Cannes 2023 | Le Retour de Catherine Corsini : de l’ecstasy, mais pas d’extase

Cannes 2023 | Le Retour de Catherine Corsini : de l’ecstasy, mais pas d’extase

Si l’œuvre de Catherine Corsini commence à prendre de la consistance, et même une certaine cohérence, Le retour s’avère un film étonnament mineur dans sa filmographie. On peut comprendre l’intérêt de la réalisatrice pour revenir en Corse et dépeindre, une fois de plus les tourments féminins, la lutte des classes et les fractures de la société.

Pourtant, elle ne se donne jamais les moyens d’en tirer un film puissant malgré un trio de personnages, une femme et ses deux filles, au caractère bien affirmé. En manque d’inspiration, sa mise en scène n’est jamais à la hauteur des tempéraments ou des situations, et ce malgré la splendide image de Jeanne Lapoirie, qui a su capter la splendeur de l’île de Beauté.

« Vous êtes pas morte?

J’ai l’air d’une morte? »

La faute, sans doute, à un scénario qui s’éparpille dans trop de directions sans jamais dépasser le stade de la chronique adolescente ou du souvenir d’un été en pente douce. Même là, Corsini hésite : doit-elle filmer des vacances cruciales des trois femmes, qui renouent avec la terre du mari et père disparu ? Ou doit-elle s’intéresser aux émotions et aux émois de femmes qui cherchent leur identité ?

La confusion des intentions perturbent grandement la lecture que l’on peut faire d’un film outrageusement inclusif. Le récit coche toutes les cases : les bourgeois blancs condescendants, l’homosexualité de deux jeunes filles en feu, le racisme ordinaire (même si le jeune raciste aura le droit à sa rédemption), la jeunesse camée et insouciante, la femme noire soumise, la transfuge de classe, etc… Dans ce mix social et racial, non exempt de lourds clichés et de stéréotypes déjà vus, Catherine Corsini cherche à filmer et valoriser ceux qui ne le sont pas habituellement. C’est louable, mais pas forcément réussi.

Corse cathartique

Le retour erre ainsi entre de multiples personnages, toujours sauvés par un humanisme idéalisé, dans une histoire invertébrée. On ne saura jamais la destination réelle du film, ni son enjeu, ni son intrigue. Construit comme un téléfilm, voire un feuilleton, nous montre-t-elle un retour aux sources ou un retour à la vérité ou même un retour de bâtons ? Multipliant des détours (jusqu’à imposer un flash-back maladroit), voulant aborder trop de sujets, la cinéaste aurait pu donner n’importe quel titre d’un de ses précédents film à celui-ci : Mariée mais pas trop, Les ambitieux, Partir, Trois mondes, La belle saison, Un amour impossible, La fracture

Heureusement, elle sait toujours aussi bien diriger les comédiens, à commencer par Aïssatou Diallo Sagna (qu’elle avait révélée dans La fracture), Suzy Bemba et Esther Gohourou. Trois beaux personnages incarnés par trois magnifiques actrices. Cependant, ça ne suffit pas à donner de la puissance à un film bien trop explicatif et sans réelle singularité. Ainsi, ni la séquence de la soirée de la jeunesse dorée (flirtant trop sagement avec le cinéma de Kechiche), ni le final très appuyé par la musique, n’arrivent pas à faire décoller le film. On reste les yeux secs. Jamais les battements du cœur ne se sont accélérés. Peut-être qu’une pilule ou deux de « MD » n’auraient pas été inutiles pour doper la sérotonine de ce film finalement assez soporiphique.