Deauville 2024 : retour sur une compétition aussi éclectique qu’inégale

Deauville 2024 : retour sur une compétition aussi éclectique qu’inégale

Les films en compétition au Festival du cinéma américain de Deauville étaient au nombre de 14, avec des profils très variés : trois films de femmes réalisatrices, plusieurs premiers films, trois autres importés de La Quinzaine des cinéastes de Cannes, certains sans distributeurs et d’autres déjà programmés sdans les salles françaises. On peut aussi ajouter trois films en noir et blanc et plusieurs adaptés d’une pièce de théâtre. Sans oublier un tiers de la compétition centrée sur la communauté africaine-américaine.

Les différents jurys n’ont pas à remettre des prix d’interprétation, mais si c’était le cas, ils seraient assurément décernés à Tim Blake Nelson dans Bang Bang et Ariella Mastroianni dans Gazer. Plus globalement, les favoris en lice pour le palmarès sont La cocina, The Knife, Gazer, et The Strangers’ case.

Le huis clos en premier plan.

Si ces 14 films en compétition sont éclectiques dans leurs récits et leurs formes, nombreux sont ceux qui jouent avec une même structure narrative: enfermer quelques personnages dans un lieu pour en faire ressortir leurs faiblesses. Que ce soit dans une prison pendant de longs mois pour Sing Sing, dans un centre de tir durant quelques jours pour The school duel, dans une maison un soir de réveillon pour Noël à Miller’s point, dans une maison pour des interrogatoires de police durant une nuit pour The Knife, dans une cuisine de restaurant lors d’une très longue journée pour La cocina, dans un taxi le temps d’un trajet pour Daddio.

Sing Sing de Greg Kwedar : avec Colman Domingo, récemment nommé à l’Oscar du meilleur acteur, et des détenus de la prison de Sing Sing dans leurs propres rôles.

La fiction raconte la production d’une pièce de théâtre par des prisonniers dans le cadre du programme ‘Rehabilitation Through the Arts’. Un nouveau détenu est intégré au groupe pour travailler sur le choix d’un texte, des rôles et des répétitions avec leur performance théâtrale prévue. Les répétitions avancent avec leurs imprévus, les rivalités et quelques confession, avec, au bout, peut-être l’espoir de sortir plus tôt du pénitencier.

The Strangers’ case de Brandt Andersen : avec Omar Sy (dans un rôle en anglais).

En Syrie un homme qui voulait migrer vers l’Europe est tué d’une balle dans la tête. Cet évènement va avoir impact sur quatre personnes qui ne se connaissaient pas : une femme docteur, un poète, un passeur de migrants sans scrupules et un soldat. L’histoire évoque les difficultés des migrants syriens pour quitter leur pays et passer à l’Ouest. Le film a eu l’honneur d’une sélection hors-compétition à Berlin en février.

Exhibiting Forgiveness de Titus Kaphar : avec André Holland.

Un artiste s’inspire de son passé pour peindre. Ses tableaux intéressent une galerie… Mais en parallèle, il doit élever son petit garçon, alors que son vieux père est de retour et lui rappelle son enfance difficile. Le film a déjà été l’un des gros coups de cœur de Sundance en début d’année.

We Grow now de la réalisatrice Minhal Baig

À travers les pérégrinations amicales de deux gamins, l’histoire évoque plus largement le quotidien des logements sociaux de Cabrini-Green de Chicago en 1992 qui ont depuis disparus (la quartier a commencé à être rasé à partir de 1995). Ainsi, le lien inaliénable des deux amis est remis en ques­tion lors­qu’une tra­gé­die secoue leur communauté. Le film a été primé à Toronto l’an dernier.

Bang Bang de Vincent Grashaw, avec Tim Blake Nelson.

Un boxeur à la retraite, qui vivote, se voit un peu obligé d’héberger son petit-fils, grand ado avec quelques problème de travaux d’intérêt général à effectuer dans le secteur. Il va essayer de l’initier à la boxe et même de lui proposer un combat. Les choses se passent plutôt mal mais il s’agit avant tout d’un moment lui permettant de se retourner sur son passé et de régler un vieux compte avec un ancien rival lancé en politique.

Bang Bang

The school duel de Todd Wiseman Jr

En noir et blanc, dans un futur proche dystopique, ­la Floride a abo­li le contrôle des armes à feu et les fusillades de masse dans les écoles sont nombreuses. Mais une nouvelle forme de régulation existe : le jeu ‘the school duel’ diffusé sur les télévisions. Certains élèves qui seraient susceptibles un jour de perpétuer une tuerie de masse sont envoyés dans ce programme. Ils vont devoir s’affronter à mort et se tirer dessus durant plusieurs rounds pour qu’au final il n’en reste plus qu’un seul. Un mix de ‘battle royale’, Hunger Games, Squid Game et La Mort en direct.

