Life of Chuck de Mike Flanagan : Une invitation à l’introspection et à la danse…

Life of Chuck de Mike Flanagan : Une invitation à l’introspection et à la danse…

Une histoire de vie et de genre qui raconte trois chapitres de la vie d’un homme ordinaire nommé Charles Krantz.

Mike Flanagan adapte une fois de plus un roman de Stephen King après Jessie (2017), Doctor Sleep (2019) et La Tour Sombre (série à venir). Avec Life of Chuck, il réaffirme son habileté à restituer l’atmosphère mystérieuse des livres et joue avec la forme du récit pour nous embarquer dans une aventure fabuleuse. Avec un casting cinq étoiles, dont notamment Tom Hiddleston, Chiwetel Ejiofor, Karren Gillan, Jacob Tremblay, Matthew Lillard, Mia Sara et Mark Hamill, on se laisse vite convaincre par le ton décalé des dialogues et la tendresse des personnages. Le risque de la grandiloquence hollywoodienne est adroitement évité alors que la structure du film se dévoile et que le grandiose se transforme progressivement en poésie. Mike Flanagan relève le défi de parler d’une société au bord du déclin sans cynisme et insuffle de la légèreté dans nos questionnements existentiels.

« We lost fucking Pornhub, that’s a tragedy »

S’appuyant sur la forme classique du film en trois temps, Mike Flanagan construit toutefois une narration originale en commençant avec l’acte III. Il instaure dès l’ouverture un renversement formel et conceptuel qui attire d’emblée notre curiosité. Le début du film coïncide alors, dans la narration, à la fin du monde. C’est pour le cinéaste l’occasion de toucher à des sujets éminemment actuels et d’imaginer un effondrement planétaire. Dans une salle de classe baignée d’une lumière douce, apaisante, un professeur tente de faire face à l’inquiétude de ses élèves. Une rencontre parent-prof restitue avec ingéniosité le contexte alors que les adultes dépassés se confient au professeur comme à un psychologue. Les dialogues plantent rapidement le décor et nous adhérons au ton tout à la fois caustique et tragique. 

Contrairement à un film apocalyptique, le début de Life of Chuck nous fait vivre la fin du monde avec économie, reprenant ainsi les codes de Melancholia, Seeking a Friend for the End of the World, Perfect Sense ou Last Night. Les catastrophes naturelles sont relatées par les médias et les extraits d’émissions télévisées sont plus horrifiants les uns que les autres. Mais dans la vie du professeur, rien de tout cela n’est montré. Seules les rencontres et les discussions avec ses voisins nous font part indirectement des aléas ayant touchés la ville.

Pour un monde au bord de la chute, il fait d’ailleurs étonnement beau et les personnages font preuve d’un calme déroutant. Alors qu’il n’existe plus aucune solution pour survivre, peut-être ne reste-t-il que l’acceptation. En négatif, Flanagan dessine une société pétrifiée et passive qui s’est laissée s’auto-détruire dans l’indifférence. Le personnage du professeur amène une rationalité au discours de ce début de film alors qu’il tente de rassurer son entourage autant que lui-même : rapportée à l’infini de l’univers, l’humanité n’est qu’un grain de poussière. 

Existentialisme relativiste

Mike Flanagan nous invite donc à penser notre place dans l’univers et à l’observer sans jugement telle une méditation poétique. Devant le ciel plus que jamais étoilé, alors que la pollution lumineuse des lampadaires est dissipée, le montage nous plonge dans une lente contemplation. Presque artificiel, pouvant même faire penser à un fond d’écran automatique, la voie lactée nous envoûte autant que les personnages, vivant leurs derniers instants. La musique et le son accompagnent ce moment dans un crescendo assourdissant et alors qu’un écran noir conclu brutalement la séquence, un silence pesant s’abat dans la salle. Cette montée en puissance soudainement interrompue illustre parfaitement la sensation de vide et joue avec nos sens. 

De fait, Mike Flanagan manie l’art des émotions et parvient à nous faire complètement partager les questionnements des personnages. Le film est traversé par une réflexion sur le sens de la vie pouvant être sublimée, en l’occurrence, par l’Art. Ce dernier semble être la clé de lecture universelle de l’existence et, à cet égard, Flanagan tente de parler à notre intériorité commune. On éprouvera le sentiment universel du Beau devant les étoiles et on aura envie de danser avec Chuck au rythme de la batterie. Au moyen d’un montage ciselé et d’une mise en scène léchée, on s’identifie complètement aux personnages et on se laisse emporter dans une joyeuse chorégraphie. 

« I contain multitudes »

Sans trop en dire sur l’histoire, on doit toutefois saluer la grande cohérence qui se dégage de la structure du récit. Les trois chapitres, filmés en différents formats et aux intentions visuelles et narratives très différentes, sont totalement imbriqués et indissociables. Créant un rythme qui nous tient de bout en bout, ménageant des moments de respirations autant que des accélérations dramatiques, le montage est basé sur des motifs récurrents qui nous donnent un sentiment de satisfaction et d’harmonie. Cette cohérence est toujours motivée dans la forme et le fond, l’histoire tentant de résoudre la question du sens d’une vie.

Feel good, sans cynisme et parfois sublime, Life of Chuck est un équilibre entre profondeur des discours sur l’existence et ton décalé. Les pointes d’humour sont bienvenues, à l’instar de la voix stéréotypée d’un narrateur qui fait parfois irruption dans l’histoire. On adhère complètement aux situations parfois saugrenues car elles prennent racine dans le réel et s’accompagnent de clins d’oeil qui nous intègrent dans le récit. Dans une atmosphère intimiste, on partage le regard des personnages sur la société et sur leur vie. Et on ressort de cette expérience avec du baume au cœur. 

Alice Dollon

Fiche technique
Life of Chuck de Mike Flanagan (adapté du roman de Stephen King)
Avec Tom Hiddleston, Mark Hamill, Chiwetel Ejiofor, Karen Gillan, Jacob Tremblay, Mia Sara, Matthew Lillard
1h50
Sortie française : 11 Juin 2025
Distribution : Nour Films