Avec Radio Metronom, Alexandru Belc suit les pas de Mungiu et Porumboiu

Avec Radio Metronom, Alexandru Belc suit les pas de Mungiu et Porumboiu

Alexandru Belc nous plonge cinquante ans en arrière, dans la Roumanie de Ceaucescu, oppressée par le manque de liberté et tenaillée par une surveillance permanente et autoritaire. Assistant réalisateur d’une Palme d’or (4 mois, 3 semaines, 2 jours de Cristian Mungiu) et de Policier, adjectif de Corneliu Porumboiu (Prix Fipresci Un certain regard), le documentariste en a tiré un regard aussi absurde qu’ironique sur cette période et son pays, dans un cadre morne, terne, presque morbide.

Metronom
Festival de Cannes 2022, Un certain regard
Durée : 1h42
Réalisation et scénario : Alexandru Belc
Image : Tudor Vladimir Panduru
Distribution : Pyramide
Avec Mara Bugarin, Serban Lazarovici, Vlad Ivanov

Metronom c’est le nom de cette émission musicale de Radio Free Europe, chaîne interdite qui permet le lien avec « l’Ouest », aspirateur à jeunes roumains avides de liberté. Une jeunesse emprisonnée dans son propre pays, écrasée par les silences (importants), résignée ou résistante. La transgression est le seul échappatoire mental… Un couple de lycéen se voit ainsi confronter à une triste sépartion. Lui doit, veut partir. L’exil comme seul refuge. Une parabole, hélas, toujours d’actualité dans de nombreuses régions du monde.

Le réalisateur nous enferme avec cette bande d’élèves, et avec eux, leurs peurs, leurs rêves, leurs désirs, leurs angoisses. Sa mise en scène est en soi une épreuve. La soirée « clandestine » est une succession de très longues séquences, proche d’un réalisme assez épatant, où la musique fait le lien entre les moments divers de cette nuit (tour à tour dansante, sexuelle, romantique, psychologique) et entre ces jeunes qui se cachent des regards et oreilles de la Securitat. L’actrice Mara Bugarin, qui interprète Ana, porte avec grâce tout le récit. Elle allume la flamme, comme le chantait Jim Morrison, décédé à cette époque.

L’avis des autres

Peu de dialogues s’invitent dans ce qui est, en fil conducteur, une histoire d’amour contrariée entre deux adolescents. L’image et le son, les regards et les situations suffisent à comprendre ce qui se trame. Le film prend soudainement un virage plus sombre. La police débarque et les arrête tous, coupables d’avoir écouter une radio interdite.

Metronom cesse de s’aventurer dans un formalisme réaliste évoquant la liberté individuelle pour devenir une allégorie de l’oppression collective. Berc maintient pourtant deux paramètres unificateurs pour rester cohérent entre les deux parties : le huis-clos et le (faux) temps réel).

Délation et délitement

La police est violente, prête à tout pour arracher des aveux, des dénonciations. Le crime pourrait nous paraître surréaliste. Mais ce qui intéresse le réalisateur, c’est bien la réaction de ces jeunes qui vont vivre encore vingt ans sous ce régime communiste. Ana résiste, se rebelle même, malgré les pression. Si elle est difficile à suivre, tant elle est traversée par diverses contradictions, elle n’en est pas moins victime. Trahie même. La naïve et romantique jeune fille ne peut pas faire le poids face aux égoïsmes et aux instincts de survie de ses camarades, face à la propagande, la corruption et le lavage de cerveaux infligés par les autorités.

L’horreur dans cette banalité (une soirée de jeunes c’est aussi anodin qu’anecdotique) est bien que le destin des uns est soumis aux décisions des autres. La soumission et la contrainte sont ici synonymes de torture et de souffrance.

Ce film exigeant, un peu scolaire, comme un devoir original très bien fait, ne cherche pas à séduire, ni même à nous faire réfléchir. Il a la simple ambition de nous rappeler que la liberté n’est jamais acquise, et qu’elle reste précieuse.