Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24


Columbia  

Production : Columbia Pictures, DreamWorks Pictures, Spyglass Entertainment, Amblin Entertainment
Distribution : Mars distribution
Réalisation : Rob Marshall
Scénario : Robin Swicord, d'après le roman de Arthur Golden
Montage : Pietro Scalia
Photo : Dion Beebe
Décors : John Myrhe
Musique : John Williams
Directeur artistique : chorégraphie de John Deluca
Durée : 140 mn
 

Zhang Ziyi : Sayuri
Ken Watanabe : le président
Michelle Yeoh : Mameha
Gong Li : Hatsumomo
Koji Yakusho : Nobu
Youri Kudoh : Pumpkin
Kaori Momoi : Mère
Tsai Chin : Tante
Suzuka Ohgo : Chiyo
 

site sur le livre et le geishas
site officiel
 
 
Mémoires d'une Geisha (Memoirs of a Geisha)


USA / 2005

01.03.06
 

La Chine censure




Avant de vous parler du livre, de Geishas et des artistes de cette super production à 85 millions de $ (gloups), il est utile de savoir qu'un film aussi "sage" (pas un gramme de nudité, aucun gros mot, nulle hémoglobine) est frappé de censure... en Chine.
Je vous vois déjà penser : "mais on s'en fout de la censure" (bah voyons), "et puis en Chine ils censurent même Internet" (ils parait qu'ils mangent même du chien...) etc... Vous n'y êtes pas du tout. Il s'agit d'une histoire qui ne date pas du dernier cerisier en fleur.Chaque jour la télévision chinoise aime rapporter des incidents diplomatiques entre la Chine et le Japon. Forage pétrolier en Mer de Chine, offense politique lors de telle commémoration, et on en passe. Bien que les deux pays soient très liés économiquement (et culturellement il y a peu de différences entre les jeunes shanghaiens et les jeunes tokyoites), les guerres et invasions de la Chine (incluant la Mandchourie) par le Japon ont laissé des traces meurtries chez les Chinois. Effets négatifs de la colonisation. Il faut savoir que ce sentiment d'offense est partagé par tous les pays envahis par l'impérialiste Japon lors de la première moitié du XXème siècle. En guerre économique et politique, les deux puissances ne se loupent pas au moindre faux pas. Et le Japon aligne les provocations, ne souhaitant toujours pas s'excuser pour ses crimes de guerre...
Quel rapport avec le Schmilblick? Le film, qui devait sortir le 9 février dans les cinémas chinois (impact relativement nul puisqu'il y a moins de salles dans toute la Chine qu'en France, que le DVD piraté est déjà distribué depuis les fêtes), a été interdit de projection. La Columbia a eu beau négocier, rien n'y a fait. Les autorités chinoises, officiellement par crainte de manifestations anti-japonaises (assez courantes, parfois violentes et souvent soutenues par le Parti), refuse de montrer deux de ses actrices (Michelle Yeoh est malaysienne), c'est-à-dire Gong Li et Zhang Ziyi, incarner deux Geishas japonaises, ce qui est souvent assimilé à de la prostitution. Un comble pour les Chinois qui ont eu l'habitude de voir leurs femmes violées par les soldats Japonais.
D'un point de vue cinématographique, l'argument ne tient pas : Natalie Wood n'avait rien d'une Puertoricaine pour être Maria dans West Side Story; l'Ecossais Robert Carlyle n'avait rien d'Allemand pour jouer Hitler; l'Egyptien Omar Sharif a été le personnage romantique russe le plus connu du 7ème Art, Jivago; et inversement l'Espagnol Antonio Banderas n'a pas hésité à incarner un chevalier arabe dans un film de vikings, Le 13ème Guerrier. Et n'oublions pas la Malaysienne Michelle Yeoh d'être une honorable héroïne chinoise dans LE film qui consacra le mandarin dans les salles de multiplexes : Tigre et Dragon; ou encore la pékinoise Zhang Ziyi d'être la star d'un film / conte Japonais, Operetta tanuki goten. Après tout Memoires d'une Geisha est une production hollywoodienne (et même spielbergienne!), une réalisation d'un chorégraphe du Wisconsin (l'Etat laitier des USA), une adaptation d'un best seller d'un auteur réputé et installé en Nouvelle Angleterre. Aussi, ne peut-on pas s'empêcher de voir dans cette "censure" un simple effet d'annonce permettant de pointer le "révisionnisme" supposé des Japonais, prenant le monde à témoin...

