Certains films ont été applaudi pour leurs images impactantes plus que pour leur scénario et d’autres ont ravi les spectateurs à la fois par le fond et la forme. Les différents jurys ont rendu leur verdict, et deux films en particulier ont reçu plusieurs prix dont Beyond the infinite two minutes de Junta Yamaguchi (Japon) : Prix de la sélection 7ème Orbit et Prix de la Critique).
C’est le petit film du BIFFF (à la fois par sa durée de 1h10, et par son petit budget) qui a étonné tout le monde par un surprenant tour de force narratif. On avait déjà vu un film semblable, lui aussi japonais, au BIFFF en 2019 : Ne coupez pas qui avait bénéficié d’une sortie très discrète dans les salles françaises, et fait l’objet d’un remake en cours de production par Michel Hazanavicius (avec Romain Duris et Jean-Pascal Zadi).
Beyond the infinite two minutes est fabriqué un peu de la même manière par une troupe théâtrale, avec le concept d’un long plan séquence en une seule prise (ou presque). L’histoire est aussi improbable que géniale : le gérant d’un café remarque qu’il y a une différence temporelle de 2 minutes d’écart entre un écran de son café et celui de son ordinateur dans son logement à l’étage au-dessus : « Je suis le futur toi, je suis deux minutes plus tard dans le futur ». Il y a une pièce où ce qui se passe et ce qui se raconte se trouve 2 minutes après dans le futur, et en changeant d’un étage on peut donc se parler à soi-même 2 minute plus tard ou plus tôt. Lui, une serveuse et quelques amis s’amusent à monter et descendre pour se poser des questions et se donner des consignes. Ils expérimentent ce curieux procédé : quand les deux écrans pour communiquer sont placés dans la même pièce, il y a moyen de se voir dans un futur d’au-delà de 2 minutes et de se parler à soi dans un temps passé de 2 minutes, ou plus… On découvre en même temps que les personnages les multiples interactions possibles et l’histoire se développe ensuite avec en plus une romance naissante et même un kidnapping…
Comme toujours avec les voyages dans le temps, il est possible d’avoir une influence sur son passé et donc de modifier le présent (soit comme plusieurs dimensions d’un Tenet de Christopher Nolan sans les effets spéciaux, soit une même simplicité pour nous emmener avec complexité vers l’inconnu que Primer de Shane Carruth). L’histoire exploite les paradoxes temporels avec une certaine logique qui va être extrapolée jusqu’à nous faire vivre une jouissive aventure dans plusieurs périodes de temps parallèles de 2x2x2x2x2… minutes avant ou après le présent : « j’ai reçu un message du futur du futur du futur du futur ! ». Tout se passe dans le même lieu unique où les personnages vont et viennent, l’impression de farce du début laisse place à un enchainement ‘mindfuck’ avec un effet Droste (mise en abime d’une image dans une image dans une image…) et plusieurs temporalités mêlées, à 2 minutes d’écart. Au fur et à mesure, le héros est un peu dépassé par la situation et ses amis (tout comme nous) se posent des questions comme jusqu’où voir dans le futur et pourquoi, et quelle conséquence cela aurait de faire une chose différente : « le futur nous contrôle peut-être ? » Beyond the infinite two minutes est ainsi aussi rocambolesque qu’étourdissant.