Miyu fait entrer l’animation à la Cinémathèque française

Miyu fait entrer l’animation à la Cinémathèque française

Miyu, société de production, de distribution et galerie d’art parisienne depuis un an, sera à Cannes : à l’ACID avec le long métrage de Sébastien Laudenbach et Chiara Malta, Linda veut du poulet!, à la Semaine de la Critique avec le court métrage de Rachel Gutgarts, Via Dolorosa.

À Annecy, on sait déjà que le studio présentera le conte musical Ogresse de Cécile McLorin Salvant et Lia Bertels aux Pitchs Mifa. En sélection officielle, Miyu sera quatre fois au générique : D’une Peinture à l’autre réalisé par Georges Schwizgebel, Christopher At Sea de Tom C J Brown, La Grande Arche de Camille Authouart et 27 de Flora Anna Buda.

On le constate : l’animation est entre deux mondes. Reconnue comme un art à part entière, souvent très populaire, parfois consacrée dans les palmarès ou des festivals comme Annecy. Mais aussi souvent snobée par la critique, oubliée des compétitions de grands festivals généralistes, ou, quand il s’agit de films animés non familiaux ou artistiquement singuliers, ignorée par le grand public.

Life with an Idiot de Theodore Ushev

Partenariat inédit entre une nouvelle galerie et une vénérable institution

Il était donc grand temps que l’art de l’animation fasse son entrée dans le panthéon du cinéma, à savoir les collections de la Cinémathèque française, qui possède de nombreux incunables, la prodigieuse collection de dessins réunis par Henri Langlois, enrichie par la donation de Pierre Lambert, quelques fonds d’artistes défunts (Paul Grimault), le fonds Alive dédié à l’animation japonaise, mais très peu d’œuvres et de matériaux liés à l’animation contemporaine.

C’est chose faite avec la donation organisée par la galerie Miyu. En effet, la Cinémathèque française et la Galerie Miyu créént un partenariat inédit, pour faire rayonner l’animation tout en enrichissant le fonds de la Cinémathèque française de documents et films émanant de la production indépendante d’animation contemporaine.

Gianluigi Toccadondo d’après Fritz Lang

Ce partenariat donne lieu à une donation d’œuvres, une exposition à la Galerie, « Matières à animer » du 20 avril jusqu’au 17 juin 2023, et une soirée exceptionnelle le 21 avril à la Cinémathèque où ont été diffusés des courts métrages des dix artistes choisis par Miyu, et La jeune fille sans main, long métrage présenté à l’ACID, primé par le jury d’Annecy et nommé aux César.

Emmanuel-Alain Raynal, co-fondateur de Miyu, explique : « Nous avons toujours à cœur de démontrer à quel point les techniques animées peuvent apporter aux narrations contemporaines. Ce partenariat avec une grande institution comme la Cinémathèque française est un geste fort dans notre combat pour la valorisation de l’animation comme un langage reconnu et respecté ».

L’idée est née grâce à l’impulsion d’une première donation faite par Sébastien Laudenbach (La Jeune Fille sans Mains et co-réalisateur de Linda veut du poulet!).

Florence Miailhé

Une exposition modelée autour de la création

Pour l’exposition « Matières à Animer » on pourra voir les oeuvres plastiques issues de
la donation d’artistes primés et incontestés : Céline Devaux (César du court métrage d’animtion, Prix Orizzonti du meilleur court métrage à Venise), Dahee Jeong (Grand prix à Hiroshima, Grand prix Cristal à Annecy, deux fois sélectionnée à la Quinzaine des réalisateurs), Vergine Keaton (sélectionnée à l’ACID et à la Berlinale), Boris Labbé (sélectionné à la Semaine de la critique, Grand prix à Taichung, Zagreb et Tokyo, prix Fipresci à Annecy), Florence Miailhe (César du meilleur court métrage, mention spéciale à Cannes, Cristal d’honneur à Annecy), Georges Schwitzgebel (Cristal d’honneur à Annecy, prix du jury court métrage et prix Regards jeunes à Cannes, trois fois prix spécial du jury à Hiroshima, prix Genie du meilleur court animé, etc.) Momoko Seto (pix du court métrage à la Berlinale), Gianluigi Toccafondo (trois fois Mention spéciale à Clermont-Ferrand, sélectionné à Berlin et Annecy, primé à Ottawa, Taliin et Turin), Theodore
Uschev
(deux fois primé à Annecy, prix Génie du meilleur court animé, nommé à l’Oscar du court métrage d’animation) et Koji Yamamura (prix Cristal du court métrage à Annecy, deux fois Grand prix à Hiroshima, Grand prix à Ottawa, Grand prix à Zagreb, nommé à l’Oscar du court métrage d’animation). Parité respectée. Mais surtout diversité artistique honorée.

Momoko Seto, recherches pour son premier long métrage Planètes

Ainsi, à la galerie, on peut voir les travaux préparatoires de futurs films ou les croquis d’œuvres déjà connues : les techniques varient, du travail pictural et non numérique de Schwizgebel, au dessin au fusain ou à l’encre de chine, en passant par le photogramme peint, des aquarelles, des dessins à l’encre acrylique sur PVC, une imageothèque, des cartes colorées, des documents préparatoires et bibles graphiques.

Un programme de courts-métrages passionnant

Au sous-sol, la galerie diffuse dix courts-métrages, signés de chacun des artistes, dont « Movements » de Dahee Jong, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs en 2019, entre burlesque et surréalisme dans un délire cosmique (et comique). Au final, c’est un programme hypnotique et fabuleux qui révèle une richesse aussi bien plastique que créative dans l’animation.

On peut ainsi être envouté par la beauté pictural et onirique de 25 passage des oiseaux de Florence Miailhé (La traversée) ou l’étrangeté naturaliste et presque apocalyptique des gravures du XIXe siècle de Je criais contre la vie. Ou pour elle de Vergine Keaton (court sélectionné à l’ACID en 2009). L’univers de Rossignols en décembre de Theodore Ushev n’est pas moins inquiétant sous son apprence « baconnienne ». Koji Yamamura nous entraîne dans un monde absurde où les dimensions se multiplient et se relient de manière improbable dans Dozens of North. Plus allégorique, Gianluigi Toccafondo tente de nous happer avec son lyrisme coloré. Et Georges Schwitzbegel nous immerge de manière fascinante dans la reconstitution de La Bataille de San Remo.