Paraît-il que c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes… Ken Loach et son scénariste attitré Paul Laverty ont pris l’adage au premier degré. Un bon vieux fût de bière écossaise pour brasser leur houblon traditionnel mélangeant la solidarité, l’humanisme, la tolérance pour lutter contre la mondialisation, l’individualisme et la xénophobie.
Difficile d’attaquer de si belles intentions. The Old Oak est dans la veine de ses films qui donnent un peu de baume au cœur, à l’instar de My Name is Joe, Looking for Eric ou La part des anges. Entendons par là que l’épilogue n’est ni sombre, ni pessimiste. Car, malgré tout, le film reste un portrait de la société anglaise aussi réaliste que déprimant. Mais le récit tend vers une forme de réconciliation ou de pardon, et choisit l’empathie plutôt que l’incommunicabilité.
« C’est de la solidarité, pas de la charité! »
Dans cette ville désindusrtialisée du nord du pays, se confrontent une population ancrée dans ces terres autrefois charbonneuses et ouvrières, des services publics en berne, des fonds d’investissement qui s’emparent de maisons abandonnées à prix bradés, et un car de réfugiés syriens débarquant dans l’inconnu.
On comprend très vite que le film va tirer les plus grosses ficelles scénaristiques pour tisser une histoire assez binaire. Dès le prologue, on assiste à une petite scène d’injustice entre une syrienne « smart » et un anglais « bas de plafond ». Avec la petite musique lacrymale, on sait dans quel camp le spectateur est amené à se placer. Et pas seulement le spectateur : tout le scénario repose sur les choix que doivent décider les habitants. Il y aura ainsi les irréductibles racistes, les girouettes qui changent d’avis, et ceux qui campent sur leur position d’ouverture et de dialogue. Ce n’est pas forcément manichéen. Loach et Laverty ont pris la précaution d’être assez « rousseauistes » dans leur propos en essayant de trouver à certains personnages de bonnes raisons d’être xénophobes, alcooliques, aigris etc. Même si, dans le même temps, ils n’évitent pas quelques gros pièges mélodramatiques.
« Choukrane, Mister Ballantyne »
Tout ce monde se croise au pub, The Old Oak, seul vestige encore debout d’une époque autrefois prospère. Avec l’arrivée des Syriens, et en espérant stimuler des échanges et des partages culturels, le bar va se transformer progressivement en « Resto du cœur ». Sorte de lieu inter-communautaire où il ne manque plus que le chant de l’Internationale…
Sans doute, dans ce monde désespérant, Ken Loach a souhaité construire, avec son efficacité habituelle, une « micro-utopie », plutôt qu’une « micro-folie ». Entre brèves de comptoir et grands sentiments, avec l’excellent Dave Turner au centre, le cinéaste clame sa devise : l’union fait la force.
« Si les pauvres connaissaient leur pouvoir, et comment l’utiliser, le monde pourrait changer ».
Cependant, l’ensemble apparaît aussi prévisible que mineur dans l’œuvre prolifique du réalisateur. Même si on peut lui reconnaître une maestria à passer de la rage à la douceur ou de la douleur à la légèreté, on a davantage l’impression que ce film crépusculaire, à l’image de ce bar qui tombe en ruines, cherche à réveiller un vieux rêve populaire (au sens noble du terme). Une histoire hypersensible pour tous, un scénario sans accros, avec un fonds inattaquable et idéal. Feel good même dans la tragédie ou avec les trahisons.
« Moi si je d’espérer, mon cœur s’arrête de battre » entend-t-on. Alors Ken Loach continue d’espérer… Quitte à ne plus nous révolter.