Plus de 36 ans que François Ozon est derrière la caméra. Et 26 ans après son premier long métrage, le fantasque Sitcom, le cinéaste continue d’alterner les genres avec une régularité métronomique. Quand vient l’automne, son 23e long métrage, s’inscrit dans la veine de ses drames « réalistes », à la suite de Sous le sable, Le temps qui reste, Le refuge, ou Tout s’est bien passé.
Faux polar, Quand vient l’automne est avant tout une chronique familiale où les douleurs intimes ressurgissent à la surface au fil d’événements anodins. Michelle (Hélène Vincent, sans fausse note), dame à l’automne de sa vie, écoute un prêche à l’église : la femme est une pècheresse mais elle est pardonnée car elle a donné beaucoup d’amour.
Tout est dit dès ces premiers propos. On apprendra ultérieurement quels sont ses péchés. Ce qui rend si difficile la relation avec une fille ingrate (Ludivine Sagnier, fidèle actrice du réalisateur, dans un rôle peu séduisant), si attachant son lien avec son petit-fils adorable, si touchant cette complicité avec son ancienne collègue (Josiane Balasko, authentique), et, par ricochets avec le fils de cette dernière sorti de prison (Pierre Lottin, nuancé comme jamais).
« L’important c’est qu’il veuille faire le bien »
Ozon signe ici son film le plus chabrolien. Davantage une étude sociologique de mœurs et de coutumes qu’un film policier. D’ailleurs on ne saura jamais si la mort d’un des personnage est un accident ou un crime. C’est la plus belle qualité de Quand vient l’automne. Un film à énigmes sans que celles-ci ne soit toujours résolues.

Ce drame sur l’inconscient manie avec malice les ellipses et les non-dits. Il dévoile parcimonieusement ses révélations, parfois en les retardant volontairement, sans lever le voile sur chacun des mystères. Au spectateur d’imaginer les réponses à certaines questions, de tenter des hypothèses autour de quelques doutes, d’interpréter la complexité de chacun. Les comédiens jouent parfaitement cette ambiguïté. Loin de tout didactisme, le film glisse ainsi dans un récit familial (au sens élargi du terme) où les liens du sang se distendent au profit des liens du cœur.
Ainsi, le cinéaste continue de construire une vision généreuse de la famille, par-delà les amertumes passées et présentes, le chaos du réel, et les jugements moraux. Par un jeu de hasards et de coïncidences, de malheurs et de chances, le quintet va se resserrer pour former un trio brinquebalant et équilibré, complice (association de bienfaiteurs?), tout juste menacé par la quête de vérité d’une inspectrice zélée.
« Tu m’as empoisonnée. Tu es toxique. »
Sur ce thème si récurrent du droit à une seconde chance, le film emprunte alors une voie plus mélancolique que mélodramatique. Si la mise en scène reste très sobre et même peu ambitieuse, flirtant parfois avec une création télévisuelle, elle n’en demeure pas moins efficace, eu service de son sujet et de ses interprètes.

Crépusculaire, jamais binaire, et toujours solidaire, Quand vient l’automne parvient à être émouvant, notamment par la tristesse qui se dégage des regards des deux vieilles amies, légèrement indignes mais clairement pragamatiques, et ce sans trop d’artifices. Ozon préfère observer les sentiments que traversent ses personnages. Entre inquiétude et culpabilité, solitude et fatalité. « Aimons-nous vivants » clame une chanson des années 1980 qui réveille le film au moment idoine, et même crucial : celui où le malheur des uns va faire le bonheur des autres.
Un drame dénué de suspense mais subtilement immoral. Parfois ironique (comme ces inattendues invitées aux funérailles). Porté par une affection teintée de sentimentalisme. C’en est presque apaisant, même si, inévitablement, l’hiver arrive…
Quand vient l'automne
Festival de San Sebastian
Durée : 1h42
Sortie en salles : 2 octobre 2024
Réalisation et scénario : François Ozon
Avec Hélène Vincent, Josiane Balasko, Pierre Lottin, Ludivine Sagnier,Sophie Guillemin, Malik Zidi, Paul Beaurepaire...
Musique : Serge et Evgueni Galperine
Distribution : Diaphana