The School Duel

Gazer de Ryan J. Sloan, avec Ariella Mastroianni (aussi co-scénariste).

Une femme souffrant de perte de conscience du temps s’enregistre différentes cassettes audio qu’elle écoute au casque. Elle perdson job, ce qui complique son souhait de récupérer la garde de sa petite fille. Une inconnue se rapproche d’elle pour lui proposer de l’argent en échange d’une mission qui consiste à récupérer les clés d’une voiture à déplacer. Sauf que le coffre de cette voiture n’est pas vide… Petit polar original à la croisée du Following de Christopher Nolan pour l’histoire et de Good Time des frères Safdie pour l’ambiance visuelle, Gazer marque des points dans la compétition.

Gazer

Color book de David Fortune, avec Will Catlett.

Un père récemment veuf doit élever seul son fils trisomique. Il lui propose de l’emmener voir son premier match e Baseball dans un stade mais le voyage en train dans le Grand Atlanta sera très long. Tout se complique quand le fils descend à une mauvaise station. Les voilà séparés…

Color Book

Noël à Miller’s point de Tyler Taormina, avec Michael Cera (dans un petit rôle presque inutile), Francesca Scorsese et Elsie Fisher.

Le réveillon de Noël ‘une très très grande famille italo-américaine de classe moyenne. Durant la nuit, des tensions éclatent et l’une des adolescentes s’éclipse avec son amie… Plein de personnages et pas vraiment de scénario dans ce joyeux bordel. Une sélection incompréhensible (autrement que le buzz hollywoodien) à La Quinzaine des Cinéastes à Cannes et une présence en compétition que Deauville aurait pu s’éviter.

Noël à Miller’s point

The Knife de Nnamdi Asomugha, avec Melissa Leo et Nnamdi Asomugha.

Une famille noire surprend en pleine nuit une femme blanche qui s’est introduite chez eux. Elle est gravement blessée, inconsciente, avec un couteau à la main. La détective en charge de l’enquête va interroger tous les membres de cette famille ouvrière sans histoire. Cet événement va bouleverser la dynamique familiale et démanteler les illusions sur leur vie. Le récit est filmé quasiment en temps réel… Découvert à Tribeca, comme de nombreux films de cette compétition, ce premier film d’une ancienne star de la NFL, est précédé d’une très bonne critique américaine.

The knife

Les damnés de Roberto Minervini

Durant la guerre de Sécession, un groupe de soldats volontaires a pour mission d’aller le plus à l’Ouest possible pour effectuer des repérages et de la cartographie. De très jeunes hommes coexistent avec des vétérans dans un périple trop long, trop hostile (l’hiver est rude, la nourriture manque). dans cette épreuve, ils vont devoir partager l’apprentissage des armes ou leurs doutes sur la religion… Jusqu’à affronter la mort. Le film a reçu le prix de la mise en scène à Un certain regard cette année.

In the summers de la réalisatrice Alessandra Lacorazza Samudio

Pendant trois étés très espacés dans le temps, deux soeurs qui vivent habituellement chez leur mère, passent leur vacances chez leur père, vivant loin de tout. Le père essaie tant bien que mal de renouer des liens avec ses filles qu’il ne voit pas assez. Il ne les connaît pas vraiment en fait, et les filles lui font ressentir ses maladresses. L’histoire progresse par ellipse sur ces trois périodes : les deux soeurs fillettes, les deux soeurs jeunes adolescentes, et enfin lorsqu’elles ont fini le lycée.

Notons que le film a été doublement primé à Sundance : Grand prix du jury et prix de la mise en scène.

La cocina de Alonso Ruizpalacios, avec Raúl Briones et Rooney Mara

On découvre l’intérieur d’une cuisine d’un grand restaurant de New York, en même temps qu’une jeune femme latina qui y arrive pour travailler. À tout les postes de la brigade de cette cuisine, il y a des employés sans papiers, originaire du Mexique, de la République Dominicaine, du Maroc… Or, il y a un manque de 800 euros dans la caisse. Le patron veut découvrir qui aurait volé son employeur. Le film illustre le quotidien du travail en cuisine sous pression du stress, des rivalités, des crises de nerf, façon The Bear, et au milieu ce chaos, l’histoire d’un cuistot très amoureux d’une serveuse tombée enceinte.

La cocina

Daddio de la réalisatrice Christy Hall, avec Dakota Johnson, Sean Penn.

Arrivée de l’aéroport, une jeune femme monte dans un taxi pour revenir chez elle dans le centre de New York. Le temps du trajet commence un discussion avec le chauffeur. Un dialogue qui va tendre vers des confessions intimes sur leur passé et sur les déceptions de leurs relations amoureuses.