dans un grand opéra sur Las Vegas.
Neil McCauley – Heat (1995, Michael Mann)
Braqueur pro dans un thriller mythique et surtout le premier grand face à face avec Al Pacino, son « double » cinématographique des seventies. Un duel culte et glacial dans un classique du genre.
Louis Gara – Jackie Brown (1997, Quentin Tarantino)
Un peu loser cet ancien détenu. De Niro s’invite dans cette histoire d’arnaque avec un personnage peu bavard et souvent à côté de la plaque, pour ne pas dire jouissivement incompétent.
Paul Vitti – Mafia Blues (1999, Harold Ramis)
Retour à la comédie. Et énième revistation d’un mafieux. Mais cette fois-ci, en bon expert de ce genre de personnages, il le confronte au désopilant Billy Crystal, en psy cherchant à calmer ses névroses. Et ça matche.
Jack Byrnes – Mon beau-père et moi (2000, Jay Roach)
Une fois de plus il joue avec son image. Dans cette comédie familiale et populaire, il jubile en poussant le curseur vers la satire. Irrésistible en beau-père parano de Ben Stiller. Deux suites au compteur, dont le deuxième film où il se confronte à l’autre grand acteur des seventies, Dustin Hoffman.
Murray Franklin – Joker (2019, Todd Phillips)
En présentateur d’une émission de télé, on pense à La Valse des pantins. Mais dans cette déclinaison de l’univers DC Comics, De Niro transcende largement son rôle pour en faire un membre de l’élite moqueur et déconnecté, cynique et irresponsable.