BIFFF 2025 | Lesbian Space Princess, une aventure animée queer et déjantée

BIFFF 2025 | Lesbian Space Princess, une aventure animée queer et déjantée

Au fil des éditions, le Bruxelles International Fantastic Film Festival a fait découvrir de nombreux films d’animation comme Seoul Station, Junk Head, Tamala 2010: a punk cat in space, Aachi Ssipak, Fantasticherie di un passeggiatore solitario, Suzume

Cette année, en compétition internationale pour le Corbeau d’or, la pépite est écrite et réalisée par deux australiennes, Emma Hough Hobbs et Leela Varghese : Lesbian Space Princess. Le film commence à récolté plusieurs récompenses (Prix du public au festival australien de Adelaïde et un Teddy Award au dernier festival de Berlin).

Le pitch est simple : Une princesse de l’espace est poussée dans une quête galactique pour sauver son ex-petite amie

Dès les premières minutes, le décor tout en couleurs et les dialogues plein d’humour séduisent. Tout comme son héroïne. On est sur la planète Clitopolis, dans un joyeux royaume matriarcal avec deux reines qui vivent ensemble. La jeune princesse Saira se fait larguée par sa copine Kiki juste avant son anniversaire et un bal. La princesse Saira est assez introvertie et anxieuse. Elle a peur de beaucoup de choses, n’ose pas sortir de chez elle et plus largement de sa zone de comfort. Kiki était tout l’inverse. Une chasseuse de primes badass, une femme forte et aventureuse. Mais elle est partie. Depuis la princesse Saira se lamente et échoue dans tout ce qu’elle entreprend. Pendant ce temps, Kiki est enlevée par une bande de ‘mecstraterrestres blancs hétéros’…

Symbolisme queer

Le style de Lesbian Space Princess a un graphisme voisin de celui de Bob l’éponge, qui permet des effets d’animation plus libres et plus rigolos. C’est une ode à un univers queer et féministe, sous le signe d’une comédie débridée et remplie de blagues. Ainsi, la planète Clitopolis n’est pas facile à trouver pour certaines personnes. C’est une aventure inter-gaylactique dans une gaylaxie. L’objet que doit trouver la princesse Saira et convoité par les kidnappeurs est un Labrys Royal, soit une hache qui, dans les années 1970, était un symbole d’empowerment pour les femmes féministes et lesbiennes. Les filles ont chacune de la personalité (Saira la timide, Kiki l’aventureuse, Willow l’artiste) et sont amusantes et courageuses. Les méchants kidnappeurs représentent le cliché-type des incels/masculinistes/machos, pas épargnés par le dessin : des formes carrés, peu d’expression pour les visages, et surtout leur bêtise transpire dans leurs dialogues. Eux cherchent comment draguer des filles, sans savoir comment faire, et vont jusqu’à vouloir utiliser un ‘aimant à poulettes’.

Comédie fanzine

La princesse Saira va devoir affronter l’inconnu et traverser l’espace pour essayer de délivrer son ex. Divers endroits inquiétants, des jolies rencontres comme cette chanteuse goth, Willow, émaillent le récit. Le rythme du film est dynamiser par plein de petits bouts de chansons, souvent drôles. Tout dans Lesbian Space Princess est l’occasion de faire entendre diverses punchlines et bonnes vannes pour faire rire. Il y a aussi plusieurs références à la ‘pop culture queer’ (comme au film La vie d’Adèle, la série The L world). Et pour bien souligner leur propos sur le monde patriarcal, les autrices imaginent un ancien vaisseau spatial disposant d’un système d’autopilotage doté d’une voix masculine : celle d’un homme extérieur à cet univers queer, qui peu à peu deviendra un allié « déconstruit » pour l’héroïne.

« I am not always the problem… »

Jubilatoire, le film est un pamphlet libérateur en ces temps obscurantistes. Les réalisatrices n’ont pas lésiné sur leur plaisir, tout en étant généréuse avec les spectateurs. Les motivations des personnages sont autant romantiques (trouver l’amour) que les sujets sont sociétaux (vivre en paix, sans la menace des masculinistes). Sous couvert d’humour ravageur, Lesbian Space Princess est précieux aussi par la caractérisation de son héroïne la princesse Saira : c’est bien entendu une histoire d’émancipation en général, mais aussi une forme d’introspection psychologique où il s’agit d’apprendre à s’aimer soi-même, envers et contre tou.te.s.