Cannes 2021 | Compartiment n°6, rendez-vous en terres inconnues

Cannes 2021 | Compartiment n°6, rendez-vous en terres inconnues

Cinq ans après le Prix Un Certain regard pour son premier film, Olli Mäki, Juho Kusomanen revient sur la Croisette, mais cette fois, en compétition, avec un voyage en train plus romantique et mélancolique que livre dont il s’est inspiré.

« L’important dans un voyage ce n’est où tu fuis, mais d’où tu pars ». Cette citation entendue dans un salon moscovite au début de Compartiment n°6 pourrait être le résumé du nouveau film de Juho Kuosmanen. Une jeune archéologue finlandaise entreprend un long trajet vers la région arctique russe de Mourmansk pour aller voir les pétroglyphes de Kanozero.

Fiche technique
Compartiment n°6 (Hytti Nro 6), 1h47
Réalisation : Juho Kuosmanen
Scénario : Juho Kuosmanen, Andris Feldmanis, Livia Ulman, d'après le roman de Rosa Liksom
Avec Seidi Haarla, Youri Borissov, Dinara Droularova et Youlia Aoug
En compétition à Cannes 2021

Le cinéaste finnois a adapté très librement le livre éponyme de Rosa Liksom, qui se déroulait dans l’Union soviétique des années 1980 et emmenait le lecteur à travers les plaines de la Volga, la Sibérie, jusqu’à la Mongolie. Le film ne diffère pas seulement en s’installant dans une Russie des années 1990 et en préférant filer vers le cercle polaire. Il a transformé ses personnages : la jeune finnoise a une amoureuse à Moscou, son voisin de compartiment a été rajeunit et adoucit, tout en restant un fervent adepte de la vodka. Et l’atmosphère lourde et brutale du livre, que l’on ne ressent que dans la première partie du voyage, jusqu’à Saint-Petersbourg, se dilue progressivement vers une jolie histoire romantique où disparaît toutes les inquiétudes et les peurs dans une tempête de neige au milieu de nulle part.

Drôle de mec pour une rencontre

Dans cette Russie profonde, rude et en phase de délabrement, où les habitants se résignent au déclin avec des visages de geôliers de prison, Compartiment n°6 se focalise sur cette jeune étrangère à la fois émerveillée par son odyssée et apeurée par l’inconnu. Juho Kuosmanen filme ce long voyage contemplatif comme un observateur épiant deux êtres que tout oppose et que la promiscuité et le temps vont amener à se rapprocher. Seidi Haarla, toute en vulnérabilité et en émotions contradictoires, et Youri Borisov, en jeune russe pulsionnel, malotru et généreux, forment un très beau couple qui s’apprivoise au fil des étapes (les arrêts en gare peuvent durer une nuit). Elle cherche sa place. Il cherche sa voie.

Les pétroglyphes, objectif de son voyage, ne sont finalement qu’un prétexte à cette jolie romance, très pudique. On aurait aimé être davantage transporté. Même dans l’ultime élan de liberté, le réalisateur ne fait pas décoller son récit.

« On dirait que tout le monde est loin »

Le voyage c’est ici ce temps long d’une errance ferroviaire, où la rencontre est plus importante que des dessins préhistoriques sur des pierres balayées par les tempêtes de neige. C’est d’ailleurs là que réside le charme du film, assez classique: dans ce jeu de regard et ce frôlement des corps, cette amitié naissante et leur attraction inconsciente. Compartiment n°6 se révèle alors au spectateur comme une agréable sonate hivernale où deux interprètes accordent leurs violons pour aboutir à une mélodie harmonieuse et mélancolique.