BIFFF 2021 : horreur Noire ?

BIFFF 2021 : horreur Noire ?

Le Festival Fantastique de Bruxelles propose aussi quelques documentaires, et parmi les titres de ce BIFFF 2021 il y a notamment une dizaine de titres qui avaient été sélectionnés lors de l’édition annulée de 2020. C’est le cas de ce documentaire, dont le titre indique à la fois l’enjeu et l’importance : Horror Noire: A History of Black Horror. Il questionne les diverses représentations de la communauté Noire dans le cinéma américain à travers le prisme du genre fantastique en particulier, mais également dans le cinéma de manière plus globale.

Le documentaire est réalisé par Xavier Burgin mais il repose grandement sur le livre ‘horror noire’ de Robin R. Means Coleman qui intervient beaucoup à l’image comme narratrice, en compagnie d’intervenants de la communauté ayant œuvré dans des films fantastiques en tant que réalisateurs (Jordan Peele et Get out), acteurs (Tony Todd dans Candyman), ou actrices (Rachel True dans The Craft). « On a toujours aimé l’horreur. C’est juste que, hélas, l’horreur ne nous a pas toujours aimés ». Le documentaire commence par remonter loin dans le passé avec des films où les Noirs ont été victimes de racisme et de stéréotypes (Birth of a Nation, le premier King Kong…) jusqu’au récents films où ils sont devenus des héros (en particulier Get out) et le cheminement de cette évolutions à travers plusieurs décennies de cinéma : les réalisateurs Oscar Micheaux et Spencer Williams, ou encore l’acteur Duane Jones comme jalon historique du héros en 1968 dans La Nuit des morts-vivants de George A. Romero.

Plusieurs films fantastiques évocateurs sont abordés. La Blackspoitation des années 70 dont les films Blacula et sa suite Scream Blacuka scream où pour la première fois le vaudou est vu non pas comme une force maléfique mais comme un pouvoir pour sauver et où Pam Grier a un vrai rôle consistant et n’apparaît pas seulement comme un sex-symbol. En 1973, Ganja & Hess de Bill Gunn (encore avec Duane Jones) qui met en scène des vampires Noirs est applaudi au Festival de Cannes mais il sera presque invisible ensuite (Spike Lee en a fait un remake plus tard). Wes Craven est cité comme réalisateur inclusif pour les rôles qu’il a donné à des personnages Noirs dans L’empire des ténèbres, Un vampire à Brooklyn, Le sous-sol de la peur.

Certaines scènes de films sont utilisées pour faire un parallèle avec d’autres faits d’actualité : des Noirs utilisés comme cobaye pour une recherche médicale, des policiers Blancs innocentés de leurs violences… Hollywood en général a d’abord contribué à alimenter la peur qu’un Noir représente une menace puis a progressivement utilisé des personnages Noirs pour des fonctions de ‘pion’ qui se sacrifie pour aider à sauver le héros Blanc. Il y a eu ce cliché tenace dans les films d’horreur où pour les Noirs « si on ne meurt pas dans les 15 premières minutes, on est d’office mort avant les 30 dernières ».

Le changement de représentations vers des rôles de plus en plus positifs se produit dans les années 90 et 2000 (après des évolutions déjà dans Candyman, Tales from the hood, The Craft). On a vu au fil des années comme héroïne principale Jada Pinkett dans Le Cavalier du diable et Aaliyah dans La Reine des damnés, et Attack the block a révélé John Boyega. « On est passé des personnages qui instaurent la peur aux personnages qui sauvent le monde »

En 2018, Jordan Peele a reçu l’Oscar du meilleur scénario pour Get out (devenant le premier Noir a recevoir cette récompense) et symboliquement Hollywood s’est aussi réveillé par la suite avec le mouvement ‘Black Lives Matter’ dans la société, Jordan Peele ayant ce commentaire : « uniquement une poignée de films avec un Noir dans le rôle principal, c’est la définition même de l’horreur d’après moi ». Mais Get out aussi symbolique soit-il dans une prise de conscience plus large du problème de la représentation arrive en fait après que de nombreux autres films du cinéma fantastique aient déjà commencé à baliser la question. Le documentaire fait involontairement un petit clin d’œil au festival du BIFFF avec une image de Lupita Nyong’o héroïne du film Litte Monsters : elle y sauve une classe d’enfants entourés de zombies et c’est le film qui a gagné le Corbeau d’or lors du BIFFF 2019 !

Fiche Technique   
Horror Noire: a history of black horror de Xavier Burgin (USA)  
1h23