Geishas courtisées
Le livre, paru en 1997, a très vite intéressé les studios. On s'intéresse vite à un livre qui plaît à 4 millions de lecteurs. On cherche de l'épique, du romantique et même de l'asiatique pour conquérir ces nouveaux marchés. Avant que le projet n'échoit à Rob Marshall (oscarisé avec son premier film, Chicago), il est passé dans les mains de Spike Jonze et Brett Ratner. N'importe quoi tant ces trois cinéastes n'ont rien en commun. Il faut dire que ce film aurait du être réalisé depuis 2000, par celui qui pris une option sur le projet : Steven Spielberg. Longtemps catégorisé "prochain film " du cinéaste, Spielberg passe définitivement la main aux alentours de 2003 (préférant faire The Terminal).
Et le calvaire n'est pas terminé quand Marshall est choisi, puisque contractuellement, il devait faire son second film avec Miramax, filiale Disney en pleine tempête à ce moment-là. Maggie Cheung, initialement pressentie, laisse tomber. idem pour la coréenne Yoon-jin Kim. Finalement, à l'automne 2004, le tournage débute, enfin.
La production n'a pas mégoté sur la qualité artisanale de l'ensemble. Il a fallu reconstitué le quartier historique de Gion, à Kyoto, le quartier des Geishas, dans la banlieue de Los Angeles (l'actuel quartier étant trop moderne), avec une rivière, des ponts, des rues et des boutiques... N'oublions pas les costumes avec 250 kimonos faits mains. Ou le grand écran de soie permettant de tamiser le soleil californien et donner une atmosphère brumeuse... Les pousse-pousses, eux, proviennent du tournage du Dernier Samouraï. Le dernier Sumo (le grand champion Mainoumi) a été réquisitionné pour gagner le faux match, 6 ans après sa retraite. Autre grand sacrifice : John Williams, qui préféra composer la musique de ces Mémoires plutôt que de rempiler pour le quatrième épisode d'Harry Potter. Williams est l'homme le plus nommé à l'Oscar de l'histoire, ces Geishas et Munich lui permettent d'obtenir la 45ème et 46ème nomination de sa vie (pour 5 Oscars gagnants de 1972 à 1994).
Sacrifice payant - mais pas au Box office puisque le film atteint péniblement les 55 millions de $ de recettes aux USA - côté récompenses. Williams n'est qu'une des 6 nominations aux Oscars du film, aux côtés de la direction artistique, la photographie, les costumes, le son et le montage sonore. Que du technique mais cela en fait le second film le plus nommé de l'année. Le film a d'ailleurs été loué tant par les pairs que par les critiques pour ces mêmes qualités : l'image, les décors, la musique, le maquillage, le son, les costumes, et même les effets visuels ...

