Guardians of the Galaxy, vol. 3 : la résurrection de Marvel ?

Guardians of the Galaxy, vol. 3 : la résurrection de Marvel ?

Le cinquième phase de Marvel permettra-t-elle à Marvel de se renouveler? Car, soyons honnêtes, la phase IV était inconstante et inégale au point de souvent lasser et d’émousser le désir. Au point de se perdre dans les multivers, des scénarios qui vrillaient dans un baroque fantastique, des effets visuels de plus en plus clinquants et étonnament dégradés, et une absence de ligne directrice dramaturgique.

Ainsi après le climax des deux derniers Avengers, coincés entre un Black Panther regénérant et un Spider-Man rafraîchissant, on a basculé dans un univers sans queue ni tête : Black Widow, film d’action sous-estimé incarné par un duo d’actrices de haut vol, Shang-Chi, relativement insipide, Les Eternels, un peu gâché par un récit pas à la hauteur de ses super-héros, un troisième Spider-Man trop attendu, la suite de Docteur Strange plus cosmique qu’hallucinant, une nouvelle aventure de Thor, perdu entre comédie et tragédie, et un retour à Wakanda pas très convaincant. On voyait mal où Marvel nous emmenait à force de nous promener dans des mondes parallèles, des allers retours dans la chronologie, et finalement des enjeux plus individuels que collectifs.

Une phase V qui débutait très mal après une phase IV décevante

On pouvait aussi en vouloir aux producteurs de sacrifier régulièrement les personnages les plus attachants (et souvent les mieux interprétés) : Black Widow, Ajak et Sersi, Wanda, Jane Foster, et Ramonda. De quoi nous plonger dans une perplexité sur l’avenir de l’univers, multi ou meta, mais surtout chaotique.

Si encore, ces Marvels se renouvelaient dans le fond comme dans la forme. Le grand manitou Kevin Feige a pourtant perdu un peu de sa magie au fil des années. Il suffit de voir comment il installe cette cinquième phase avec un Marvel mineur, ennuyant, confus et casse-tête (Ant-Man et la guête : Quantumania, fiasco total), doté d’un nouvel ennemi (Kang, chargé de remplacer Thanos). On en vient à être assez indifférents devant tant de héros, de vilains, de voyages temporels et dans le cosmos. Tout s’entrechoque jusqu’à ne plus déceler le bizarre du bazar. On ne s’étonne plus de rien, ni des retours à la vie de certains personnages morts ou abandonnés, ni des méchants qui menacent l’humanité ou une communauté. Tout se répète perpétuellement : la souffrance existentielle du super-héros, la défense de son clan (famille, nation), les épreuves qui se succèdent comme des niveaux de jeux vidéos et pour finir un gros combat final plus ou moins bien réalisé qui doit offrir aux héros une issue de secours (ou sceller leur destin).

Tous les Marvels fonctionnent sur un principe relativement identique : un enjeu personnel qui se mêle à un enjeu existentiel, le drame intime (souvent une histoire d’amour romantique et impossible ou un passé traumatisant) et la tragédie universelle (un holocauste au minimum).

Les mercenaires pas salopards

Et ça ne change pas vraiment avec ce troisième volume des Gardiens de la Galaxie et deuxième tome de la phase V. Pourtant, le plaisir de retrouver ces mercenaires de l’espace est indéniable. C’est sans doute le collectif de Marvel le plus touchant et le plus intéressant. La vulnérabilité des héros, leur douce folie, leur esprit d’équipe en font peut-être, à mi-chemin entre Star Wars et des séries comme The A-Team (L’agence tous risques), les personnages les plus sympathiques et les plus humains de toute la galaxie Marvel. À défaut de renouveler le genre, ils parviennent à produire un divertissement distrayant et sentimental bien plus attractif que tous les récents films Marvel, au moins depuis le très classique et non héroïque Black Widow.

Cela tient à une bonne pincée d’humour assumé et bien dosé, des séquences spectaculaires habilement mises en scène, et une absence de final outrancier. James Gunn a compris qu’avec ce groupe hétérogène, le principal se situait dans les relations interpersonnelles et les traumas de chacun. Pas étonnant alors que l’épilogue soit dans la lignée de ceux de Spider-Man ou de Thor : à la fois humain et sobre. Un retour à hauteur d’homme où la résolution des conflits est davantage le choix d’une autre vie que celle de sauver le monde par des super-pouvoirs ou grâce à des biceps.

