Cannes 2022 | La Dérive des continents (au sud), comédie politique à la sauce woke

Cannes 2022 | La Dérive des continents (au sud), comédie politique à la sauce woke

Quatre ans après South, le réalisateur suisse Lionel Baier dynamite le duo Macron-Merkel pour notre plus grand bonheur ! Explications.

« Avec vous les Allemands, tout se finit toujours dans des camps »

En mission en Sicile pour l’Union Européenne, Nathalie Adler (Isabelle Carré) est chargée d’organiser la prochaine visite d’Emmanuel Macron et Angela Merkel dans un camp de migrants. Mais alors que cette visite « officiellement non-officielle » connaît des soubresauts, Nathalie croise son fils Albert (Théodore Pellerin), abandonné alors enfant et désormais militant engagé pour une ONG. Leurs retrouvailles éclipsent rapidement ce voyage diplomatique !

Qui a dit que l’humour ne pouvait pas être universel ? Voilà la question à laquelle La Dérive des continents (au sud) répond sans même le vouloir. Décrit comme un drame par la production, le nouveau film de Lionel Baier est en réalité la comédie politique (et un peu dramatique) dont la Quinzaine des Réalisateurs peut être fière. Un film qui, même lorsqu’ils traitent directement de la crise migratoire, parvient à ne pas se moquer d’untel ou d’unetelle mais véritablement des situations créées par des institutions (des gouvernements qui veulent faire bonne figure mais refusent de voir la vérité en face). Les crises migratoires s’enchaînent et la politique européenne ne parvient pas à résoudre ce problème. 

Alors pour rallier tout le monde à sa cause, le Suisse à qui l’on doit notamment Garçon stupide et La Vanité s’attaque au duo Macron-Merkel pour souligner, scène après scène, l’hypocrisie d’une Europe occidentale qui ne veut pas admettre ses échecs. Mais le tout est parfaitement amené car La Dérive des continents (au sud) n’est jamais un film anti-Macron mais anti-politique de l’autruche. En raillant les protocoles diplomatiques grâce aux fabuleux personnages de Ute (Ursina Lardi) et Charlan (Tom Villa), des chargés de coordination insensibles à leur insensibilité, le scénario de Lionel Baier et Laurent Larivière se distingue par sa myriade de punchlines plus savoureuses les unes que les autres. Et si ça pique autant, c’est parce que derrière chaque vanne se cache une vérité.

Amour et humour pour tous

Mais La Dérive des continents (au sud) serait tout autre sans cette intrigue familiale qui vient donner du poids à cette visite diplomatique. Nathalie et Albert n’ont rien à voir, ne se reconnaissent plus. Mais au fil des jours et des scènes, on comprend vite que chacun fait de son mieux pour percer la carapace de l’autre afin de mieux se dévoiler. 

Le duo improbable que forment Isabelle Carré et Théodore Pellerin n’en est d’ailleurs que plus touchant. L’amour qui les lie, bien qu’arrosé d’un paquet de répliques cinglantes, finit par en devenir beau. Sans doute parce que beaucoup de mères et de fils qui se retrouveront dans ses chamailleries un tantinet puériles mais parfois nécessaires à une relation saine. 

Avec l’intelligence qu’on lui connaît, Lionel Baier ne manque d’ailleurs pas d’utiliser les magnifiques paysages de la Sicile pour figurer les rapprochements de cette mère qui réalise tardivement son erreur et de ce fils loin d’être blanc comme neige. La ville, centre névralgique des opérations, est ainsi source de tensions quand la campagne leur laisse le temps de se re-découvrir. Et La Dérive des continents (du sud) devient sans prévenir une magnifique carte postale de l’île italienne. Une Italie qui n’est pas épargnée tant la montée de la xénophobie, du racisme et de l’homophobie n’ont échappé à personne.

Sans jamais verser dans le larmoyant, Lionel Baier propose un film excessivement drôle et qui ne met pas de côté le pouvoir des émotions universelles. A tel point que l’on en vient à se demander ce qui empêche encore les cinéastes français de signer des comédies filmées avec intelligence, où l’on rit avec l’autre et non de lui.