On les savait bons séparément mais avec ce projet collectif, les cinéastes italiens Pietro Marcello, Francesco Munzi, Alice Rohrwacher signent un film documentaire incontournable.
« Il faut connaitre d’autres réalités pour changer l’Italie »
Véritable reportage, Futura explore la manière dont garçons et filles italiens de 15 à 20 ans imaginent actuellement leur avenir, à travers une série d’interviews et de portraits. L’occasion de dessiner les contours d’une génération dont les rêves et les peurs en disent long sur le monde dans lequel on vit.
Bien que le pitch de ce film documentaire ne soit pas révolutionnaire (interroger plusieurs bandes d’adolescents), force est de reconnaître que Futura s’impose rapidement comme un film dont la fin importe car chacun des trois co-réalisateurs à su y apporter une part de lui-même. Pietro Marcello retrouve ainsi de jeunes étudiants des Beaux-Arts, Francesco Munzi croise la route de cadets mus par la politique quand Alice Rohrwacher peut compter sur les bons mots d’apprentis philosophes. S’il est certes question de donner la parole aux jeunes d’aujourd’hui, Pietro Marcello, Francesco Munzi et Alice Rohrwacher ont compris pour que celle-ci touche juste, la pluralité est nécessaire.
Voilà pourquoi, alors que l’on traverse l’Italie dans tous les sens possibles — de Naples à Milan en passant par Cagliari, Rome, Turin, Venise, Palerme, Vérone ou encore Gênes —, les groupes d’adolescents se dévoilent comme autant de pans de la société que l’on entend pas assez souvent. Il y a celles qui rêvent de se marier après avoir reçu leur diplôme d’esthéticienne, ceux qui rêvent de devenir boxeur parce que le foot est trop surpayé et dépourvu d’objectifs à long terme, celles qui rêvent de quitter l’Italie pour découvrir le reste du monde et ainsi mieux se découvrir et ceux qui se voient d’ores et déjà reprendre le flambeau et les tracteurs de leurs aînés.
« Si l’on s’habitue à l’ignorance, on devient soi-même ignorant »
Qu’elle soit issue de la ville ou de la campagne, cette jeunesse a des choses à dire et la crise sanitaire n’en est que la preuve ultime. Alors que les plus âgés tentent depuis des mois de comprendre qui est responsable de ce fiasco, eux sont d’autant plus inquiets quant à la suite : lorsque l’on aura fini de compter les pertes humaines, combien de temps faudra-t-il pour comprendre que nos modes de vie doivent changé ? Que nos habitudes alimentaires doivent changer ? Que notre manière de percevoir le monde et l’autre doit changer ?
Loin de toute revendication partisane, Futura présente une multitudes d’opinions qui se rejoignent souvent sur un point : pour réussir à vivre, il faut de l’argent mais l’Italie n’est plus une terre synonyme de réussite économique. Grâce à ses « personnages » sans filtre, sans recul sur les questions posées et sans quelque chose à défendre, les langues se délient et la vérité n’en est que plus profonde. Le travail de montage est si subtil que le temps ne semble jamais long tandis que le 16mm rend le projet instantanément authentique, intemporel et beau.
Comme une oeuvre que l’on sait déjà qu’elle nous rendra nostalgique dans quelques années. Comme un livre que l’on ne veut pas refermer trop vite parce que les aventures des personnages ne font que commencer. Comme une chanson qui nous touche toujours en plein coeur car les mots résonnent juste. Voilà ce que fait la parole décomplexée de Futura au spectateur !
Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs Réalisateurs : Pietro Marcello, Francesco Munzi et Alice Rohrwacher
