La Planète des singes : le nouveau royaume, blockbuster ancien Régime

La Planète des singes : le nouveau royaume, blockbuster ancien Régime

Nous voici repartis dans un temps légèrement futur, sur un morceau de Terre conquis par des singes évolués, à défaut d’être savants. À plusieurs égard, ce dixième film adapté du célèbre roman de Pierre Boulle, est à la fois une suite de la dernière trilogie à succès (2011-2017) et un retour au film originel (1968).

Si ce nouvel opus de La Planète des singes démarre avec les funérailles de César, héros des trois précédents films, le spectateur plonge très vite, « plusieurs générations plus tard« , dans un environnement où les singes dominent le monde (en tout cas la Californie tant on ne sait rien du reste de la planète) et où les humains (surnommés Echos) sont réduits à un état primitif, sans langage ni connaissance. L’environnement urbain s’est laissé envahir par le végétal. Les constructions humaines rouillent et ressemblent à des carcasses abandonnées, quand elles ne sont pas tout simplement couvertes de plantes et d’arbres, telle une jungle non urbaine.

Nouveau royaume mais rien de réellement neuf, au final. Le scénario est prévisible, pour ne pas dire paresseux et formaté. On comprend trop vite les enjeux qui se dessinent, y compris sur la suite de la franchise de plus en plus patriarcale. Une émancipation du jeune Noa, qui cherche tant à être digne de son père ; une guerre de clans, entre chimpanzés néerdanthaliens, respectueux de la nature, et gorilles cro-magnonnesques, belliqueux et assoiffés de pouvoir ; un trouble double jeu avec une humaine (Freya Allan, repérée dans la série The Witcher et qui cherche trop à ressembler à Jennifer Lawrence dans la séga Hunger Games), dont on devine le degré d’opportunisme et de traitrise.

Odyssée classique

Ces trois blocs ont de la difficulté à se mettre en place et à s’harmoniser. Voire à s’équilibrer. Malgré tout, Wes Ball parvient honnêtement à trouver une dynamique dans ce parcours ponctué de temps à autre de scènes d’actions ou de bravoure, sans que cela n’épate qui que ce soit. Il peut toujours multiplier les références visuelles (avec une mention particulière à la séquence de la traversée du pont, aux sobres allures très seventies, façon Sorcerer de William Friedkin, et ce de la mise en scène à la musique), jusqu’à se plagier (on ne compte pas les scènes rappellent sa trilogie du Labyrinthe). Il peut surtout remercier la direction artistique et les génies des effets spéciaux de Weta pour l’efficacité et le réalisme de ce film dont un gros tiers est entièrement en images de synthèse.

Pour le reste, le spectateur est plongé dans l’âge de cuivre. Les singes ont perdu les connaissances héritées des hommes et portées par César et Raka. Les humains ne sont plus que des bêtes sauvages qu’on chasse comme on traque des proies animales. C’est sans doute là le centre d’intérêt de ce film, mal exploité : la régression des deux espèces. Il ne reste que des légendes, véhiculées par des croyances spirituelles, une propagande autoritaire et comblant l’ignorance intellectuelle.

Guerre des trois

Finalement qu’on soit singe ou homme, on ne fait pas la différence entre les deux tant aucun ne se distinge dans ses émotions et ses sentiments. Avidité, cupidité, orgueil, jalousie, … le singe n’a rien de mieux à offrir que l’humain, ces sauvageons incultes. Les « réactions » anthropomorphiques, rapprochant les singes de l’humain, le montre aussi bestial et conflictuel que son cousin bipède. Là encore, on remarque une forme de flemmardise dans le récit. Tout au plus, peut-on imaginer une évolution darwinienne dans les prochains épisodes. Mais, à trop gommer toute dimension politique ou contemporaine, La planète des singes : le nouveau royaume se banalise pour ne devenir qu’un film d’aventures sans supplément d’âme.

Le spectacle n’est pas avare en sensations, souvent furtives. Mais tout cela manque de tensions à cause de séquences sont découpées frénétiquement. À trop contracter son film à l’intrigue basique, Wes Ball nous bride le plaisir et nous prive de peur. Tout s’enchaîne trop rapidement lors du final catastrophe. On ne doute jamais de l’issue de l’histoire ni même de celle des personnages. On peut juste espérer que l’affrontement annoncé pour la suite, autour de la résistance et de la récupération du pouvoir par l’être humain, sera plus dense et moins simpliste.