
Premier long-métrage du réalisateur irakien Hasan Hadi, The President’s Cake est un film qui fait beaucoup de bien quand tout va mal. C’est un récit plein d’espoir qui, malgré le sujet dur et sombre, démontre que l’on peut toujours casser l’ambiance avec un style joyeux et léger.
L’Irak pour les nuls
Dans l’Irak de Saddam Hussein, Lamia, 9 ans, se voit confier la lourde tâche de confectionner un gâteau pour célébrer l’anniversaire du président. Sa quête d’ingrédients, accompagnée de son ami Saeed, bouleverse son quotidien.
Si bon nombre de projets présentés à la Quinzaine des Cinéastes ont un sous-texte politique clair, rares sont ceux qui comme The President’s Cake parviennent à autant lier l’histoire politique d’un pays à un récit fictionnel sans virer dans la dénonciation facile. Voilà sans doute pourquoi le film de Hasan Haadi a reçu une standing invitation dont on n’a pas réussi à compter la durée (il y a desjournalistes américains pour ça).
Dégradation du pays
Il faut dire qu’en quelques plans, celui qui a grandi dans le sud de l’Irak pendant la guerre, pose rapidement les bases d’une histoire dont l’héroïne nous captivera quoi qu’elle fasse. Curieuse et bien éduquée, déterminée et brave, Lamia est une petite fille tout ce qu’il y a de plus normal. Ses parents ne sont plus là. C’est sa grand-mère qui prend soin d’elle du mieux qu’elle peut, au moment où les sanctions de l’ONU génèrent une crise alimentaire et sanitaire dans un Irak sous le joug d’un dictateur.
Pour présenter Saddam Hussein ainsi, Hasan Hadi n’a d’ailleurs pas eu besoin d’aller très loin. Les quelques scènes dans l’école de Lamia sont autant de preuves de l’embrigadement d’une jeunesse qui n’a d’autre choix que de se conformer aux méthodes et au programme gouvernementaux. L’enseignant de Lamia et Saeed est d’ailleurs un militaire dont la pédagogie laisse à désirer – pour ne pas dire qu’elle est inexistante !
Outre les passionnantes péripéties des deux enfants – c’est tout le cœur du film -, force est de reconnaître que techniquement, The President’s Cake est aussi une réussite. La photographie est cohérente de bout en bout et surtout, Tudoc Vladmiri Panduru nous offre quelques plans d’une beauté rare. On pense notamment aux scènes sur l’eau, de jour comme de nuit, et à cette voiture qui ramène Lamia chez elle et qui traverse le désert en pleine nuit, pendant un orage.
Hypocrisie et perversion
D’un point de vue sonore, il serait facile de reprocher au film d’être cacophonique. Mais qui a déjà expérimenté les marchés à ciel ouvert et les manifestations mouvementées comprend rapidement que The President’s Cake ne lésine simplement pas sur les bruits du quotidien pour immerger son public au maximum. Notamment lorsque les enfants sont poursuivis par des hommes aux mœurs légères ou emmenées dans des endroits douteux à la recherche « de la levure chimique »…
Ce drame très bien ficelé sur le destin d’une fillette presque entièrement livrée à elle-même ne manque pas de dénoncer l’hypocrisie et les aspects particulièrement négatifs d’un pays et d’une population qui se cache parfois derrière l’Islam pour se dédouaner et qui n’a que la débrouille pour s’en sortir, peu importe ce que cela implique. On pense notamment à cet épicier prêt à tout pour « jouer avec » les parties intimes d’une femme enceinte… quitte à lui faire perdre les eaux !
En plus d’un chassé-croisé tragi-comique, le cinéaste qui a reçu la bourse Gotham-Marcie Bloom, le Black Family Production Prize et le prix de production de la fondation Sloan nous offre l’une des plus belles histoires d’amitié fille-garçon que l’on a vues ces dernières années. Suffisamment pour nous faire verser une larme durant le dénouement.
Grâce à peu d’images d’archives, Hasan Hadi propose un film au réalisme naturel très efficace. Son dosage des différents tons du film fonctionne à merveille et fait de The President’s Cake un énorme coup de cœur.
The President's Cake.
Cannes 2025. Quinzaine des Cinéastes.
Réalisation : Hasan Hadi
Distribution : Tandem
Avec Banin Ahmad Nayef, Sajad Mohamad Qasem, Waheed Thabet Khreibat , Rahim AlHaj
Scénario : Hasan Had
Son : Tamas Zany
Photographie : Tudor Vladimir Panduru RSC
Montag : Andu Radu
Décors : Annmarie Tecu