L’indomptable feu du printemps de Lemohang Jeremiah Mosese, la sagesse des anciens

L’indomptable feu du printemps de Lemohang Jeremiah Mosese, la sagesse des anciens

L’indomptable feu du printemps nous entraîne dans une petite bourgade africaine menacée par un projet de barrage qui contraindrait les habitants à l’exil. Une vieille femme, qui refuse de partir, encourage les villageois à résister. Le Lesotho est un tout petit pays enclavé dans le territoire de l’Afrique du Sud. Il tire une bonne partie de ses richesses de la vente de son eau, abondante dans les montagnes, à travers le plus grand programme de transfert hydraulique jamais conçu en Afrique. Mais la construction de barrages, nécessaires pour réaliser ce projet, oblige des habitants des hauts plateaux à quitter leurs terres pour être relogés en ville.

Le réalisateur Lemohang Jeremiah Mosese s’est inspiré de sa propre histoire et de celle de sa grand-mère pour tourner ce film de fiction qui a reçu de nombreuses récompenses, dont le prix spécial du jury au festival américain de Sundance l’an dernier. « Je n’étais qu’un enfant lorsque ma famille a été chassée de chez elle » et « le village de ma grand-mère est en ce moment même soumis à une relocalisation forcée », raconte-t-il, en dénonçant la survivance d’un « système impérialiste conçu durant l’apartheid en Afrique du Sud » qui se traduit par l’exportation, chaque année, de millions de mètres cubes d’eau vers l’Afrique du Sud.

Lemohang Jeremiah Mosese évoque cette réalité à travers le personnage de Mantoa, joué par une femme de 80 ans. Sentant sa disparition prochaine, Mantoa ne supporte pas l’idée de devoir quitter son village et de laisser profaner les morts, les villageois ayant le choix entre exhumer leurs proches enterrés dans des tombes ou les abandonner à l’inondation que la construction du barrage va provoquer. Mantoa lance un cri de révolte, tente de mobiliser les habitants du village contre le projet. Mais il n’est pas simple de faire plier les autorités qui, au nom du progrès, sont prêtes à détruire des forêts et des villages…

Avec son équipe, Lemohang Jeremiah Mosese s’est rendu dans des montagnes reculées de son pays pour tourner avec les habitants du village de Ha Dinizulu, ce qui donne beaucoup de réalisme à son film. Le directeur de la photo, Pierre de Villiers, a su capter de splendides lumières et restituer de superbes images, malgré des conditions météorologiques très changeantes, le soleil laissant parfois brusquement la place à des pluies diluviennes pendant le tournage.

Premier cinéaste sotho à réaliser un long-métrage de fiction, Lemohang Jeremiah Mosese a mélangé quelques acteurs professionnels aux villageois, qui n’avaient jamais été filmés. « Cela a nécessité un peu de travail pour les amener devant la caméra et les faire se sentir à l’aise », explique le cinéaste. Le pari est réussi, chacun étant convaincant dans son rôle, à commencer par l’actrice principale, qui incarne Mantoa avec beaucoup de retenue et de dignité. Dépaysement garanti avec ce très beau film, contemplatif, au rythme parfois un peu lent, qui nous plonge dans un monde où s’affrontent traditions et modernité.

Pierre-Yves Roger

Fiche technique
L'indomptable feu du printemps de Lemohang Jeremiah Mosese (Lesotho, Afrique du Sud, Italie, 2020)
Avec Mary Twala Mlongo, Jerry Mofokeng Wa Makhetha, Makhaola Ndebele, Tseko Monaheng... 2h00
Sortie : 28 juillet 2021