Cannes 2021 | Emergency Declaration : décollage à haut risque

Cannes 2021 | Emergency Declaration : décollage à haut risque

C’est un des plaisirs attendus du Festival de Cannes presque chaque année : une avant-première de l’un des plus gros films du moment venant de Corée du Sud. Emergency Declaration est donc un film de catastrophe aérienne qui comporte tous les rebondissements (attendus) d’un blockbuster, et aussi en même temps sa liste de personnages-clés (connus). On y voit donc : un méchant cruel, un policier déterminé, un monsieur-presque-comme-tout-le-monde qui va se révéler comme héroïque, une innocente petit fillette pour personnifier l’injustice de mourir, un homme qui ne pense qu’à se sauver lui en dépit des autres et quelqu’un avec le sens du sacrifice… C’est bien entendu ce qu’on a envie de voir, le genre ‘film-catastrophe’ étant assez codifié. Mais à la condition d’y voir un nouveau type de danger mortel inédit pour vibrer. La révélation de la nature de ce danger arrive de manière progressive dans le film, mais le spectateur averti sait déjà qu’il s’agit d’un virus inconnu très contagieux, d’ailleurs en écho direct avec la situation sanitaire globale qui nous impacte en ce moment.

Emergency Declaration s’impose avec un casting de haut vol des plus grandes stars coréennes qui avaient déjà été invitéés à Cannes auparavant : Jeon Do-yeon (meilleure actrice pour Secret Sunshine de Lee Chang-dong), Im Si-wan au visage angelot (vedette de k-pop et acteur dans The Merciless), Lee Byung-Hun (A bittersweet life, Le bon et la brute et le cinglé, ensuite passé aussi dans des franchises à Hollywood) et Song Kang-ho membre du jury de Cannes cette année (et habitué de la croisette avec Memories of murder, Secret sunshine, Thirst ceci est mon sang, Parasite). On voit que la production de ce film a voulu tout réunir à l’écran pour viser un gros succès au box-office local, y compris d’ailleurs de reprendre dans le scénario en partie certains éléments qui avaient fait les succès des récents autres film-catastrophe coréens comme Tunnel (voiture ensevelie) et Dernier train pour Busan (zombies dans un train), mais cette fois l’action est placée dans un avion dans Emergency Declaration. L’épouse qui se bouge pour le sauvetage dans Tunnel est ici un mari policier dévoué à aider au sol, la rivalité pour survivre dans Dernier train pour Busan est reproduite avec un leader égoïste qui veut faire isoler les plus contaminés à l’écart au fond de l’avion. Ici la principale variante inédite c’est qu’il s’agit de bio-terrorisme et que l’avion représente une bombe-humaine à la fois pour l’ensemble de ses passagers promis à mourir ET aussi pour la population de là où pourrait atterir cet avion car il y’a aura propagation et contamination. L’avion ne pourra pas rester en vol longtemps et il ne pourra pas non plus attérir quelque part…

« Un aller simple pour Hawai »

Quand le film commence on est en territoire familier de la peur des catastrophes aériennes, l’histoire commence au moment de l’embarquement à l’aéroport avec l’arrivée des pilotes et des hôtesses, les 121 passagers dont en particulier une fillette, et déjà on voit que au moins l’un d’eux est suspect car il parvient à faire passer au contrôle des objets louches. En parrallèle de ce départ le suspens se met très rapidement en place car des policiers découvrent une vidéo de menace d’attentat. Quand l’avion décolle alors le suspens décolle en même temps avec les policiers qui découvrent un appartement avec une odeur suspecte et un cadavre à priori empoisonné… En fait durant tout le film le récit des évènements va alterner entre la situation de plus en plus gravissime à l’intérieur de l’avion et aussi avec les réactions au sol de la police qui enquête et même du gouvernement qui doit gérer la crise. C’est presque un défaut du film car on ne ressent pas l’aspect oppressant du huis-clos, qui est présent dans les américains Flight plan avec Jodie Foster, Red Eye de Wes Craven, Des serpents dans l’avion avec Samuel L Jackson par exemple. L’histoire se joue avec deux dimensions parrallèles avec sous forme de course contre la montre une action locale dans un avion en vol et plusieurs réactions globales au sol avec à la fois police, gouvernement, médias. Une intrication qui s’était déjà montrée efficace dans Vol 93 de Paul Greengrass (une reconstitution des attentats du 11 septembre). Le spectateur est dans une position de témoin de la gravité de ce qui se prépare avant les personnages, avec quelques scènes qui expose clairement le début d’une contamination mortelle. Ensuite on voit quelques passagers souffrir de cloques qui grattent et de crachats de sang avant de tomber morts, et des membres d’équipages aussi et dès lors on assiste à une succession de nombreux rebondissements dont un manque de carburant…. La célèbre question ‘y’a-t-il un pilote dans l’avion?’ va bien entendu survenir avec d’ailleurs une belle séquence de chute de l’appareil durant laquelle beaucoup de passagers seront propulsés dans tout les sens.

« Les passagers ne doivent pas lire la peur sur nos visages… »

Emergency Declaration comporte en fait peu de séquences spectaculaires, même si le danger devient de plus en plus mortel pour de plus en plus de monde. Plutôt que de l’héroïsme avec des scènes d’action musclées le film a préféré se diriger vers l’exposition d’un dilemme moral avec la question de sacrifier combien de personnes pour en sauver combien d’autres. Il va apparaître la possibilité d’une impossibilité de porter secours aux passagers de l’avion et qu’il n’est pas souhaitable que l’avion puisse atterrir quelque part. C’est d’ailleurs ici que le réalisateur Han Jae-rim va flatter le côté nationaliste de son public de Corée du Sud : les Etats-Unis et le Japon qui sont historiquement des ennemis du passé seront encore des ennemis, et le gouvernement coréen sera presque exemplaire (alors qu’ il était justement moqué dans Tunnel et Dernier train pour Busan). Hormis la contagiosité du danger mortel qui se répand, le scénario a l’intelligence d’expolorer une autre forme de viralité avec celle des réseaux scociaux et des smartphones : les rumeurs qui y circulent en même temps que des vidéos partagées vont affecter certains comportements des passagers en vol et au sol des médias et la population.

La grande réussite de Emergency Declaration est d’ochestrer une course contre la montre où l’amplitude du danger se multiplie bien plus vite que les éventuelles solutions possibles. En plus de bien évidement interpeller tout le monde avec la question très actuelle de comment se sauver d’un redoutale virus. Attachez vos ceintures, décollage prévu en salles à une date encore indéterminée.

https://www.youtube.com/watch?v=7Ey2xPFbUSE