Les trois grâces
Des comédiens, une seule actrice eut le droit aux honneurs. Nominations peut-être un peu exagérées mais répondant à un double désir : celui de confirmer l'ascension de la jeune étoile chinoise, Zhang Ziyi, et faire entrer les Asiatiques dans le panthéon des palmarès, la faisant succéder à Gong Li et Maggie Cheung (festivals internationaux) et Ken Watanabe (nommé aux Oscars). Mais Ziyi s'offre ainsi un coup de pub mondial grâce à cette sélection prestigieuse parmi les meilleures actrices aux British Awards, Golden Globes, Image Awards, et à la Screen Actor Guild. Il ne reste à Gong Li qu'à se consoler avec son prix du meilleur second rôle féminin auprès du National Board of Review.
Elles ont toutes enduré une formation intensive de six semaines pour devenir des Geishas. "Impossible de bouger comme on le fait quand on porte un jean! Vos mouvements sont bridés, vous êtes obligée de trouver une nouvelle façon de bouger. Cous apprenez à être élégante" explique la comédienne Youri Kudoh. Sans parler de la façon dont on s'assoit au sol, on se lève de table, on marche comme on glisse, on verse le saké... Les comédiennes apprenaient en kimonos, répétaient chaque scène, chaque dialogue. Le dramaturge Doug Wright était même présent sur le tournage pour réécrire les phrases trop difficiles à prononcer. Pour Gong Li, il s'agit même d'un défi tant sa mauvaise connaissance de l'anglais avait freiné son envol international. Michelle Yeoh a préféré jouer de ses talents de musiciennes en apprenant avec zèle à jouer du shamisen. Zhang Ziyi devait surtout se concentrer sur sa séquence de kabuki. Seul moment où le chorégraphe et le réalisateur ne font plus qu'un : "Je voulais que cette unique danse transmette la passion et le chaos des sentiments de Sayuri. Il était passionnant de mêler notre vision d'artistes aux splendides traditions de la danse japonaise" explique Marshall. Ziyi a d'autres souvenirs : les atroces sandales compensées laquées de 20 centimètres de haut, toute cette neige artificielle qu'elle a du avaler... Rien à voir avec la danse des géants, l'autre nom du match de Sumo...
Zhang Ziyi a déjà été la partenaire de Michelle Yeoh dans Tigre et Dragon et de Gong Li dans 2046. On l'a aussi aimée dans Hero et Rush Hour 2, sa première fois à Hollywood. Yeoh a plus d'expérience avec sa participation en James Bond Girl dans Tomorrow never dies, mais aussi dans sa propre production, The Touch avant de la voir chez Danny Boyle et Olivier Assayas. Davantage connue pour ses talents de femme d'action, elle a su aussi montrer qu'elle pouvait jouer des personnages sensibles et nuancés. Gong Li, c'est plutôt l'inverse. La chinoise la plus primée du cinéma, égérie L'Oréal, a fait une première incursion ratée dans le cinéma occidental avec Chinese Boxe en 97. Rien à voir avec ses chefs d'oeuvres de Zhang Yimou et Chen Kaige des années 80 et début 90. L'échec de L'empereur et l'Assassin signe la fin du temps des fresques historiques classiques (annonçant celui des légendes fantastiques) et la disparition des écrans de l'actrice. Non anglophone, suspectée par le régime chinois, elle s'offre une retraite. Elle revient seulement en 2002 et c'est Wong Kar-wai qui la remet à sa place, parmi les stars, avec Eros puis 2046. 2006 sera son année avec le rôle féminin de Miami Vice, mais aussi Young Hannibal (avec Gaspard Ulliel), le nouveau Zhang Yimou (avec Chow Yun-Fat) et certainement La marque jaune de James Huth (si si celui de Brice de Nice).
On retrouve aussi Ken Watanabe (Batman Begins, Le dernier samouraï); Koji Yakusho, vu dans Eurêka, L'anguille, Palme d'or, et surtout Shall we dance?, énorme hit japonais avant de devenir un remake américain avec Richard Gere; Kaori Momoi qui a tourné avec Kurosawa et Imamura; ou la plus jeune Youri Kudoh, révélée par Jarmusch (Mystery Train) et en haut de l'affiche, face à Ethan Hawke, dans La neige tombait sur les cèdres.

En regardant les box offices de films équivalents, de La couleur pourpre au Dernier Samouraï en passant par L'empire du soleil ou Tigre et Dragon, Memoirs of Geishas, à l'instar de Chicago devrait moins séduire qu'aux Etats-Unis, et charmer, au mieux un million de cinéphiles.
 
vincy
 
 
 
 

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