Avec Les tournesols sauvages, Jaime Rosales s’impose dans le cinéma espagnol avec un récit triptyque sur l’émancipation d’une femme dans un monde où la masculinité reste une muraille impénétrable. S’il s’agit aussi d’une quête de liberté, celle de Julia (Anna Castillo, impeccable et lumineuse) qui cherche l’équilibre entre l’amour et la maternité, le film, découpé en trois chapitres, est aussi le portrait de trois hommes impuissants à se construire dans un monde où le féminin s’affranchit d’eux.
Trois (beaux) mecs. Trois illustrations du mâle hétéro. Un macho (Oriol Pla), viril, tatoué, possessif, narcissique, qui s’avère brutal et violent. L’idylle s’arrête par l’intervention de la police. Mais la victime, mère de deux enfants, doit fuir… Elle rejoint alors le géniteur (Quim Avila), soldat dans une enclave espagnole au Maroc. Repasseur hors-pair en bon célibataire endurci, il se révèle trop immature pour assumer ses devoirs paternels. Julia reprend la route de nouveau et rencontre un homme tendre, à l’écoute, a priori parfait (Lluis Marquès). Hélas, il est trop accaparé par son travail. À chaque fois elle est renvoyée à son rôle de mère, de femme au foyer, incapable de reprendre son destin en main.
Les tournesols sauvages impressionne par son épure. Le cinéaste va à l’essentiel, sans détours. Pour chaque homme, il sublime Julia, sexy, aussi solaire que cette Espagne écrasée de lumière. Mais l’ombre n’est jamais loin. Il y a d’abord ces incidents de la vie qui menacent la quiétude d’une vie peu avare en échecs, revers, séparations, déceptions, trahisons. Julia a, malgré tout, la foi en l’amour, même si elle désespère.
Le film pourrait être un beau portrait de femme. Jaime Rosales en fait également trois beaux tableaux d’hommes, qu’ils soient toxique, transparent ou pas encore tout à fait déconstruit. Ils n’en sortent pas grandis tant ces trois personnages sont peu glorieux. Mais, et c’est toute la force de l’apparente simplicité du film, l’ensemble compose une fresque intime et humble sur le couple (hétérosexuel). La vision du réalisateur, aussi sensible soit-elle, est assez pessimiste, tant il semble peu convaincu par l’égalité des sexes. Critiquant toutes les formes de patriarcat, le drame se dévoile très féministe, et ce, sans surexposé son propos.
Heureusement, Julia, et son aspiration à la liberté, est déterminée et combattive. Elle veut croire à une possible union des sexes et elle y croit pour deux. Après moultes ellipses et égarements, elle accepte le compromis. Un (ré)conciliation qui ramène la quête du bonheur à sa juste mesure de misérables humains que nous sommes. C’est toujours mieux que la violence ou l’absence. Rien ne sert de lutter en permanence, il faut s’apaiser à temps.