BIFFF 2021 : The Shift, la bombe humaine

BIFFF 2021 : The Shift, la bombe humaine

Parfois en 5 minutes on peut basculer vers l’horreur, et c’est précisément ce qui se passe en ouverture de The Shift. Des adolescents arrivent comme chaque matin à leur école, il y a des dizaines d’élèves dans un hall et soudain c’est des dizaines de coups de feu qui les touchent au sol, un jeune garçon déclenche sa bombe et c’est l’explosion. Ailleurs, une femme avec sa tenue de secouriste prend un café (avec une gaufre au chocolat, car on est à Bruxelles !), il y a un appel radio dans l’ambulance : code rouge, besoin d’un support médical…

Le sujet est forcément très sensible : une équipe d’ambulanciers prend en charge un jeune homme blessé dans un attentat sans se douter qu’il s’agit de l’un des terroristes… Raconter ce genre d’histoire est à la fois un risque et une gageure, et ici elle est concentrée autour d’un adolescent avec une bombe fixée au ventre dans une ambulance avec un conducteur et une secouriste, ces trois seules personnes savent que le véhicule dans la ville est une nouvelle menace… Cette histoire est fictive mais la mise-en-scène la rend très réelle, on reconnaît des rues du centre de Bruxelles (comme la Rue Royale) et le montage veut donner l’impression que tout se déroule presque comme en temps réel avec en alternance des séquences dans l’ambulance où les deux secouristes sont comme otages des décisions du jeune et d’autres séquences au milieu des équipes de police en action après l’attentat de l’école.

La France a plusieurs fois été cruellement frappée par divers attentats, dont en particulier les attaques simultanées du 13 novembre 2015 à Paris et à Saint-Denis, et la Belgique a été elle aussi victime de ce type d’attentat comme celui du 22 mars 2016 à Bruxelles dans un aéroport et dans une station de métro. Ces évènements de Bruxelles avaient eu lieu la semaine précédant alors le traditionnel Festival fantastique, mais le BIFFF avait tout de même été maintenu comme prévu dans un esprit de rassemblement : « nous ne nous courberons pas de peur, garder la tête haute c’est notre acte de résistance! En riant ensemble, c’est notre acte de résistance ! On va s’amuser les amis, ça sera notre acte de résistance ! ». Le Festival a connu la première annulation de son histoire (comme de nombreux autres évènements culturels) en 2020 à cause du coronavirus, ce même virus redevenu trop contagieux pour que le BIFFF puisse avoir lieu en salles cette année. Il se déroule online, et pour son retour son film d’ouverture est symboliquement The Shift qui raconte donc une histoire d’attentat terroriste dans Bruxelles. Les diverses sélections montrent comme d’habitude un large spectre du « cinéma de genre » avec fantôme effrayant, psychopathe dérangeant, voyage temporel perturbant, tout en n’oubliant pas certains thrillers bien ancrés dans le réel.

The Shift est une production italo-belge présentée en avant-première aux festivals de Rome et de Bruxelles. C’est le premier film de l’italien Alessandro Tonda (réalisateur de divers courts-métrages et de publicités, et déjà assistant-réalisateur sur la série Gomorra) tourné dans la capitale belge. En France, la diffusion de films avec comme sujet le terrorisme peut être compliquée s’il y a trop de résonances avec des drames passés : Made in France de Nicolas Boukhrief.a eu sa sortie en salles annulée pour passer directement en VoD, le téléfilm Ce soir-là et les jours d’après (avec Sandrine Bonnaire et Simon Abkarian) a été reculé d’un an sur France2… Avec des salles de cinéma toujours fermées pour cause de Coronavirus une sortie française de The Shift est une éventualité inconnue, mais on peut l’espérer : le film est porté par Clotilde Hesme (déjà Césarisée, elle était dans la série Netflix à succès Lupin), entourée par quelques autres visages connus comme Jan Hammenecker, ou Djemel Barek ici dans un de ses derniers rôles (à voir dans la série du moment sur Arte En thérapie).

Le contexte terroriste est délicat mais le film est formellement une fiction avec comme pièce centrale justement un élément détonateur : une ambulance dont la fonction est de sauver des vies devient une bombe à retardement. Après un prologue qui met en place la situation, l’enjeu est clair : une menace explosive circule dans la ville… Comme dans chaque thriller où une catastrophe pourrait arriver alors la tension devient grandissante, The Shift parvient à la fois à rythmer un suspens dramatique et aussi à nous faire partager les différents héroïsmes des protagonistes et en particuliers des soignants qui  « combattent au front sans aucune arme ».

 Fiche Technique 
 The Shift de Alessandro Tonda (Belgique, 2021)
 Avec Clotilde Hesme, Adam Amara, Adamo Dionisi, Jan Hammenecker, Djemel Barek...
 1h25