Cannes 2022 | Dodo, un vaudeville décapant mais décevant

Cannes 2022 | Dodo, un vaudeville décapant mais décevant

La préparation d’un mariage est toujours source de stress, et de comédie. Dodo s’inscrit logiquement dans cette veine de la farce où les mœurs font bons et mauvais ménages. Le cinéaste grec Panos H. Koutras s’en donne à cœur joie pour dynamiter toute cette belle élite qui cherche à sauver les apparences.

Dodo
Festival de Cannes 2022, sélection Cannes Première
Réalisation : Panos H. Koutras
Scénario : Panos H. Koutras, Frédérique Moreau
Musique : Delaney Blue
Image : Olympia Mytilinaiou
Distribution : Pyramide
Avec Smaragda Karydi, Akis Sakellariou, Natsa Exintaveloni, Marisha Triantafyllidou, Nikos Gelia

C’est sans compter l’arrivée miraculeuse et improbable d’un dodo, sorte de toucan austral disparu depuis trois siècles, qui va relier tous les protagonistes : hétérosexuel, gays, bis, trans, peu importe le sexe, la classe sociale, les origines ou l’âge, chacun va devoir se confronter à ses réalités et ses vérités, pas forcément agréables à entendre. Un week-end cathartique s’annonce…

Dodo décrypte ainsi une société grecque, mais finalement occidentale, où les nantis ont de la difficulté à assumer leur déclin dès lors que les autres jouent les révélateur de taches dans leur beau confort. Arnaques, sexe, mensonges et beautés factices se révèlent au fil des heures.

Au-delà de l’aspect queer, le réalisateur filme ce dérèglement sociologique comme une sitcom absurde. Jusqu’à la photo, au cadrage et au jeu, qui pourrait rappeler Le cœur a ses raison ou Absolutly Fabulous. Mais plutôt qu’une satire, Koutras livre avant tout une œuvre cynique sur la bourgeoisie et ses décadences. En suivant ce dodo, comme Alice suivait son lapin, le pays des merveilles se métamorphosent en auberge espagnole proche de l’effondrement. La famille plonge dans la crise de nerfs.

N’est malheureusement pas Blake Edwards ou Robert Altman, ou même Jaoui-Bacri pour prendre une référence française, qui veut. Dodo promettait d’être une bourrasque burlesque. Le manque de rythme, l’absence de nervosité accouchent d’un film qui ne prend jamais son élan vers la Party déjantée que l’on attendait.

On assiste plutôt à un long épisode d’un feuilleton façon swap-opéra. Les langueurs et longueurs du film coupent le souffle qui aurait pu vriller vers un jeu de massacre bien plus jubilatoire. Le vaudeville s’essouffle aussi vite que la subversion du propos s’estompe par des séquences qui s’étirent de plus en plus, comme si le film subissait l’effet d’un lexomil. C’est d’autant plus regrettable que l’ensemble est factuellement bien troussé et que la première moitié fourmillait de personnages attachants et d’audaces narratives (notamment les scènes avec le dodo, jusque’à en expliquer son histoire sous forme d’animation).

Las, si le Dodo nous fascine au début, il nous endort légèrement à la fin. Comme si le cinéaste s’était retenu dans son écriture, préférant sauver un peu cette élite, parfaitement incarné par sa troupe très à l’aise avec leur stéréotype, plutôt que de la dézinguer proprement à travers son hypocrisie et son égoïsme.

Au moins, savourons ce huis-clos théâtral, un cluedo arnaqueur et queer sans meurtre (quoique) à couteaux tirés, où chacun tente de sauver sa peau pour ne pas finir comme l’étrange animal…