Cool and the Gang

Les Gardiens de la Galaxie, vol. 3 osent même entremêler plusieurs récits personnels : la complicité rompue entre Quill/Star Lord et Gomora (aka les adieux festifs de Zoé Saldana), la quête d’une paix intérieure pour Quill (aka les adieux tranquilles de Chris Pratt), la relation compliquée mais complémentaire entre Nebula, Drax et Mantis, le défi dément du Maître de l’évolution, le complexe d’œdipe d’Adam Warlock (grosse responsabilité pour le nouveau venu Will Poulter), et avant tout l’histoire dramatique de Rocket Racoon, fil conducteur et trait d’union de tout le récit de ce troisième film.

(L-R): Will Poulter as Adam Warlock in Marvel Studios’ Guardians of the Galaxy Vol. 3. Photo by Jessica Miglio. © 2022 MARVEL.

De la maltraitance animale à la manipulation génétique, de l’idéologie de la perfection à la sauvegarde des espèces (façon Arche de Noë), le scénario aborde des sujets qui font échos à notre réalité. Ce qui ne gâche rien après tant de films où le contexte était plus fantaisiste ou abstrait que « terrien ». Clairement Gunn s’amuse à insuffler ici et là des références à son cinéma d’ado : des westerns spaghetti aux films mythiques de science-fiction, des comédies d’action ou fantastiques des 80s aux séries comme Star Trek. Evidemment la musique, qui navigue allègrement entre les 80s et les 90s (au moins jusqu’au post-générique), du mélancolique et entêtant Creep de Radiohead en guise de prologue au culte Badlands de Bruce Springsteen, en passant par Earth Wind and Fire, Alice Cooper, Florence and the Machine ou les Beastie Boys. Bref ça transpire et ça respire le cool.

Si bien que cette trilogie des Gardiens de la galaxie, malgré ses défauts et ses conventions, se détache un peu de l’ensemble Marvel pour exister par elle-même, sans l’apport d’autres forces extérieures. Mieux, avec son allure rétrofuturiste et ses héros marginaux, elle réussit à être cinématographiquement l’une des meilleures, si ce n’est la meilleure à date, de toutes les franchises du studio.

Je s’appelle Gunn

Certes, ce n’est pas le chef d’œuvre de la décennie ni même le blockbuster le plus original de l’année. Mais, Les Gardiens de la Galaxie, vol. 3 bénéficie quand même d’un savoir-faire rare dans ces productions formatées par les studios pour remplir les multiplexes et vendre du pop-corn. Par sa mise en scène, Gunn, héritier de Dante, Carpenter, Spielberg, Landis et autres Donner, maîtrise l’espace et le temps, rejettant tout montage elliptique et tout découpage surexcité, pour rendre toute action lisible et compréhensible, sans finir épileptique. Il laisse se déployer les scènes pour que ses personnages existent autrement qu’à travers des bastons et des vannes (pour la plupart réussies). Il ne se prend pas au sérieux mais manie l’affaire avec professionnalisme.

Pom Klementieff as Mantis, Dave Bautista as Drax, and Chris Pratt as Peter Quill/Star-Lord, and Karen Gillan as Nebula in Marvel Studios’ Guardians of the Galaxy Vol. 3. Photo courtesy of Marvel Studios. © 2023 MARVEL.

Evidemment, ce n’est pas non plus le Joker ou Batman revisités par DC Comics. Cependant, en prenant le soin, même simplement, de s’attendrir pour un raton-laveur, véritable star de ce « biopic » antispéciste, ce troisième opus n’oublie pas son objectif : il déroule avec efficacité et cohésion un divertissement non apocalyptique, autant de qualités qui manquaient ces dernières années aux Marvel. Et ce, sans chercher à nous envoyer dans des mondes parallèles ou en démultipliant les personnages. Non ici, seuls les sentiments entre les personnages (amitié, amour, rivalité, fidélité, loyauté, etc.) servent de moteur narratif à un film qui se sait en fin de cycle. Il faut impérativement boucler les histoires de ceux qui veulent ou doivent quitter le navire. James Gunn s’en sort très bien, sans se perdre en route et sans contrarier les fans. Dommage qu’il soit parti chez DC Comics. Clairement, il aura redonné le peps tant espéré aux films Marvel.

Guardians of the Galaxy Vol. 3 (Les Gardiens de la Galaxie Vol. 3)
Réalisation : James Gunn
Scénario : James Gunn, d'après la série de comics "Gardiens de la Galaxie" de Dan Abnett et Andy Lanning
Musique : John Murphy
Production : Marvel Studios, Marvel Entertainment et Troll Court Entertainment
Distribution : Walt Disney Studios Motion Pictures
Durée : 2h30
Avec Chris Pratt, Zoe Saldaña, David Bautista, Vin Diesel, Bradley Cooper, 
Karen Gillan, Pom Klementieff, Sean Gunn, Chukwudi Iwuji, Sylvester Stallone, Will Poulter, Elizabeth Debicki