Dix ans après L’Ecume des jours, Michel Gondry exorcise le tournage douloureux de ce flop par le biais d’un alter ego génialement incarné par Pierre Niney.
Film avorté ?
Après avoir dévoilé la première mouture de son nouveau film à ses producteurs, Marc, jeune réalisateur passionné, déchante complètement : ils n’ont rien compris et veulent arrêter le tournage. Refusant cet échec annoncé, il embarque sa monteuse et sa directrice de production ainsi que toutes leurs bobines dans la maison de sa tante dans les Cévennes afin de terminer leur film.
Mais quelle claque ! Qu’on se le dise, Le Livre des solutions, titre d’un ouvrage rempli de conseils philosophiques et ludiques que Marc (Pierre Niney) s’évertue à rédiger en parallèle de son tournage rocambolesque, est une comédie totale. Présenté en compétition à la Quinzaine des Cinéastes 2023, le film de Michel Gondry offre pendant 102 minutes une plongée vertigineuse mais délicieuse dans l’esprit décadent d’un cinéaste trop souvent mal jugé.
L’art de faire rire
Marc est il du genre procastinateur ou simplement dépassé par ses idées ? C’est la question que le public ne cesse de se poser, tout au long de ses tergiversations pour retourner des plans. Dès lors que le personnage cesse de prendre un traitement (le cinéaste ne dit jamais de quel mal son protagoniste est atteint), l’action du Livre des solutions se démultiplie. Et au spectateur de s’accrocher pour suivre !
De la fuite des bureaux de ses producteurs à la projection dans le village des Cévennes du fameux film (parce qu’il finit bien par l’achever), c’est un véritable florilège de saynètes comiques qui s’enchaînent. Cela est possible grâce à une galerie de personnages secondaires presque aussi incroyables que notre anti-héros. A commencer par Charlotte la monteuse (Blanche Gardin), Sylvia la directrice de production (Frankie Wallach) et sa tante Denise (Françoise Lebrun) d’une douceur à toute épreuve.
Où s’arrêtera Pierre Niney ?
En comparses raisonnables mais bienveillantes, les trois femmes s’illustrent dans des dialogues d’une indécente hilarité (« Il fait un documentaire sur une fourmi… ça fait deux jours qu’il fait que ça… »). Le tout permettant à Pierre Niney de briller encore un peu plus. Si le personnage est difficilement incarnable (la douce folie de Michel Gondry est légendaire après tout), le comédien sacré meilleur acteur aux César pour Yves Saint Laurent ne finit pas d’impressionner. Il est complètement fou ! Voilà ce que son interprétation XXL déclenche dans presque toutes les scènes où il apparaît, c’est-à-dire beaucoup.
Sa performance est d’une justesse particulièrement troublante qui brouille en permanence les lignes. On s’attache à Marc comme on s’attache à un ami que l’on rencontre alors qu’il est au plus bas. C’est donc avec un regard à la fois extérieur mais impliqué qu’on assiste à des moments de fulgurante suivis par un doute particulièrement violent.
Vraie-fausse réflexion sociale
En filmant un tournage à la campagne, loin de la frénésie de la ville, Michel Gondry nous offre même une réflexion sur l’accès à la culture dans les zones rurales. Le public de villageois qui assiste à la première du film de Marc, dans un cinéma « fabriqué » spécialement pour ça nous rappelle le pouvoir du cinéma. Et surtout son but premier : être une expérience collective.
Et on ne rit pas devant Le Livre des solutions, on meurt de rire. Parce que Michel Gondry sait créer des situation improbables (la scène du pénis est sorti est un sommet de malaise). Parce que Pierre Niney nous prouve qu’il est le farceur suprême – sa participation à la saison 2 de LOL : qui rit, sort ! (Amazon Prime) en est d’ailleurs la preuve. Et parce que comme souvent avec les films de Michel Gondry, ce qui se passe derrière la caméra est aussi palpitant que ce qui se passe devant.
Vous l’aurez compris, Le Livre des solutions est à ne surtout pas manquer lors de sa sortie en salle.
