BIFFF 2021 : la Corée traumatisée par ses enfants perdus

BIFFF 2021 : la Corée traumatisée par ses enfants perdus

Comme chaque année, la Corée du Sud est particulièrement bien représentée au BIFFF (environ 15% des long-métrages cette année) puisque le festival de Bruxelles accueille les films fantastiques de la fantasy au thriller en passant par la science-fiction : soit autant de genres que le cinéma coréen sait explorer souvent avec maestria.

Par exemple en rétrospective Il Mare avec sa love-story à travers le temps, les comédies d’action aux combats spectaculaires Hitman: Agent Jun et Slate, un petit polar sur la culpabilité avec Diva, une basique angoisse des fantômes avec Closet sur fond d’histoire d’enfance malheureuse… Pour 2021 pas de thriller sanglant où on poursuit sous la pluie un serial-killer armé d’un marteau (presque une signature ces dernières années) mais le suspense est monté d’un cran avec des drames autour d’enfants perdus, sans leur famille.

Trois films ont ce dénominateur commun de provoquer diverses violences (physiques, morales) autour d’un enfant coupé de ses parents : fillette kidnappée qu’il faut garder prisonnière en attendant une rançon dans Voice of silence, une mère qui recherche désespérément son petit garçon disparu depuis 6 ans dans Bring me home, et un spécimen de clone trop unique pour le laisser vivre dans Seobok.

Voice of silence, de Hong Eui-jeong (premier long-métrage de la réalisatrice)

Le film débute sur le ton du polar en nous faisant découvrir un duo de « nettoyeurs » au travail (c’est à eux que font appel les criminels lorsqu’ils veulent faire torturer quelqu’un ou le faire disparaître découpé dans de l’acide…), en fait deux braves types qui ne se posent pas beaucoup de questions en échange de quelques billets. Un jour on leur ordonne d’aller chercher une personne et de la garder quelques jours le temps qu’arrive une rançon : surprise, c’est une fillette de onze ans. Quand leur commanditaire se fait assassiner et que la rançon n’arrive pas, le duo va devoir improviser pour monnayer leur petite otage…

Le duo (qui étaient d’ailleurs déjà dans Veteran de Ryoo Seung-wan, passé au BIFFF) est incarné par deux acteurs ayant déjà eu un film à Cannes : Yoo Jae-myeong dans Le Gangster, le Flic et l’Assassin et le jeune Yoo Ah-in qui était rôle principal dans Burning de Lee Chang-dong. La première originalité de l’histoire est que ça se déroule non pas dans une grande ville mais majoritairement dans les beaux paysages d’une campagne où pauvreté et isolement font que personne n’ira chercher une otage dans l’une des cabanes… L’histoire va se resserrer de plus en plus entre le plus jeune type qui est muet et qui doit garder chez lui cette petite fillette. Celle-ci comprenant que son père ne donne aucune nouvelles va progressivement développer une certaine amitié avec son geôlier, mais les jours passent et il va bien falloir faire quelque chose de cette petite otage… Voice of silence montre avec enchainement de diverses violences et en même temps un certain humour noir (comme chez Bong Joon-ho) que le monde des adultes est bien cruel.

Bring me home, de Kim Seung-woo (premier long métrage du réalisateur)

Un couple est dévasté depuis 6 ans par la disparition de leur petit garçon. Les avis de recherche affichés partout ne donnent rien mais le père va régulièrement explorer plein d’endroits pour espérer le retrouver, et après sa mort accidentelle la mère continue elle aussi d’espérer et de chercher. En parallèle, dans un petit village, quelqu’un fait un rapprochement entre la photo des affiches et un gamin un peu attardé et maltraité par une famille de pêcheurs. Un coup de téléphone est alors passé… Comment serait-ce possible que ça soit ce petit garçon ? On y retrouve l’actrice Lee Yeong-ae qui avait été la star du Lady Vengeance de Park Chan-wook (et une enquêtrice dans son JSA), avec sur le visage son obstination et sa douleur de mère désespérée prête à tout. Son arrivée dans le petit village dérange à la fois la famille de pêcheurs à qui elle voudrait prendre le petit garçon et aussi le policier du coin… L’affrontement sera très imprévisible et un peu brutal pour chaque personnage, et encore plus pour les spectateurs en ayant vu avant les diverses violences subies par l’enfant. Quelque part entre les déjà bouleversant autres films coréens A girl next door et Bedevilled, celui-ci est assez éprouvant.

Seobok, de Lee Yong-joo (troisième film du réalisateur)

Un scientifique qui est en train d’écrire un rapport sur une expérience est assassiné par un drône, alors décision est prise de déplacer ailleurs le sujet de l’expérience : un jeune adolescent qui est en fait un clone, plus exactement un spécimen humain créé à l’aide du clonage de cellules souches et de manipulation génétique. Dans un futur proche (déjà présent ?) une puissante compagnie a donc développé des recherches sur des protéines qui pourraient soigner n’importe quelle maladie humaine et le « spécimen » étudié en laboratoire est en fait un jeune garçon qui aurait la faculté d’être presque immortel et donc objet de convoitise de la part d’un autre pays…

Tout ce contexte scientifique est expliqué durant un long début de film avant que l’action (attendue) commence. Un ancien collaborateur va devoir escorter le « spécimen » durant son transfert, et justement le convoi va se faire attaquer… Quelques péripéties plus tard, le garde du corps, qui va bientôt mourir à cause d’une tumeur, découvre au fur et à mesure les particularité de cet adolescent unique qui aurait en lui des cellules pouvant guérir, avec en parallèle la peur de mourir de l’un face à la découverte de le vraie vie humaine en extérieur pour l’autre.

Seobok compte une poignée de scènes d’action à effets-spéciaux mais l’essentiel n’est pas là, l’histoire repose sur un apprivoisement réciproque de leurs différences entre l’homme promis à une mort certaine et le jeune garçon pas véritablement humain qui pourrait ne pas mourir. « L’immortalité sera la source de désirs insatiables et de conflits permanents. Paradoxalement, la mort est l’élément fondamental qui maintient la vie ». Le « spécimen » ayant été toujours seul sans famille ni ami cherche s’il aurait une place autre que celle d’objet d’expériences de laboratoire…