Cannes 2023 | Monia Chokri : Simple comme Sylvain mais compliqué comme Sophia

Cannes 2023 | Monia Chokri : Simple comme Sylvain mais compliqué comme Sophia

Entre comédie de mœurs parfois hilarante et portrait dramatique d’une femme en quête du prince charmant, Simple comme Sylvain a tout pour séduire un large public. Film après film, l’écriture de Monia Chakri cherche la bonne tonalité pour nous fait rire de nos contradictions et de nos amours compliqués.

Simple comme Sylvain est ainsi un digne héritier des films de Denys Arcand où les bavardages existentialistes et les déversoirs de culture générale produisent des dialogues et des scènes drôlissimes. Mais il s’inscrit aussi dans la veine des marivaudages de Woody Allen, en plus crû (on est au Québec), même si le scénario inverse le point focal sur le personnage féminin plutôt que sur les masculins.

« Ma grande beauté. Mon intelligente… Envoie-moi tes seins! ».

Si l’ensemble est plaisant et l’écriture de qualité, il souffre quand même de quelques baisses de régimes. Et ça ne vient pas de Sophia (Magalie Lépine Blondeau, convaincante et irréprochable), quadra insatisfaite plus que névrosée, qui hésite entre le sapiosexuel et la passion charnelle. Platon, Schopenhauer, Spinoza, Jankélévitch et Hooks sont appelés à la rescousse pour arbitrer ses choix amoureux et faire le tri entre désir, sentiments, instinct de reproduction, plaisir etc.

Une chose est certaine, le film ne cherche pas à démontrer qu’un modèle de couple est meilleur que l’autre. Les couples avec enfants n’ont pas l’air malheureux mais subissent des progénitures hystériques. Le mari complice intellectuellement fait chambre à part. Le nouvel amant, Sylvain (Pierre-Yves Cardinal, charismatique), est une bête de sexe un poil trop possessif.

Cependant, cette représentation « masculine » s’engouffre dans des stéréotypes gênants. Comme si un mec intelligent et cultivé, citadin de la métropole, était incapable de souffler sur les braises du désir. Comme si un beau mâle de belle carrure, provincial d’origines modestes, ne pouvait être qu’un beauf ignare. C’est d’ailleurs à cause de son opinion trumpiste du monde qu’il sera jugé et méprisé. Cela en dit long sur l’incapacité à faire dialoguer les élites urbaines et les populations plus terriennes. La différence de classe sociale et d’éducation semble être fatale et irréconciliable. De quoi être pessimiste.

Pas vraiment gras dur

Mais c’est aussi ça qui empêche d’être complètement séduit par les tourments sentimentaux de Sophia, même s’ils n’ont rien de neuf dans le cinéma. Si, Monia Chokri, heureusement, ne juge personne (elle a de l’empathie pour les bobos comme pour les ruraux). Mais elle les caricature trop grossièrement. Jamais son écriture ou sa mise en scène ne nous permet de savoir si elle s’en moque ou si elle les respecte. Cette vision binaire du monde est plutôt embarrassante…

Malgré tout, le scénario explore tous les ressors d’une femme émancipée en quête d’un bonheur à deux. Comédie douce-amère, au romantisme un brin piquant, on aurait envie qu’elle y parvienne. Mais lucide, à la suite d’un énième renversement psychologique, Simple comme Sylvain la laisse en plan (dans une séquence qui rappelle le final des Parapluies de Cherbourg). Son héroïne doit-elle affronter seule cette existence si aucun prince charmant idéal ne semble adapté à ses envies? Basique comme la vie. Mais elle n’a pas (encore) les bases.