Deauville 2021 | Fenêtre sur le cinéma français

Deauville 2021 | Fenêtre sur le cinéma français

Deuxième année consécutive que le Covid19 perturbe un peu la circulation des films et des stars, Deauville avait l’année dernière proposer une fenêtre sur des films français sélectionnés par le Festival de Cannes ayant été annulé, cette année ça a été une Fenêtre sur le cinéma français qui s’apprête à sortir dans les mois à venir ou au début 2022. On voit que les tournages ont pu continuer en s’adaptant aux diverses mesures sanitaires dans les génériques de fin qui intégrent désormais comme poste des coordinateurs Covid (et les masques moches sont aussi sur la bouche des personnages chez Lelouch). On peut aussi se rassurer qu’il y a encore de la place pour des films qui racontent des histoires de manière différentes que les grosses comédies cumulant une dizaine de stars sur une même affiche qui se sont plantées cet été en salles (Mystère a Saint-Tropez, Les fantasmes…). Du suspense, du drame, du thriller, du mélo, film de troupe ou film de procès…; comme un avant-goût du calendrier hivernal et peut-être des prochains Césars :

Ogre de Arnaud Malherbe ; Sortie: 9 mars 2022.

Anna Girardot arrive avec son petit garçon dans un petit village perdu dans la campagne en lac et forêt : elle y sera la nouvelle institutrice. « C’est très beau, c’est paisible, ça va nous faire du bien » : après un période de sa vie compliquée où elle a souffert, ça devrait être comme un nouveau départ. Mais aux alentours des veaux sont retrouvés égorgés, les villageois sont marqués aussi par la disparition d’un enfant de 8 ans, il y aurait une bête sauvage quelque part… Son fils atteint d’une surdité partielle porte une petite prothèse auditive à l’oreille, il perçoit certaines choses différemment (et donc un travail particulier sur le son pour que son inquiétude soit communiquée aux spectateurs) et croiy avoir vu un monstre à sa fenêtre…

Un danger de mort  plane et fait monter l’angoisse, et le film distille des indices pour diverses hypothèses à propos de cet ‘ogre’ : une bête, un monstre, un homme, quelqu’un d’autre, une damnation, encore autre chose ? Le réalisateur Arnaud Malherbe s’intéresse autant à une femme en quête de reconstruction intime qu’à une communauté qui pourrait se déchirer par peur de la nature de ce qui les menace. Le suspens est subtilement dosé pour amener vers une conclusion surprenante…

Une femme du monde de Cécile Ducrocq ; Sortie: 8 décembre 2021.

Laure Calamy retrouve le rôle d’une prostituée qu’elle avait déjà dans le court-métrage La contre-allée de Cécile Ducrocq (où elle réagissait brutalement contre une concurrence immigrée qui faisait baisser les prix…) pour une nouvelle histoire où elle est présente dans chaque séquence : avec les clients, avec d’autres travailleuses du sexe, et surtout avec son grand fils de 17 ans qui s’est fait renvoyé d’une école de cuisine. Elle lui atrouvé une nouvelle formation dans une autre école privée, les frais d’inscription sont chers et elle va devoir trouver de l’argent pour ça… La prostitution occupe une large place dans le film (sur le trottoir, dans une chambre, dans un club) mais surtout comme un environnement particulier, le film est essentiellement sur la relation entre cette femme qui se dévoue pour assurer un avenir à son fils. Après avoir reçu un César de meilleure actrice 2021, Laure Calamy est assurée d’être de nouveau nominée en 2022 avec ce rôle (et/ou son rôle dans À plein temps de Éric Gravel pour lequel elle vient d’être récompensée au Festival de Venise).

Inexorable de Fabrice du Welz ; Sortie: 26 janvier 2022.

Fabrice du Welz continue d’explorer à sa façon le cinéma de genre, et avec ce nouveau film il va à la fois ravir ceux qui ont suivi sa filmographie (plusieurs de ses acteurs sont de nouveau dedans, aussi le directeur de la photo Manu Dacosse) mais aussi pour les autres Inexorable pourrait être une porte d’entrée dans son univers. A l’opposé de son dernier Adoration qui allait vers une certaine abstraction formelle, cette fois Inexorable repose sur un scénario à l’évolution plus classique (mais pas moins tordu). Le mystère doit rester entier, mais c’est à propos d’une cellule familiale qui va imposer. Il s’agit d’une jeune fille ( Alba Gaïa Bellugi) qui commence à se rapprocher, tel un parasite, d’un écrivain (Benoît Poelvoorde) et de sa femme éditrice ( Mélanie Doutey) et leur petite fille…

L’amour c’est mieux que la vie! de Claude Lelouch ; Sortie: 19 janvier 2022.

