Cannes 2022 | Sous les figues, la Tunisie rurale pour les jeunes connectés

Cannes 2022 | Sous les figues, la Tunisie rurale pour les jeunes connectés

La réalisatrice franco-tunisienne Erige Sehiri revient sur la terre natale de son père le temps d’un drame tendre et sincère.

« Et notre salaire de misère, c’est pas un péché ? » 

Dans la province tunisienne, au milieu des champs de figuiers, des jeunes femmes et hommes se courtisent, tentent de se comprendre, nouent et fuient des relations plus profondes. Le tout sous l’oeil de leurs aînés et d’un contremaître arrogant.

Qu’elle est belle cette Tunisie ! Voilà ce que l’on se dit sans trop réfléchir à la sortie de Sous les figues, film en forme de lettre d’amour que la réalisatrice Erige Sehiri peut allègrement dédier à son père et à ses racines. En s’intéressant aux champs de figues près desquels celui-ci est né et a grandi, la réalisatrice propose un second long métrage tout en douceur. Et pour être la plus fidèle possible, elle n’a d’ailleurs casté que des comédiens non-professionnels, particulièrement doués et presque tous issus de la région. Un gage d’authenticité qui se ressent dans l’accent typique de la région les dialogues et les rapports qu’ils entretiennent : certains d’entre eux se connaissaient avant le tournage car ils évoluaient dans le même lycée ou s’étaient déjà croisés dans lesdits champs.

Parce qu’il s’agit d’un film sur les premiers émois amoureux de jeunes dont le quotidien est régi par la religion et les qu’en-dira-t-on, Sous les figues déborde d’hormones. Celles de jeunes femmes au regard naïf sur l’amour, le mariage et l’avenir. Mais aussi celui de jeunes hommes incapables d’évoluer sereinement dans un contexte où apprentissage sexuel et amour peuvent difficilement aller de pair — à moins de se marier. Or, à 17 ans et à l’heure où tous se suivent sur les réseaux (Facebook, Instagram et WhatsApp en tête), comment leur reprocher une forme de naïveté teintée de rivalité ? Les sentiments qu’ils ont développé très jeunes s’intensifient avec les poussées d’hormones pour certains, la lassitude d’un destin tout tracé s’installe pour d’autres. 

Le cadre presque idyllique de Sous les figues devient rapidement un prétexte à des discussions pleines d’intérêt. Ces hommes et ces femmes qui vivent dans la précarité et voient le travail dans les champs comme un moyen légal mais laborieux de gagner un peu d’argent, sont conscients des limites de leurs rêves. Et c’est sans doute en cela que nombre de jeunes pourront s’y reconnaître. Mais pas que ! Car ces jeunes sont entourés d’aînés plus sages et avisés et donc détenteurs d’une parole qu’il leur faut entendre. Grâce à une photographie naturaliste, à une économie d’intrigues secondaires et en condensant le tout dans une journée de travail, Sous les figues surprend par son réalisme. Notamment lorsque les jeunes femmes remettent en question le patriarcat qui intensifie l’hypocrisie ambiante et la jalousie entre elles. 

Sans pour autant être un film féministe, Sous les figues donne la parole à celles qui souhaitent que les mentalités changent tout en respectant leur culture. Voilà une sélection à la Quinzaine des Réalisateurs amplement méritée pour un projet qui nous épargne les clichés et le jeu des portes ouvertes !