Bifff 2024 : Kirsten Stewart s’éprend de Katy O’Brian dans le  fantasque « Love lies bleeding »

Bifff 2024 : Kirsten Stewart s’éprend de Katy O’Brian dans le fantasque « Love lies bleeding »

Dans un coin désertique des Etats-Unis, il ne passe pas grand-chose. Lou, qui est employée d’une salle de sport, s’ennuie mais elle reste là pour être proche de sa soeur. Quant à Jackie est une sportive bodybuildeuse qui s’entraîne avant un concours lointain à Las Vegas. Elle est justement de passage à la recherche d’un job et d’un logement. La séduction entre les deux femmes est simple, mais les relations de Lou avec son beau-frère et avec son père sont compliquées. Un drame imprévisible va provoquer une réaction en chaîne…

Le pitch : Lou, gérante solitaire d'une salle de sport, tombe éperdument amoureuse de Jackie, une culturiste ambitieuse. Leur relation passionnée et explosive va les entraîner malgré elles dans une spirale de violence.

Love lies bleeding est le nouveau film de la réalisatrice Rose Glass, que l’on attend depuis la réussite de Saint Maud. D’une certaine manière, elle poursuit la même thématique: une femme veut aider une autre femme à tout quitter. Sauf qu’en Irlande, chez Maud, le désir de sexualité était une faiblesse et le film s’ancrait dans le registre de l’horreur psychologique. Alors qu’ici, aux Etats-Unis, chez Jackie le désir de couple est une force qui sert de moteur à ce polar de vengeance(s).

Love lies bleeding est un titre étrange et peu poétique. On est plus proche d’un slogan. Mais ce titre a au moins le mérite de résumer ce qu’est la promesse de l’histoire : de l’amour, des mensonges, et quelques crimes sanglants.

Soit en fait les ingrédients de base d’un polar. Avec Kristen Stewart, star libre, et une jolie bodybuildeuse, en héroïnes amoureuses : ça a suffit pour espérer un ‘film lesbien’. Après une avant-première au Festival du film fantastique de Bruxelles perturbée, il convient d’avoir en tête qu’il s’agit moins d’un film LGBTQI+ que d’un film noir, qui ne s’épargne pas les clichés obligés du genre avec gangster local, passé trouble et témoin gênant.

Pussycat dolls

Certes il y a quelques séquences très sensuelles entre les deux personnages féminins, et d’autres plus conflictuelles aussi. Mais on ne peut s’empêche de ressentir une déception face à un film qui ne va pas plus loin dans la relation entre les deux femmes. C’est d’ailleurs le deuxième film de l’année, après Drive-away dolls de Tricia Cooke et Ethan Coen, qui passe à côté d’une valorisation de personnages homosexuels féminins. Comme si l’aour entre deux femmes n’était qu’un prétexte pour érotiser un fantasme dans un décor de poudre, de poussière et de sang. Cette distanciation est gênante, tant elle ne permet pas à ces bad ass girls lancées sur un boulevard de la mort d’être autre chose qu’une représentation d’un genre (sexuel et cinématographique).

Ls deux femmes de Love lies bleeding sont amenées à se trahir et à devenir des criminelles. Une autre homosexuelle de leur entourage sera parmi leurs victimes. En cela, malheureusement, Love lies bleeding ne peut prétendre à se ranger dans la même catégorie que d’autres polars haut de gamme, qui avaient su valoriser un duo de femmes dans un film de genre, tels Bound ou Thelma et Louise.

Sur l’écran le duo Kristen Stewart et Katy O’Brian est évidemment magnétique. Katy O’Brian est la grande révélation du film : à la fois parce son personnage de Jackie va être celui qui va tout perturber et parce que la caméra filme de très près chaque muscle de son corps. Curieusement, même si le film Love lies bleeding est de tout évidence féminin, on n’y voit pas spécialement un ‘female-gaze‘. À l’image, le corps des femmes est même objectifié à outrance.

Smooth Criminals

La cinéaste Rose Glass était déjà auréolée de la grande réussite formelle et audacieuse de Saint Maud où le fantastique se développait entre crise de foi et crise de folie. Ce premier film (peu distribué car période des salles de cinéma fermées en période Covid) était singulier. D’une certaine façon Love lies bleeding est tout aussi original, mais on navigue davantage en terrain connu chargé de références : l’ambiance musicale de Clint Mansell rappelle le cool de Drive, l’acteur Ed Harris rappelle une famille toxique comme A History of Violence, certains rebondissements sont proches de l’univers des frères Coen.

Avec ce deuxième film, la réalisatrice glisse de l’horreur du fantastique vers le polar fantasque : on s’amuse de l’enchaînement improbable d’une mort qui en cause une autre qui en cause une autre qui… L’histoire se déroule en 1989, ce qui permet de mettre une apparence eighties. L’aspect général un peu kitsch permet aussi au spectateur d’être plongé devant une sorte de fable. Aussi, certaines excentricités du scénario sont acceptées. Tout se déroule autour d’une salle de gym où on fait de la gonflette sous stéroïdes et autour d’un club de tir où, en cachette, il y a un trafic d’armes. La violence est omniprésente. Mais, après tout, comme dans une salle de fitness, ‘no pain no gain‘. Et les deux héroïnes vont être amenées à se salir les mains pour conserver l’amour de l’autre. Au final, l’histoire s’avère plus féministe que féminine, plus virile que queer.

Love Lies Bleeding
Réalisation : Rose Glass
Scénario : Rose Glass, Weronika Tofilska
Casting : Kristen Stewart, Katy O'Brian, Anna Baryshnikov, Ed Harris, Jena Malone, Dave Franco...
Sortie en salles : 12 juin 2024
Durée : 1h44