Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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Présenté hors compétition au dernier Festival de Dinard, The survivalist était probablement le meilleur film de cette 26e édition. Ce premier long métrage perpétuellement sur le fil, qui flirte à la fois avec ultra-réalisme et fantastique onirique, se déroule dans une période terrible de famine et de pillages.

Il s'agit d'une oeuvre forte, violente et intense qui décortique le mécanisme fragile des rapports humains et propose une version minimaliste et épurée du film de survie post-apocalyptique. Un long métrage envoûtant qui n'a pas (encore) de distributeur, mais qu'il serait impossible de ne pas découvrir prochainement en France.

En attendant, nous avons rencontré son réalisateur Stephen Fingleton, présent à Dinard, et encore sous le choc au cours de l'interview d'un autre film présenté dans le cadre du festival...

EN : On peut aussi interpréter cela comme le fait que l’amour peut sauver le monde…

SF : C’est l’unité qui sauvera le monde ! Je crois que notre futur réside dans les petites communautés aborigènes vivant dans des relations durables avec la nature. Les gens qui survivront à long terme sont ceux qui ne détruisent pas leur environnement. Si vous considérez l’Australie, les Aborigènes avaient de bien meilleures pratiques agricoles que les prétendument plus sages Européens qui sont arrivés et ont transformé le pays en désert.

EN : Quelles ont été vos influences ?

SF : Vous avez lu 1984 de George Orwell ? L’histoire d’amour dans ce livre est mon histoire d’amour fictionnelle préférée. C’est une histoire d’amour qui ne devrait pas exister, mais qui arrive pourtant. L’impossibilité est ce qui la rend si puissante et si tragique quand elle se termine. Parce que cela ne pourra plus jamais arriver.

Vous avez vu Couple in a hole [de Tom Geens, en compétition à Dinard] ? Je dois dire que le finale est extraordinaire. J’ai pleuré pendant une demi-heure, j’étais si bouleversé ! Ce que j’aime, c’est que le film dit que certaines choses ne peuvent demeurer intactes et que la seule manière de s’en sortir, c’est la mort. C’est un message extrêmement fort, extrêmement vrai. Un homme perd son enfant mais il lui reste sa femme qu’il aime très fort. Et ensuite il perd sa femme, et c’est fini. Il n’y a rien d’autre.

EN : Diriez-vous que cette relation dans Couple in a hole a quelque chose à voir avec la relation très forte qui unit le personnage principal de The survivalist avec son frère ?

11’25 SF : Oui ! Il ne peut pas la défaire. Bien sûr, dans le film de Tom, c’est plus émotionnel. J’ai un frère. Et mon acteur a un frère. Nous avons développé cette histoire secondaire ensemble. Ma conclusion est qu’il n’y a pas d’issue, mais ma fin est optimiste : le personnage a une occasion de se racheter. C’est une fin hollywoodienne dans un certain sens ! D’ailleurs, il le fait. Mais à vrai dire, la fin de mon film est un pur fantasme. Il n’y a pas d’arrangement avec les fantômes.

EN : Pourquoi avoir choisi de faire basculer le film vers cette dimension plus onirique, alors que la première partie est au contraire très réaliste, très concrète ?

SF : Parce que si le monde vient des rêves, si ce film vient des fantasmes, il n’y a ni frontières, ni lignes. Tout est incroyablement irréel. Le monde tel qu’on le voit est faux. C’est une simulation de ce qui est vrai et nous l’avons créé. Les femmes par exemple, dans le film, elles viennent de son esprit. C’est comme s’il les avait fait venir avec son désir. Elles représentent différentes facettes de ses désirs. Dans un sens, elles pourraient être des fantômes. On les voit en dehors de son regard à lui. Mais selon la perspective d’arrivée, elles viennent de son esprit. Elles représentent autre chose. Elles aussi ont perdu leur famille. C’est quelque chose qu’on ne voit pas à l’écran mais l’une des raisons pour lesquelles elles ont une relation si complexe avec lui, c’est qu’il leur rappelle celui qu’elles ont perdu : le frère de Milja et le fils de Katherine. C’est peut-être ce qui les retient de le tuer.

EN : C’est un film très personnel, et en même temps, lorsqu’on le regarde, on a forcément en tête des références de films de survie. Y en a-t-il qui vous ont inspiré ?

SF : La manière dont j’écris et dont je travaille avec les acteurs est très différente de la manière dont je dirige la caméra. Il n’y a aucune raison de raconter une histoire si elle n’intéresse personne. Il faut se laisser guider par cette idée.

Pour moi, en tant que réalisateur, je citerais Jean-Pierre Melville. Le Cercle rouge est l’un de mes films préférés. A la fin, en particulier, la manière dont le dernier plan est filmé est totalement inattendue. Cela m’a stupéfait quand je l’ai vu.

Bergman, aussi. C’est une très grande influence en terme de style et de structure. Beckett. Leone, évidemment. Le film parle de la mère qui joue de l’harmonica. C’est inévitable d’y penser…

Peut-être que le réalisateur qui m’a le plus influencé, c’est Andreï Tarkovski, et en particulier Stalker qui est un anti film de science-fiction. Mon film n’est pas de la science-fiction. Je l’adore, mais mon film va à l’encontre de la science-fiction. J’ai été ébloui quand j’ai vu Stalker la première fois, et chaque fois depuis. Il y a une spiritualité très profonde.

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