Deauville 2024 : les favoris récompensés au palmarès, Natalie Portman honorée, et l’avenir du festival interrogé

Deauville 2024 : les favoris récompensés au palmarès, Natalie Portman honorée, et l’avenir du festival interrogé

14 films en compétition, et un grand jury présidé par Benoît Magimel, accompagné de Lou Lampros, Damien Bonnard, Ludivine Sagnier, Martin Bourboulon, Agathe Riedinger, et à distance Emilie Dequenne. On ajoute un jury de la Révélation avec sa présidente Alice Belaïdi, entourée de Karidja Touré, Emma Benestan, Iris Kaltenbäck et Salim Kechiouche. Et au final, les films favoris ont logiquement trouvé leur place au palmarès : La cocina, The knife, The stranger’s case, … Seul manque Gazer.

In the summers, premier film de la réalisatrice Alessandra Lacorazza Samudio, déjà doublement récompensé à Sundance, a été le plus fédérateur, porté par une brillante interprétation et une narration séduisante. Il a gagné les faveurs des deux jurys.

Le Palmarès du 50e Festival du cinéma Américain de Deauville :

Grand Prix : IN THE SUMMERS d’Alessandra Lacorazza Samudio
Prix du Jury ex-aequo : 
THE KNIFE de Nnamdi Asomugha
Prix du 50ème festival : 
LA COCINA de Alonso Ruizpalacios
Prix de la Révélation : 
IN THE SUMMERS d’Alessandra Lacorazza Samudio
Prix de la Critique : 
COLOR BOOK de David Fortune
Prix du Public : 
THE STRANGERS’ CASE de Brandt Andersen
Prix Canal+ spécial 50ème anniversaire :
THE SCHOOL DUEL de Todd Wiseman Jr.

Dans la lignée de Boyhood de Richard Linklater et de Aftersun de Charlotte Wells, In the summers d’Alessandra Lacorazza Samudio suit durant trois étés espacés dans le temps, deux soeurs qui vivent habituellement chez leur mère, et passent leur vacances chez leur père, vivant loin vers un désert. L’histoire progresse par ellipse sur ces trois périodes : les deux soeurs fillettes, les deux soeurs jeunes adolescentes, et enfin lorsqu’elles ont fini le lycée. Pas encore de date de sortie en France.

Red Carpet anniversaire

Le Festival a célébré sa 50e édition avec un défilé de stars : Michael Douglas pour l’ouverture, James Gray, Juliette Lewis, Sebastian Stan, Daisy Ridley, Michelle Williams, Mikey Madison avec Sean Baker pour la Palme d’or Anora, Francis Ford Coppola avec Gia Coppola.

La fête s’est achevée avec Natalie Portman qui a reçu cette année l’Hommage qui lui avait été réservé l’année dernière avec l’avant-première de May December de Todd Haynes. La grêve des artistes de Hollywood l’avait empêchée de se rendre en Normandie.

Natalie Portman, sur les planches

C’est Isabelle Adjani qui avait la charge de cette éloge, pleine d’admiration.

Le discours a rendu hommage à l’actrice remarquable et audacieuse (oscarisée), à la productrice, à la réalisatrice, et à la femme engagée et inspirante (féministe, voix pour le mouvement Time’s Up contre le harcèlement sexuel, discours à l’UNESCO contre les violences faites aux femmes).

Au final, un Festival à la croisée des chemins. le premier sans son habituel patron, Bruno Barde, qui a du se retirer des affaires, suite à des accusations de comportements inappropriés (par plusieurs collaboratrices entre 2014 et 2023).

Septembre 2025 sans attendre

Désormais, c’est Aude Hesbert qui a la responsabilité de la manifestation. Un autre regard à n’en pas douter. Le maire de Deauville, Philippe Augier, promet que cela va encore durer 50 ans. Où en sera le cinéma en 2074? Et où en sera le cinéma américain dans ce lointain futur alors que Sundance traverse une crise existentielle, au point de vouloir changer de ville d’accueil? Il y a déjà des pistes de réflexion pour faire évoluer le festival dès l’année prochaine.

Lors d’une rencontre entre ces deux responsables autour du thème ’50 ans de cinéma de Deauville’, en compagnie de Michel Hazanavicius, seul cinéaste français oscarisé, il a été convenu qu’une évolution était narurelle.

À ses débuts les studios américains proposaient leurs grands films en avant-premières, profitant des sorties décalées entre l’été américain et l’automne européen. Désormais les sorties en salles sont simultanées et mondialisées, tandis que la saisonnalité n’a plus beaucoup de sens. Sans compter la concurrence à la même période : Venise est redevenu un festival majeur pour les studios américains, Telluride et Toronto restent des événements majeurs pour des avant-premières en vue des Oscars.

En 1992 la ville a inauguré sa nouvelle grande salle de manifestations, et en 1995 a été mis en place un jury et une compétition de films indépendants à la grande époque du ciné indé américain, capable d’être audacieux et mainstream. Les films couronnés à Deauville ont d’ailleurs souvent rencontré leur public en salles : Ça tourne à Manhattan de Tom DiCillo, Dans la peau de John Malkovich de Spike Jonze, Girlfight de Karyn Kusama, Hedwig and the Angry Inch de John Cameron Mitchell, Little Miss Sunshine de Jonathan Dayton et Valerie Faris…

Du travail sur la planche

Mais le cinéma hors studio traverse une passe douloureuse : des salles moins nombreuses pour les accueillir, la rivalité des plateformes, le marché du DVD/Blu-ray qui s’effondre, des droits de distribution en berne. Autant de revenus en moins. Cela explique pourquoi Deauville mise tout sur les stars, jeunes ou vétérans, pour attirer médias et spectateurs. Non pas que la compétition soit moins attirante ou qualitative. Mais les films font moins l’événement. Parmi toutes les avant-premières, on remarque un blockbuster (Beetlejuice Beetlejuice, quelques heures avant sa sortie en France), un film d’animation fédérateur (l’excellent Le robot sauvage) et une série B du tandem Blumhouse/Universal (Speak no Evil, un remake). Ni Joker, ni Venom, ni Transformers pour une avant-première française. La case Deauville va devoir redevenir attrayante pour les studios…

Pour le reste de la programmation, le comité avait vu 250 films et pioché dans les sélections de Sundance, South by Southwest, Tribeca, Berlin et Cannes. Peu d’exclusivités au final. « On essaie de trouver un équilibre entre des genres et des gestes de cinéastes » explique le Festival. De ce côté, c’est plutôt réussi, il faut séduire ceux qui ne sont jamais venus goûter aux plaisirs des planches de Deauville en fin d’été…. Et démontrer que le cinéma américain reste encore diversifié. À condition que les distributeurs prennent le risque de les sortir au cinéma.