De l’or pour les chiens : portrait de jeune femme enflammée

De l’or pour les chiens : portrait de jeune femme enflammée

Quand vient la fin de l’été, sur la plage il faut alors s’en aller, les vacances ont duré emportant la tendresse de nos baisers… La jeune Esther avec son sourire enjôleur et ses 17 ans est belle comme un soleil, son petit boulot de serveuse sur une plage des Landes lui a fait rencontrer ce grand garçon Jean dont elle est tombée amoureuse, mais les vacances terminées il doit repartir sur Paris avec la promesse de se revoir. Très amoureuse Esther va sur un coup de tête partir à la capitale pour le retrouver, mais elle va déchanter et se retrouver toute seule dans la nuit de cette grande ville froide : un refuge inattendu va faire grandir une nouvelle confiance en elle tout comme la faire grandir elle comme Femme…

La réalisatrice-scénariste Anna Cazenave Cambet va s’imposer avec ce premier film (après deux précédents courts-métrages) comme une nouvelle voix du cinéma français qui en manque : De l’or pour les chiens était prêt pour être la révélation de La Semaine de la Critique 2020 à Cannes (et une sortie en novembre 2020) mais le coronavirus est arrivé, du coup le film sort en salles ce 30 juin 2021. On lui prédit déjà quelques nominations à la prochaine cérémonie des Césars, pour le film et pour meilleur espoir féminin l’actrice Tallulah Cassavetti qui fait vibrer chaque séquence d’un élancement du coeur. Comme beaucoup d’autres premiers films on y découvre une histoire de type coming-out of age avec ce délicat passage du mythe de l’innoncence perdue de l’adolescence à travers une épreuve qui va faire entrer de l’autre côté des adultes, il est bien entendu un peu question de ça mais c’est aussi bien plus que ça. Le cheminement de cette jeune Esther pour surmonter un amour fragile va l’amener à porter un nouveau regard sur son corps à la fois sujet et objet de désirs, et sur elle-même. De l’or pour les chiens est un portrait de jeune femme enflamée, dont s’échappe des étincelles de différentes reconstructions de ce qu’est l’essence du féminin…

Le film est structuré en plusieurs parties d’une cheminement d’abord géographique en trois grandes étapes : d’abord les grandes plages de libertés et de lumières des Landes, aussi la maison d’une fête avec une bande de jeunes où on outrepasse des limites et la maison familiale qui n’est plus un cocon; puis l’arrivée à Paris cette grande ville où les gens se heurtent et où une longue nuit sera froide; et le hasard de trouver refuge dans un couvent de religieuses où il est possible de se mettre en pause avant un nouveau départ… La narration même du film épouse cet itinéraire d’une jeune fille gâtée avec aussi un cheminement intime représenté des les premières images par le corps nu de Esther offert au plaisir charnel; puis par sa silhouette de jeune fille à la robe courte qui vagabonde; et enfin par son apparence oubliée car on ne voit plus que son visage animé de ses doutes. A l’inverse de nombreuses romances adolescentes où le trouble des sentiments conduit à une expérience sexuelle comme rite de passage pour devenir femme, De l’or pour les chien comporte cette audace moderne de directement commencer son récit par une première séquence d’une énième relaton sexuelle pour Esther et c’est donc ensuite que son apprentissage d’éducation sentimentale va la faire s’interroger… Ce personnage de Esther est d’abord vu comme un corps (corps de fille au milieu de garçons, son amoureux, aussi son beau-père…) avant de devenir un coeur (une fille au milieu des différentes femmes dans un couvent), le cheminement est rien de moins que la découverte de soi en tant que femme quand les regards des hommes sont éloignés.

Ce qui rend ce film aussi troublant que flamboyant c’est la subtile alchimie entre toutes les composantes de son équipe, par exemple à l’image le charisme de Corentin Fila, la magnétisme de Ana Neboracle et derrière le sens des cadres de Kristy Baboul, la musique… De l’or pour les chiens sera surtout vu comme la révélation de l’alliance idéale et mémorable de la réalisatrice Anna Cazenave Cambet et de son actrice l’actrice Tallulah Cassavetti.

Depuis quelques temps le cinéma français nous offre ce genre d’alliance puissamment féminine qui bouscule : Naissance des pieuvres de Céline Sciamma avec Adèle Haenel, Grave de Julia Ducournau avec Garance Marillier, Ava de Léa Mysius avec Noée Abita, Luna de Elsa Diringer avec Laëtitia Clément, Revenge de Coralie Fargeat avec Matilda Lutz, Papicha de Mounia Meddour avec Lyna Khoudri, Cigare au miel de Kamir Aïnouz avec Zoé Adjani (sortie en octobre 2021)… …et donc De l’or pour les chiens de Anna Cazenave Cambet avec Tallulah Cassavetti. Brillant.