« une comédie pas si dramatique que ça de Claude Lelouch » : le générique annonce à la fois qu’il s’agit de son 50ème film, et aussi le premier volet d’une nouvelle trilogie (dont les titres des suites et même leur casting sont annoncés aussi en générique). Lelouch semble recycler une vieille idée de trilogie inutile (après le douloureux échec de son envie précédente de trilogie débutée avec Les Parisiens). Après une ouverture en fanfare et une amusante scène de comédie avec Jésus, Lelouch retombe dans ses travers de chansons mièvres qui se répètent en guise de transition entre plusieurs séquences de dialogues en plan-fixes (procédé dont il abuse mais qui lui permet de regarder ‘jouer’ ses interprètes). Il étire en longueur un script qui n’en demandait pas tant autour du duo Gérard Darmon sachant qu’il va bientôt mourir et Sandrine Bonnaire qui pourrait être sa dernière histoire d’amour, et une galerie de comédiens autour dans des rôles secondaires. On a droit à quelques aphorismes sympathiques (« le paradis vous y êtes, on ne fera pas mieux… »), et quelques insertions de plans de son film La Bonne Année (d’ailleurs son autre film culte après Un homme et une femme) en clin d’oeil. Ses fidèles spectateurs y trouveront une émouvante nostalgie, d’autres une certaine paresse, mais avec tout de même le souhait de voir plus tard un 51ème de Lelouch.

Guermantes de Christophe Honoré ; Sortie: 29 septembre 2021.

C’est le film qui va symboliser en quelque sorte comment le Covid19 a provoquer des fermetures de salles de spectacles : Christophe Honoré préparait au printemps dernier une mise-en-scène de « Le côté de Guermantes » d’après Marcel Proust et qui devait se jouer au théâtre durant avril-mai. Pour digérer l’annulation il a alors profité de la troupe de la Comédie Française qui devait être sur scène pour la mettre dans un film qui raconte justement des répétitions qui vont être interrompues. Le film suit durant 3 jours de juillet les fantaisies de la troupe (dont Dominique Blanc, Laurent Lafitte…) qui va rester plus ou moins unie face à cette annulation, avec à la fois des grandes mesquineries d’égocentriques et des petites cachoteries d’élans amoureux. Proust et le spectacle qui était en préparation sont devenus un prétexte pour jouer avec une forme de presque faux documentaire dans les coulisses d’un théâtre à la fois au centre de Paris et oublieux du monde autour…

Les choses humaines de Yvan Attal ; Sortie: 1 décembre 2021.

Yvan Attal a toujours eu plus de chance avec des scénarios originaux (comme Ils sont partout, Le Brio) plutôt qu’avec ceux qui sont des adaptations qu’il met alors en image (le remake raté Do not disturb, le pantouflard Mon chien stupide), et Les choses humaines est plutôt de cette catégorie en tant qu’illustration du roman du même nom de Karine Tuil. Le film s’ouvre d’abord en chapitres avec une longue partie autour de ‘lui’ (Ben Attal) et le retour d’un jeune homme brillant chez ses parents divorcés et vedettes des médias puis ensuite une longue séquence avec ‘elle’ (Suzanne Jouannet) qui est une jeune étudiante qui va alors porter plainte à la police pour viol. Sa mère à lui qui nie cette accusation vit en fait en concubinage avec son père à elle (« ton fils a violé ma fille« ), et c’est plusieurs familles qui éclatent avec des versions opposées de ce qui se serait vraiment passer ou pas. Le film s’enferme ensuite dans la salle d’audience d’un procès où des personnages vont défendre la présemption d’innocence du garçon ou attaquer la sincérité du témoignage de la fille. Le texte du livre était solide mais mis en bouge dans le film cela provoque certaines tirades récitées sans naturel et c’est dommage. Les arguments de chacun (dont les parents, les avocats…) progressent vers une « zone grise » pour déterminer quel dégré de culpabilité il y aurait eu… Le procès prend différente tournures pour son issue, et le film conduit spectatrices et spectateurs à se positioner en quelque sorte en juré.