Avec True Mothers, Naomi Kawase s’emmêle dans son mélo

Avec True Mothers, Naomi Kawase s’emmêle dans son mélo

Qu’arrive-t-il à Naomi Kawase ? Après de longs poèmes contemplatifs et documentaires, naturalistes et oniriques qui ont séduit cinéphiles et grands festivals, jusqu’à l’apothéose de Still the Water il y a sept ans, son cinéma a dévié vers une autre voie autrement moins convaincante. L’aspect documentaire s’efface de plus en plus au profit d’une fiction mélodramatique académique. Le sociétal l’emporte sur toute forme de singularité dans sa narration. L’émotion disparaît au fil du récit, tant celui-ci est déjà-vu, et même téléphoné.

Fiche technique
True mothers (Asa ga kuru), 2h19
Sortie en salles le 28 juillet 2021
Réalisation : Naomi Kawase
Scénario : Naomi Kawase, Izumi Takahasi, d'après le roman homonyme de Mizuki Tsujimura
Distribution : Haut et court
Avec Hiromi Nagasaku, Arata Iura, Aju Makita
Label sélection officielle Cannes 2020

Avec Les délices de Tokyo, en 2015, elle parvenait au moins à mélanger un fait de société oublié (et touchant) avec une histoire sensible, des personnages attachants. Ce fut son film le plus accessible, le plus populaire. Cette voie vers le « feel-good movie » pouvait nous faire espérer une déviation vers un cinéma plus généreux, et plus ouvert.

Las, Vers la lumière, puis Voyage à Yoshino, et cette fois-ci True Mothers, nous ont entraînés dans des films attendus, peu palpitants, pour ne pas dire roboratifs. En choisissant un nouveau sujet de société – l’adoption et les filles-mères – Naomi Kawase se fourvoie dans un drame dont on devine la fin longtemps avant qu’elle n’arrive.

«- Pourquoi il m’arrive tout ça ? – Parce que tu es une conne ! »

Elle ne réussit jamais à nous faire partager l’insécurité, l’intranquillité et l’inquiétude des personnages. Pourtant cette histoire de chantage à l’enfant entre la mère génitrice et la mère adoptante avait de quoi lancer un beau suspense. Mais en multipliant les flash-backs,, les histoires secondaires inutiles et en vidant de sa substance l’enjeu du problème (l’enfant est quasiment inexistant de cette histoire d’adultes), la cinéaste s’empêche toute rigueur nécessaire pour amener une quelconque tension.

Conte d’un monde flottant, avec un épilogue si moral qu’il en devient prosélyte et évacue toute subtilité, True Mothers aurait pu être une affaire de femmes confrontant leur conscience.

Au lieu de cela, Naomi Kawase s’égare dans tout ce qu’elle sait faire : le documentaire (sur ces lieux d’accueil pour adolescentes enceintes, sur le processus d’adoption), le mauvais film social (avec une jeune fille précaire en perdition) et le mélo (noyé dans des sentiments et des incidents sans intérêts). Trop long, inutilement complexe, le film ne jette aucun trouble là où on espérait être déchiré.

Il faut plutôt revoir son documentaire de 2006, Naissance et maternité, sublime portrait intergénérationnel où la filiation est bien plus palpable, ou Genpin, qui scrutait une maternité pas comme les autres. Et sinon, on attendra son documentaire officiel sur les Jeux Olympiques de Tokyo, où elle promet de regarder l’humain. C’est là que se révèle la faille de True Mothers. Il ne manque pas d’humanité, loin de là. Mais le scénario enlève toute épaisseur et toute intensité à ses personnages. La souffrance laisse place à l’apathie, sur fond d’une belle histoire trop candide.