Cannes 2025 | Lucky Lu de Lloyd Lee Choi, une Histoire de Souleymane à la new-yorkaise ?

Cannes 2025 | Lucky Lu de Lloyd Lee Choi, une Histoire de Souleymane à la new-yorkaise ?

Trois ans après que son court-métrage Same Old a été présenté en Sélection officielle au Festival de Cannes, Lloyd Lee Choi rallonge celui-ci… et se retrouve justement à la Quinzaine des Cinéastes !

Lucky Lu suit un livreur à vélo new-yorkais dont le monde bascule le jour où il perd sa seule source de revenu. Alors que sa famille, longtemps éloignée, est enfin en route depuis l’Asie, Lu doit affronter une ville impitoyable et se battre pour préserver la vie fragile qu’il a mis tant d’années à construire.

« On l’appelait fast-food and furious ! »

C’est dans un Chinatown gris, glacial et sordide que Lloyd Lee Choi filme la vie particulièrement précaire de Lu. Imaginé après effectué des dizaines de commandes sur des applications de livraison durant l’ère Covid, le court métrage Same Old et le long Lucky Lu pourraient être perçus comme des hommages à ces coursiers de l’ombre. C’est le cas… mais pas en premier lieu !

Non, en faisant de Chinatown un personnage fondamental de ce drame social, le cinéaste pour qui c’est le premier long-métrage filme avant tout tous ces hommes et ces femmes qui quittent leur pays d’origine avec l’espoir de s’offrir une vie meilleure ailleurs. Parfois, ils s’échouent en mer. Parfois, ils passent directement par la case prison. Et parfois, ils ont suffisamment de temps pour penser à tout ce qu’ils ont quitté, qu’ils ne retrouveront sans doute jamais et doivent désormais vraiment tenter de s’en sortir.

C’est le cas de Lu que l’on rencontre alors qu’il trouve enfin un appartement pouvant les loger, sa femme, leur fille et lui, à la veille de leur arrivée à New York. Un appartement triste, vraisemblablement mal isolé et dans un immeuble qui n’a rien de charmant. Mais promis, il verra le soleil le matin… dans le reflet de l’immeuble d’en face ! Alors sur 48h, le reste de Lucky Lu s’évertue à nous montrer les péripéties dans lesquelles il se retrouve – entre coups de malchance et mauvais plans. Avec en filigrane, l’idée que tous ceux qui ont réussi à faire de Chinatown leur chez-eux se sont résolus à une chose : « On n’est pas chez nous. On peut simplement travailler pour les autres. »

« La fortune sourit aux audacieux et aux courageux. »

Sur le papier, Lucky Lu ressemble énormément à L’Histoire de Souleymane mais le fait que l’action se déroule dans une ville aussi disproportionnée que New York rend l’aventure encore plus dangereuse et funeste. Si tant est est que l’on ait peu d’espoir car Lu (campé par l’acteur chinois Chang Chen ici au sommet de son art) nous empêche de sombrer pendant 103 minutes dans le moindre pessimisme facile.

Doté d’un résilience à toute épreuve, le personnage enchaîne les rendez-vous avec une seule idée : gagner de l’argent. Voilà pourquoi on s’étonne de ne lui connaître aucun casier judiciaire, lui qui lutte tout du long pour ne pas devenir ce qu’il y a de pire : un voleur. Même les retrouvailles avec une femme pointilleuse et une fille qui ne mâche pas ses mots (– Tu prends un Polaroïd de moi ? – Je ne veux pas gâcher ma pellicule…) n’enrayent pas sa détermination. Plus que jamais, il veut leur prouver que dans la vie tout est possible.

Portrait d’une ville qui peut dire Merci à la diaspora chinoise pour tous les « petits » boulots qu’elle accepte sans piper un mot, Lucky Lu est un film profondément humain, dans lequel les cartes sont redistribuées tous les jours – à condition qu’on ait encore la force de jouer avec.

Lucky Lu
Cannes 2025. Quinzaine des Cinéastes.
Réalisation : Lloyd Lee Choi
Scénario : Lloyd Lee Choi
Son : Matt Drake
Musique : Charles Humenry
Photographie : Norm Li C.S.C
Montage : Brendan Mills
Décors : Evaline Wu Huang
Avec Chang Chen (Lu Jia Cheng), Fala Chen (Si Yu), Carabelle Manna Wei (Yaya)